samedi 30 mars 2013

American Gods (Neil Gaiman)


Un troisième Gaiman, c'est toujours autant bon. Je me permet de poster la chronique tout de suite en attendant patiemment que l'envie de poster celle sur Neverwhere arrive. Je l'ai déjà rédigée, mais je la garde au chaud pour la bonne occasion. En attendant, je vais en profiter pour chroniquer à chaud ce petit livre, histoire de me vider la tête de lui et de pouvoir continuer plus avant mes lectures. D'ailleurs je changerais la liste sur la droite quand j'aurais à nouveau un peu de temps, c'est-à-dire pas tout de suite. J'ai rajouté encore plus dans la liste et j'en ai enlevé deux trois.
Donc sans plus attendre, voici la chronique sur American Gods de Neil Gaiman !


Résumé en trois mots : Amérique, Dieux et Conflit

American Gods aura une critique assez semblable à celle que j'ai faite sur Neverwhere (et que je n'ai pas encore posté au moment où j'écris cet article ....) je remarque. En fait, j'ai retrouvé dans ce roman les mêmes genres de défauts et de -gros- avantages que dans son roman culte (enfin, pour moi au moins). Et dans les deux cas, j'ai adoré au final. Je vais vous expliquer à nouveau pourquoi.

Déjà, le résumé ! Une personne normale, sauf qu'elle est en prison, appelée Ombre (oui, c'est un surnom) est le héros. Ou tout au moins celui que nous suivrons dans le récit. Il est à deux doigts d'être libéré d'un coup qu'il a foiré, quand on le libère un peu en avance. Sa femme est morte. Et son meilleur ami avec (celui qui devait lui donner du travail). Bref, c'est un poil la memerde pour lui. Mais il est accosté par une personne curieuse, un peu hurluberlu, qui lui demande de travailler pour lui durant une petite période. Comme garde du corps (Ombre est très grand). Ombre accepte, mais son nouvel employeur est curieux. Très curieux. Est-ce vraiment un dieu comme il le prétend ? Ou simplement une personne mythomane et qui se joue de lui ? Et dans quel but ?

En clair, Gaiman arrive encore une fois à nous pondre une création débordante d'imagination. Un torrent de bonnes idées ce type quand même. Il parvient presque à nous faire croire aux choses qu'il raconte. Et en même temps, il captive avec son style d'écriture. On ne décroche pas le nez du roman de A à Z. C'est aussi prenant qu'un policier, mais sans jamais lasser. L'alchimie est juste parfaite entre les nouveautés et les passages mouvementés. Les personnages sont charismatiques, attachants. Le plus curieux étant Ombre au final, sur lequel on saura très peu de choses. C'est une véritable ombre qui glisse dans le monde, sans jamais laisser d'empreinte.


Un gros point que j'ai apprécié, c'est les noms. Ceux d'entre vous qui me connaissent bien savent à quel point j'ai un gros problème pour retenir les prénoms des personnes (usant de stratagèmes inimaginables ....) et comme c'est récurent. C'est d'ailleurs un gros souci dans les livres, où je ne retiens jamais aucun nom sauf trente relecture. Ceux qui veulent savoir comment je fais : je retiens deux trois lettres (du genre "Ça commence par un P et il y a un O et un A dedans") et sinon je retiens la forme du mot. L'apparence de loin quoi, comme si je ne savais pas lire. Ça marche assez souvent, sauf pour prénoms presque identiques. Surtout dans le cadre de littérature fantasy où les noms imprononçables se multiplient ....
Mais bref, si je vous parle de ça, c'est pour dire à quel point j'apprécie Gaiman, qui a donné des noms tellement simples à ses personnages que je les retient immédiatement. C'est un plaisir à lire et à retrouver les noms sans devoir faire de gros efforts pour se remémorer qui est qui.

Ensuite, le gros point fort c'est l'imagination débordante dont fait preuve Gaiman, mais toujours en faisant coller les choses à la réalité. Une mise en scène extrêmement efficace, qui fait qu'on n'est pas perdu dans un autre monde mais qu'on découvre une facette du notre. C'est d'autant plus agréable, très proche de ce qui apparait dans Neverwhere, mais avec un autre point de vue. Ici, on peut noter dans le roman une critique assez amusante de l'Amérique, et surtout une caractérisation cosmopolite évidente. Sans parler de la vision du progrès, très amusante. J'ai beaucoup aimé la façon dont il croque certains aspects. Mais là-dessus, je n'en dis pas plus, ce serait vous gâcher la lecture.

Enfin, une autre très bonne chose, c'est le rythme de l'histoire, sans cesse en mouvement, alternant avec des passages plus calme mais toujours intéressant. C'est une véritable fresque épique qui est menée. Et surtout, les retournements finaux sont bien amenés. Une belle façon de conclure, avec des petits ressorts de fin qui sont bien employés, bien mis en place. J'ai été surpris pour le coup. En même temps je ne cherchais pas grand chose. Ce n'est pas de l'enquête, c'est juste qu'on cherche à savoir la suite et à avancer.

Par contre, je dois reconnaitre quelques petits défauts, certes mineurs, mais existants tout de même. Par exemple, j'ai été déçu par la fin. C'est bien amenée, certes, mais je l'ai trouvé un peu facile. L'idée que j'ai eu était plus autour d'un soufflé qui est un peu retombé sur la fin, restant tout de même très appétissant. Et sinon, un gros défaut est a noter. IL EST TROP COURT ! J'aurais avalé plus de cent pages supplémentaires sans aucun effort ! Ça passait tout seul !
En comparaison de Neverwhere (oui, je compare en permanence, mais c'est mon blog, je fais ce que je veux. Na !) j'ai trouvé American Gods un poil en-dessous tout de même. J'ai moins trouvé le souffle épique qu'il y avait dans Neverwhere, et les critiques sur l'Amérique m'ont moins touchées que celles sur le monde souterrain de Londres et des clodos. Du coup, j'ai été un peu moins attiré par le roman. Mais il reste excellent.

Du coup, American Gods se classe selon moi comme un excellent ouvrage d'Urban fantasy, avec des idées à profusion et souvent excellentes, des magnifiques scènes et des personnages hauts en couleurs. Des petites critiques sur l'Amérique, mais également des compliments, de l'humour (et une bonne grosse dose d'ailleurs) et un style irréprochable. Que peut-on vraiment reprocher au livre ? L'ensemble est moins bon que dans Neverwhere mais il est encore très très bon, c'est sur.
Gaiman reste à mon humble avis un excellent auteur, confirme son talent, et invite très largement à aller vérifier les autres ouvrages qu'il a écrit. Je vais essayer de trouver la suite très rapidement moi .... 

(Chronique n°34)

jeudi 28 mars 2013

L'an 01 (Gébé)


Vous aimez Mai 68, la contestation sociale, les mouvements étudiants, la volonté d'aller à contre-sens de la société ? Oui ? Alors c'est le genre de livre que vous devriez aimer (j'ai adoré et je le revendique). C'est l'esprit de la contestation sociale (celle qui à ratée) des années 70, le moment où l'on dit merde à tout et qu'on recommence à zéro, partant vivre dans le Larzac. On fait table rase, on repart à neuf, c'est la remise en route de tout le bazar, c'est l'an 01 !


Résumé en trois mots : Révolution, Hippies et Pacifique

L'an 01, c'est avant tout une BD, mais qui fut également adapté en film, un vieux film en noir et blanc avec plein de vieux acteurs (genre Gotlib, Coluche, l'équipe du splendide encore non connue, Depardieu jeune et beau gosse ...), qui fut apparemment un petit succès (je n'en ai pas les chiffres officiels donc je ne m’avancerais pas plus que ça). Actuellement la BD est très dur à trouver, on ne l'imprime plus depuis des années, malgré les rééditions de l'Association (ce qui est fort dommage d'ailleurs) mais ce petit tracas peut être remplacé par ce site : celui là ! qui propose toute les pages scannées, et en cherchant un peu on trouve le film également. Donc ce n'est pas impossible, pas d'excuses !


Pour ne pas faire trop durer la chose, je vous propose de commencer rapidement par les défauts : c'est moche, désordonnée et brouillon. Bon, là le cadre est campé. C'est du dessin qui n'est pas beau. Mais alors vraiment. On ne distingue pas toujours tout. Ensuite, c'est une belle saloperie à lire, avec des cases dans tout les sens, du texte écrit en spirale parfois, des pavés énormes à lire (du genre une page énorme) et des sens de lectures qui sont aléatoires. Parfois il faut relire plusieurs fois pour s'assurer d'avoir bien compris. Et vu les pavés, la lecture est tout sauf fluide. Mais en même temps, l'histoire est très déconstruite, on a droit à une succession de petit sketch, des idées en vrac, des planches sans grand rapport entre les deux. Justement d'ailleurs, le mélange entre avant et après l'an 01 est très peu construit et du coup il faut un peu réfléchir en le lisant. C'est un gros défaut, mais en même temps, il faut comprendre que cette BD sort pas mal des cadres conventionnels puisqu'elle est faite avant tout pour un journal. Son passage en BD n'est pas prévu exactement, et du coup la forme s'en ressent.

Pas besoin de beaucoup pour qu'on
comprenne, non ?
Par contre le fond est nickel. Une idée de génie à germée dans l'esprit de Gébé : la révolution de mai 68 fait avec des moyens différents. Pas de révolution armée, pas de mobilisation. Juste un appel à la démobilisation générale. Et tout le monde se démobilise. Cette idée, c'est les fameux trois personnages sur la couverture : "On arrête tout, on réfléchit, et c'est pas triste". L'idée est exploitée sous plusieurs formes, en faisant le bilan des années 70, en montrant le fameux An 01 et ensuite en continuant avec ses fameuses nouvelles façons de vivre. C'est un avant-pendant-après la démobilisation générale.

Et c'est là tout le sel de la BD, une idée utopiste que j'aurais quasiment qualifiée de géniale, mais malheureusement elle est un peu trop utopiste sur certains points. Mais par contre, je ne peux que applaudir des deux mains lorsque je vois cette sublime idée de l'abolition de la propriété, cet ouvrier sur le trottoir en train de lire Platon et disant "On en fait tout un foin, mais finalement ça se laisse lire". Et tant d'autres petites perles à la fois d'humour mais également d'inventivité, ces louanges de la vie au grand air et à la culture pour tous, à l'arrêt de l'abrutisation des masses etc ... C'est également un appel à la révolution simple. On s'arrête, et on réfléchit. C'est bateau, mais c'est simple. Et au final, c'est superbe. Génial.

Le seul défaut dans cette utopie de "sale hippies", comme on dirait aujourd'hui, c'est qu'il ne va pas à fond dans certains aspects, notamment autour de la bouffe ou des vêtements. Mais c'est bien représenté, et l'envie m'a pris d'arriver dans l'an 01, de partager la folie de ces "doux dingues", qui vivent comme ils l'entendent et sans attaches, détachés de tout. C'est assez remarquable quand on le lit, cette façon de mettre en scène une société qui semble parfaite. Le tout à beau dater d'il y a maintenant plus de trente ans, il reste une excellente utopie, toujours autant intéressante.

En résumé, cet ouvrage difficile d'accès est avant tout une utopie, sacrément bien décrite, qui nous fait rêver et voyager. C'est une excellente BD, compliqué à lire, mais très bien campée, aux idées qui fusent en tout sens et dont plus d'une mériterait qu'on s'y attarde vraiment. L'ensemble est assez indigeste pris en gros, mais en lisant tranquillement, petit à petit, la douce folie et l'espoir qui sont contenus dans les pages ressortent et ne peuvent que nous toucher également. Une belle mise en scène, et je pense vraiment qu'elle vaut les utopies de tant de grand maitres (comme Thomas More par exemple). En clair, c'est le genre de BD à lire.

(Chronique n°33)

mardi 26 mars 2013

Le cycle de Lyonesse (Jack Vance)



Il y a quelque chose que j'aime bien dans les livres, c'est l'ingéniosité dont on sait faire preuve pour donner des noms à un genre particulier. C'est déjà compliqué dans les simplifications générales, alors quand on aborde les sous-genre, c'est encore pire. Là, cette série est qualifiée de "Light fantasy". Je suppose que c'est fait par opposition à la "Dark fantasy", mais quand même, c'est un truc de dingue comme sous-genre. Surtout qu'en fin de compte le genre ne veux pas dire grand chose.
Sinon je dirais également que cette série que je vais me faire un plaisir de chroniquer, je viens de la finir, c'est donc un avis à chaud que je ferais, mais que je suis particulièrement remonté contre l'auteur. Surtout pour la fin. Je veux dire par là la toute fin, genre les cinq dernières pages du dernier livre de la trilogie quoi. C'est particulièrement énervant quand une saga se finit comme ça. Mais je détaillerais.
En attendant je vous propose d'aller explorer une série qui fleure bon la vieille fantasy à papa, bien loin d'une série tel Ayesha de Ange, ou encore Le trône de fer de G. R. R. Martin. C'est encore la bonne vieille fantasy à la papa, mais c'est toujours aussi bon. Donc voici, messieurs et mesdames, le Cycle de Lyonesse qui vous est présenté !


Résumé en trois mots : Fantasy, Princesses et Magie

Ici, c'est typiquement le genre de fantasy que je qualifierais de "fantasy à papa". Comprenez par là que c'est le genre de fantasy qui est un peu ancien, dans un style vieillot, que le poids des ans se fait sentir (la série à été écrite entre 1983 et 1989, mais trente ans en fantasy c'est long), mais qu'on le lit toujours avec autant de plaisir. Comme dit, elle n'est pas si vieille que ça, mais le style sent résolument le vieux et l'ancien, sans que ce ne soit une tare. Mais c'est amusant quand on le lit.

L'auteur est un américain, Jack Vance, qui est spécialisé dans les romans de fantasy, et je vais prendre un grand plaisir à suivre cet auteur qui semble avoir plusieurs autres productions dans le même acabit et que j'ai vu recommandé par des lecteurs. La liste des lectures prochaine s'allonge de plusieurs pieds .... (à croire que je ne pourrais jamais tout lire .... Je me refuse à cette idée).
L'histoire va se projeter dans les Isles Anciennes, une sorte d'Atlantide médiévale. La façon dont le propos est traité est remarquablement ingénieux, puisqu'il ne fait pas vraiment de la fantasy médiévale, mais qu'en même temps il ne se plante pas farouchement dans un monde totalement imaginaire. C'est un peu entre les deux, dans la réalité historique (arrangée pour l'occasion) mais en même temps en marge de celle que nous connaissons. J'ai trouvé l'astuce particulièrement bien trouvée, et qui permet de largement se lâcher niveau inventivité tout en restant ancrée dans le réel. Elle permet de donner des bonnes bases, même si vous n'aurez une carte des îles que dans le volume 3. Oui, dans le dernier seulement. Merci l'édition !





Chacun des tomes nous fera donc voyager, avec ce qu'il faut comme péripéties sur les routes, sur la mer, dans les palais avec quelques petits soucis (mais pas vraiment d'intrigue comme on peut en trouver dans Ayesha) . Et bien évidemment, nous aurons aussi des batailles, des montagnes à franchir, des créatures féeriques (telles des ogres, des fées, des lutins, des trolls et toute cette agréable compagnie). Le tout assaisonné de magiciens qui se querellent, qui s'affrontent dans des duels camouflés (ils ne peuvent pas se permettre de se faire ouvertement face à face). L'ensemble étant savamment dosé pour ne pas paraitre ennuyeux et nous faisant voyager entre les différentes parties du continent.

Pourquoi dis-je donc que c'est une série de fantasy "à la papa" ? Et bien, de nombreux exemples viennent étayer cela. Comprenez bien que ce n'est pas un genre particulier dans lequel je range ce livre, c'est juste une impression dégagée par l'ensemble. Déjà, c'est manichéen. Le gentil se voit à des kilomètres, le méchant de même, on voit tout de suite qui va s'en sortir et qui ne vas pas y arriver, les fins heureuses seront de mises, on est dans des caricatures un peu. Ensuite, tout se fait dans les hautes sphères ou presque. Ce sont des princes, des princesses, des rois, des héritiers, des nantis ou des magiciens qui composent la trame. En clair, que des personnages qui sont issus de la haute, les autres n'ayant que très peu de voix au chapitre et apparaissant de manière beaucoup plus ponctuelle. Dans l'ensemble ils ne sont que des seconds rôles souvent très effacés dans la trame complète de l'histoire.
Mais ça marche ! Bien que ce soit assez prévisible pour plusieurs cas, que les personnages soit simples et que l'ensemble ne soit pas un summum de réflexion sur les personnages, ça marche ! Et très bien d'ailleurs. On s'attache aux personnages, on les suit avec un intérêt croissant, ils ne faiblissent jamais et ça nous plait. Au final, on peut se dire que c'était prévisible, mais on voulait quand même le suivre.

Ensuite, j'ai trouvé que les idées sont très bonnes, notamment autour des créatures féeriques et de leur rencontres avec les humains. J'aime beaucoup les forts de fées et toutes les règles et coutumes à respecter avec elles. Les autres, trolls et ogres notamment, sont intéressant aussi, et l'ensemble fait penser à ces vieux contes de Grimm ou de Perrault. C'est toujours un plaisir à lire et retomber dans cette imaginaire enfantin. Par exemple les fées qui offrent tout ce qu'il faut pour passer les épreuves, c'est classique et c'est très facile pour faire avancer les héros, mais ça marche ! On est avec, on se réjouie de ces bons coups et on continue à lire. Dans le genre, je crois que c'est une réussite dans toute sa splendeur.

Par contre, j'ai trouvé des défauts. Je dois bien le dire, il y en a plusieurs. D'abord, parfois certains termes choquent. Notamment dans le premier tome, lorsqu'il parle de serviette en coton. Je ne sais pas si c'est une erreur de traduction, mais ça m'a bloqué à la lecture, puisque le coton n'était pas encore arrivé à cette époque. Et franchement, j'ai eu un gros blocage. Heureusement que la suite ne m'a pas choqué comme ça, mais je vous garantis que sur le coup ça marque. Surtout que pour le reste, c'est très bon, c'est d'autant plus un point noir.
Ensuite, une autre chose qui m'a clairement déplu, c'est l'absence de repère spatiaux tant qu'on n'a pas clairement la carte. On est dans le flou complet au niveau des endroits, des routes, des forêts et tout le patacaisse. J'ai mis un temps fou à comprendre que le Troicinet est une île au sud du Lyonesse. En fait, j'avais absolument rien compris à la géographie de base et je croyais qu'il parlait de la France et du Royaume-Uni en utilisant d'autres noms. En clair, c'est pas sympa de ne pas avoir mis de carte avant le troisième volume (c'est le genre de détails qui tue quand même).
Et enfin, le dernier gros point noir, c'est l'échelle temporelle. Je n'ai rien compris. Mais alors rien du tout. J'ai suivi, mais les personnages, je n'ai pas capté du tout leur vieillissement. Le temps s'étire entre les tomes (je crois qu'il se passe 3 ans entre les deux premiers et 7 ans entre les deux autres), mais les personnages semblent subir un vieillissement aléatoire. L'un est plus vieux après un séjour chez les fées, mais il semble au final du même âge que l'autre qui est restée dans le temps normal (alors qu'ils doivent avoir 8/9 ans de différences). Le personnages d'Aillas semble être également un peu jeune tout le temps, Casmir pareil, et surtout je me demande s'il n'y a pas de la pédophilie quand Aillas fait un enfant à sa nouvelle compagne qui était une enfant dans le tome 2. En clair, j'ai eu du mal à comprendre l'âge respectif des personnages. C'est très confus. Mais si on passe allègrement outre et qu'on s'invente l'âge qu'on veut, ça passe quand même.

En fait, le livre est très classique dans sa trame et dans ses personnages, pas originaux pour deux sous, mais qui est tout de même prenant, regorge d'inventivité pour les créatures féeriques et dans l'ensemble très bon quand même. C'est du classique, je pense que c'est le terme le plus approprié, mais du bon classique, qui vieillit bien et qu'on peut encore lire de nos jours sans problème. Le roman souffre d'une échelle temporelle très confuse (encore qu'il faudra que je le relise) et d'une narration linéaire, mais c'est tout le temps prenant et la suite se fait désirer. Lorsqu'on a fini un livre, le suivant nous attend en faisant de l’œil et on se jette dessus sans trop attendre. La marque s'il le faut d'un livre qui mérite d'être lu. Je pense franchement que c'est un bon cru de fantasy, qui permet de passer le week-end tranquillement sans se prendre la tête, et qui est au final simple et efficace. Un cru dont j'en redemanderais volontiers, et je vais bien consulter la suite des œuvres de l'auteur.

(Chronique n°32)

Deuxième billet pour ce challenge !

dimanche 24 mars 2013

Neverwhere (Mike Carey & Glenn Fabry)

Je dois dire que la couverture me
déçoit. Le regard est pas mal foiré et
Porte semble beaucoup moins clodo
que dans le livre. Normalement elle
est habillée comme une SDF. De ce
côté là c'est un poil raté.
Vous avez bien lu l'article précédent ? Celui-ci découle totalement de l'autre, puisque c'est le même livre, mais à présent dans son adaptation en bande-dessinée dans l'année 2008 (pour la France, mais un ou deux ans avant pour les États-Unis). Du coup ce n'est pas véritablement une simple chronique sur la BD, mais bien un comparatif entre les deux, notamment sur le fond et la forme. Indissociable, mais peut-être aussi complémentaire, qui sait. Vous voulez le savoir ? Alors lisez la critique du livre dans le post précédent. C'est fait ? Alors à présent, voyons la BD tiré du roman de fantasy Neverwhere !


Résumé en trois mots : Londres, Souterrains et Portes

Donc, Neverwhere à été adapté en 2007, la version livre datant de 1996. Dix ans séparent seulement les deux, mais voyons un peu si cette distance n'a pas trop jouée sur la transcription d'un média à l'autre (oui, BD et livre sont deux médias différents).

Premièrement, le dessin. Là je dois dire que j'ai été bluffé. Pourquoi ? Tout simplement parce que le dessinateur à réussi à faire des gueules qui correspondent exactement aux personnages du roman, notamment Croup & Vandemar, ainsi que de me faire noter des détails que je n'avais pas remarqué (la tête du Marquis est très différente de celle que j'avais en tête, mais en fait j'avais mal lu sa description). Chasseur est totalement différente de ma vision mais également très bien, l'ange réussi, en fait tout les autres sont bon. Richard est parfaitement bien fait (je ne sais pas pourquoi, j'avais en tête Ewan McGregor dans Trainspotting ...) et Porte, même si je regrette qu'elle n'ai pas plus l'air de la clodo décrite dans le roman, est très sympathique.

Sinon, le dessin est très bon, assez détaillé, très typé comics, mais pour une fois je n'ai pas été dérangé par lui. C'est une bonne version, avec des petites touches très sympathiques. Je dirais juste que comme d'habitude, les personnages me semblent souvent figés. Pourtant, les dessins sont dynamiques, et les scènes d'actions fluide. Les couleurs sont très bien choisi, même si certains détails paraissent curieusement flashy. Mais dans toutes les pages, ça passe allègrement inaperçu.

Tiens, en parlant du nombre des pages, il faut bien le souligner : l'album est très gros. Il faut au total 192 pages (ce qui explique que le prix d'origine soit 24 € .... Heureusement que j'ai trouvé pour 10 de moins !) et présente le format classique des comics (a savoir, une 25 par 16.6), plus petit que du A4 mais plus gros que les formats de poche ou les petits formats franco-belges. D'ailleurs il est à couverture rigide et à la fin vous avez une compilation des couvertures de chapitres. Ah oui, petite précision : il arrive bien souvent qu'en Europe les éditeurs fassent le choix de regrouper en intégrale plusieurs chapitres de comics au format américain. Par exemple, ici, nous avons en fait 9 chapitres regroupés dans un seul volume (cette pratique marche aussi pour de nombreux Batman, pour Walking Dead ....). Pour chacun de ces chapitres, une couverture est dessinée (spécialité américaine également), qui sont regroupés à la fin pour pouvoir les détailler (elles sont présentes dans le récit, mais avec du texte par dessus). Je dois dire qu'elle sont sublimes, et que c'est un régal à regarder.
Ensuite, passons au gros du texte : le corps en lui même. L'adaptation. Là encore, je dois dire que j'ai été largement bluffé. Je ne pensais pas à une adaptation tellement fidèle. Le récit est totalement repris, de A à Z (bien évidemment, avec quelques coupes qui devaient être faite, mais je vous assure qu'on ne le distingue pas tellement au final). Certains points disparaissent, un ou deux personnages sont passés à la trappe, et quelques petites modifications interviennent de ci de là (comme par exemple lors de la fin, ou il n'y a pas le coup du vin d'Atlantide, ce qui est dommage en un sens) mais tout est respecté au final.
Une couverture (la dernière)
d'un magazine américain
Enfin, presque tout. Je suis outré pour un point. Un énorme, un gros comme une maison qui est passé à la trappe : la fin ! Ils ont zappé toute la réflexion sur la valeur de notre monde et d'un monde de fantasy. Ayant tellement adoré cette fin, je ne peux que être outré de ne pas l'avoir retranscrite. Mais en même temps, je pense franchement qu'elle était dure à remettre. Par contre j'ai trouvé grandement dommage qu'on perde tout le côté métaphore des clodos et du monde de la misère, ce qui est vraiment regrettable. Cela dit, tout le récit était déjà dur à mettre en place, cette subtilité était peut-être superflue. Ce côté est surtout absent lors de l'épreuve que passe Richard, qui insiste uniquement sur le fait qu'il se croit dément, et pas plus. Là par contre, les choix sont nettement plus judicieux, notamment pour faire avancer la BD avec le même rythme tout au long.
Du coup, je trouve les coupures très bien faites, et qui n'empêchent pas le récit de sombrer dans la pale copie d'une œuvre remarquable. Le récit reste très bon, rythmé, et avec son lot de surprise et d'amusement. Elle est un poil plus sobre que la version littéraire, notamment au niveau des métaphores, mais je pense qu'elle se rattrape largement par son côté plus marqué fantasy. Une belle réussite d'adaptation.

En résumé, c'est une œuvre qui à mon avis totalement réussie. Elle parvient à éviter l'écueil de l'adaptation ratée, reste très fidèle à l'univers d'origine et pose un excellent graphisme, notamment au niveau des personnages. Par contre, on peut regretter une profondeur moindre au niveau du scénario. Je dois dire que ceci est à mon avis le plus gros défaut qu'on peut noter. Pour le reste, la qualité est largement au rendez-vous, et les 190 pages s'enfilent à une vitesse remarquable. On est captivé une nouvelle fois dans ce Londres d'en bas, avec un fil directeur simple mais tellement efficace. Et lorsqu'on referme le livre, c'est avec une petite pointe de déplaisir en sachant que se finit là notre découverte du monde d'en bas et de ses codes. Il ne nous reste plus qu'a regarder tranquillement autour de nous, d'imaginer peut-être ce que serait le reflet déformé de notre monde, de contempler notre vie avec un regard différent, et surtout de se demander si on ne va pas aller très vite en libraire, genre dans l'instant, dévaliser le rayon fantasy, s'enfermer pendant six mois et se gaver jusqu'à la lie. Je crois bien que la dernière option me plait beaucoup.

(Chronique n°31)

samedi 23 mars 2013

Neverwhere (Neil Gaiman)


J'ai attendu un petit moment avant de faire cet avis, car je voulais avant tout pouvoir faire un parallèle avec la BD qui existe, que j'ai commandé et que j'ai lu. Je vous propose donc une chronique parallèle : d'abord une petite sur le livre et ensuite une deuxième sur la BD. J'espère ainsi vous donner envie de le lire, et surtout vous permettre de découvrir un auteur de génie qui avance dans le monde des livres, élève de Terry Pratchett (promis Trapitou, je vais en lire également !) et surtout auteur de talent incroyable.

Promenons-nous donc dans un univers assez incroyable et fantaisiste, qui va nous faire coller au siège et nous livre en plus une belle critique de la société actuelle. Et ça se passe à Londres ! (à titre purement indicatif, j'adore vraiment cette ville) Tout est fait pour que nous l'apprécions. Mais de quoi parle-je ? (ça ne se dit pas du tout, je crois ...) Et bien c'est pourtant simple, c'est noté en haut ! Ouvrez les yeux bon sang. Je ne vais pas le faire pour vous.

Roulement de tambours .... Mesdames, Mesdemoiselles (quoi, on me souffle dans l'oreillette que ça ne se dit pas ? Mais je vous merde, je dis ce que je veux encore !) et Messieurs, voici pour vous ce soir dans un numéro exceptionnel, le grand, l'unique, l’irremplaçable Neil Gaiman dans son fabuleux ..... Neverwhere !


Tiens, à ce propos, avez-vous lu Wonderful ? Si oui, l'avez-vous aimé ? Si oui, ce roman est fait pour vous. Oui, j'ai repris la même phrase que pour la chronique de Wonderful. J'ai le droit.


Donc, Neil Gaiman ! C'est un homme réel, anglais mais résidant au USA, qui a commencé en tant que scénariste pour la télévision. Sa grande gloire fut la série des Sandman en bande-dessinée (que je pense me procurer -comme tant d'autres- le plus vite possible maintenant), mais il est également connu à travers ses écrits, bien souvent adaptés également (Coraline au cinéma, Neverwhere en série et en BD). Une ironie mordante quand on sait qu'il a commencé en tant que scénariste de télévision et que son roman Neverwhere est justement tiré d'un scénario pour la télévision datant de 1996 et ensuite tiré en roman. Pour l'info, je n'ai pas vu la série et je ne veux pas la voir. J'ai tellement aimé le livre, j'aurais trop peur d'être déçu.

Alors je précise tout de suite que Neverwhere n'est pas qualifié seulement de fantasy, mais d'urban-fantasy. Un sous genre qui se rapproche de conte moderne, avec une caricature ou une dénonciation de la société. Je vous renvoie pour cela à des ouvrages spécifiques. Pour moi, je ne pense pas que les étiquettes jouent expressément un rôle important, je les mets juste pour s'y retrouver plus facilement. Pour de plus amples détails, voyez avec des spécialistes qui dissertent de la chose durant des jours complets. Je ne mettrais que des étiquettes simples afin de s'y retrouver. D'ailleurs pour les BD, je suivrais la classification de BDthèque qui est la plus adaptée à mon sens.

En parlant d'images d'ailleurs, c'est assez amusant d'avoir lu la BD ensuite, parce que je n'avais absolument pas les têtes des personnages. Par exemple, je voyais le héros avec la tête de Ewan McGregor dans Trainspotting, vous savez, quand il a emménagé à Londres. Sinon, je n'avais pas capté que Le Marquis était noir, ou pour Chasseur je voyais plutôt une autre femme. Mais je m'égare. De toute façons, c'est très visuel comme livre, on est dans une représentation assez amusante et décalée de Londres, mais très imagée.


Depuis le début, je parle de l'histoire, mais je ne vous l'ai pas expliquée. Voyons ce que c'est alors. Une petite pause s'impose pour un point "histoire en bref" :
Notre héros, Richard, est installé dans la ville de Londres et fait sa petite vie tranquille, avec ses trolls en plastique sur le bureau, des collègues sympathiques, une fiancée qui est très .... euh .... chiante me semble le mot le plus approprié, et une petite vie bien rangée dans son appartement. Une routine peinarde, une façon de vivre qui est très proche de celle de milliers d'autres.
Dans cette petite vie tranquille, il va se retrouver un soir devant un dilemme cruel : une fille en haillons et en sang est tombée devant lui, alors qu'il rejoignait un restaurant avec sa copine. Pris de pitié, il la ramène chez lui, tandis que sa copine est furieuse, puis il la soigne et attend qu'elle se réveille. Puis deux personnes débarquent chez lui, avec notamment des affiches qui indiquent qu'ils recherchent la jeune fille. Mais lorsqu'ils déboulent dans l'appart, elle a disparu. Du coup, il se pose des questions, et finalement il se rend compte que la jeune fille n'est pas totalement ordinaire. En effet, elle s'appelle Porte, et vient du Londres d'en bas. Un Londres sous le Londres que nous connaissons et qui est riche en mystère et choses nouvelles.

En fait, le roman propose quelque chose d'extrêmement original dans le propos, avec ces deux facettes de Londres qui se côtoient en permanence, liées par plusieurs choses en même temps. Et c'est d'autant plus intéressant que l'imagination déployée est superbe, avec des côtés fantastiques, notamment autour des noms de lieux.
Mais là où je crie encore plus au génie, c'est dans les idées qu'on trouve derrière. Car en fait, le roman ne se limite pas seulement à une aventure fantasy. Il va largement au-delà ! Déjà, les personnages. Superbes, tous autant qu'ils sont. Je ne reviendrais pas sur le duo Croup & Vandamer qui est superbe et qui a fait des émules, mais je dois reconnaitre qu'il possède un charisme fou, avec ce rôle de méchants sans l'être. Ce sont justes des exécutants, mais lesquels exécutants ! Ensuite Porte, qui semble sur d'elle, assez dynamique, mais qui est en faite une fille seule et affolée par moment, le Marquis, noble dans ses attitudes mais en même temps détestable et mufle, Chasseur entourée de son aura de mystère mais tout de même attachante, et bien évidemment le personnage principal qui est intéressant car il ne fait pas que se limiter au rôle du gars qui suit en pleurant sur son sort. Je ne crois pas qu'il a souvent le temps de se lamenter d'ailleurs.
Et de plus, nous avons le droit à de superbes scènes (je pense notamment à la sortie du British Museum avec la danse dans l'escalier, superbe !), beaucoup d'humour et de fantasy, du rêve qui est vendu en paquets de plusieurs kilos, des faits superbes, une intrigue qui tient la route ... Je crois bien qu'on frôle la perfection !

Alors en continuant dans la lancée, pourquoi ce roman est-il superbe ? Deux raisons : déjà, il propose une réflexion sur le monde des SDF et des clodos. Et plus généralement, sur l'ensemble des déshérités de la société qui vivent dans un reflet de la notre, avec leurs règles et leurs codes, que l'on ne voit jamais. C'est assez bien tourné, mais on se rend vite compte de la métaphore, notamment lorsqu'ils envahissent les lieux abandonnées, celui qui joue dans les couloirs du métro mais qu'on ne remarque jamais, et puis tout ces déshérités qui recherchent n'importe quel objet à troquer et échanger, en dehors de la société et de l'argent. C'est un monde qu'on ne remarque plus, à force de ne plus vouloir le voir, et c'est superbement mis en scène.
Mais en prime, nous avons le droit à une autre réflexion, qui intervient sur la fin du récit et qui est plus que superbement mise en scène. En plus je suis totalement d'accord avec cette vision. Pour ne pas trop en dévoiler, je dirais juste que Gaiman confronte les mondes fantastiques et le monde réel, avec peut-être quelques clichés, mais tourné d'une belle façon. J'ai été totalement d'accord avec sa vision, qui explique qu'on peut vouloir vivre en dehors du monde (ce qui inclue donc les livres, les films ou les jeux autour de mondes imaginaires ou fantastiques). C'est une sorte de défense qui est faite des mondes imaginaires, de la volonté qu'on peut avoir de se plonger dedans pour échapper à l'emprise du réel. Étant un grand pratiquant de cette méthode, je ne peux que être en admiration devant une démonstration si brillante. Et la fin n'est que plus éloquente à ce sujet, mais je n'en dis pas plus bien évidemment.

Par contre, il faut bien trouver des défauts. Et il y en à un ! Un gros même, mais vous allez voir que ce n'est pas tellement un défaut que ça au final. Explications. Le gros défaut, c'est bien le scénario, qui est en fait sans grandes surprises. On a une trame classique, très efficace, mais qui ne sort pas tant que ça des sentiers battus en terme de narration. On est même dans l'ultra-classique avec du manichéen primaire.
Mais là, il faut replacer les choses dans le contexte. Et je pense que c'est une bonne chose. Le roman apporte tellement de nouveauté, de décalages, de propositions farfelues et de réflexion, que je pense qu'il aurait été franchement indigeste si Gaiman avait apporté en plus une trame narrative complexe à suivre. Là c'est franchement bien mélangé, ni trop ni trop peu. Bien sur, c'est un peu regrettable à la relecture, mais on est toujours dans l'émotion dégagée par l'imagination fertile dont l'auteur à su faire preuve, donc ce n'est pas dérangeant.


Du coup, comment qualifier Neverwhere ? C'est une œuvre superbe je pense, qui mérite largement son statut tant vantée. On est dans une découverte totale, plongé dans un tourbillon du Londres d'en bas, avec ses nouveautés à la pelle qu'on récolte pour notre plus grand plaisir. Et dans tout cela, des personnages hauts en couleurs, de l'humour, de l'aventure, et plusieurs morales qui ne sont pas du tout dénuées d'intérêt. Alors pourquoi s'en priver ? Je pense qu'il faut vraiment le lire si on ne connait pas encore, c'est un grand roman de la fantasy, certains. Par contre, il faut savoir que si on n'est pas captivé par l'ambiance du récit, il est peu probable qu'il vous passionne, car elle fait 80 % du travail, l'histoire pêchant plus. Donc si vous n'êtes pas pris très vite dedans, ce n'est pas la peine d'essayer de continuer à lire. Passez à autre chose. Et laissez Porte à son destin, Richard à ses trolls et Le marquis à ses faveurs. Et au pire, lisez la BD que je vais me faire un plaisir de commenter plus haut.

(Chronique n°30)

vendredi 22 mars 2013

Mort aux cons ! (Carl Aderhold)

Vous aimez les cons ? Non ? Moi non plus. Mais il y a la manière de faire, et parfois quand on aime vraiment pas les gens, on fait ce qu'il faut pour ne plus avoir à les supporter .... Mais là, ça dépasse allègrement les bornes, et c'en est très drôle du coup.


Résumé en trois mots : Humour, Assassinats et Cons

Ce livre, je l'ai bien aimé, c'est dit. Et oui, c'est un gros succès, mais j'ai bien aimé. En fait surtout, j'ai adoré l'humour qu'il a mis dans le livre. Pour le reste ... Je vais détailler.

L'histoire part d'une excellente idée : une personne se lance dans une croisade pour éliminer les cons qui l'entoure. Vous savez, le type qui referme la porte sur vous alors que vous arrivez, ces gens qui sont chiants et qui vous pourrissent la vie, vous collent au cul sur deux cent kilomètres d'autoroute, etc ... Et bien là, ils meurent, et par gros paquet en plus. Au total, 140 morts de sa main, toujours de façon à ne pas se faire attraper. Et pourtant, il commence à se poser des questions sur son entourage en plus. Et puis la police rode ...

Le résumé est en fait très court, mais dans le roman le personnage va progressivement exposer une théorie sur les cons, cherchant à les retrouver de façon formel et ne pas en laisser passer (et également ne pas abattre trop d'innocents non plus tant qu'a faire). Du coup, le rythme du roman est un peu à deux temps.
En fait, j'ai surtout adoré l'humour dans le roman. Il y en a pas mal et vraiment, il est excellent. Un humour fin, très bon, souvent dans la tournure des phrases, qui sont juste sublimes. J'ai même eu les larmes aux yeux lorsqu'il commence à descendre dans sa boite en s'occupant des DRH. Un pur moment de bonheur (remarquez que la scène porno est pas mal non plus).

En revanche, si j'ai beaucoup aimé la forme, j'ai trouvé le fond sacrément plus discutable. Déjà le personnage principal m'est apparu comme complètement fade et insipide, sans réel passion. Il est assez absent dans le roman, mais contrairement à Ombre dans American Gods, il n'est pas intéressant. Pas même un personnage commun, juste un personnage insipide. Complètement insipide. Et du coup j'ai eu du mal à lui trouver la moindre excuse. Ensuite j'ai trouvé plus d'une situation très capillotractée, avec des situations qui me semblaient parfois vraiment impossible, des arrangements qui semblaient un peu simple (je veux dire qu'il y a quand même des doutes possibles quand on voit tant de morts s'accumuler). Sans compter que les flics semblent tout de même un peu neuneu, mais je vais dire que ça reste globalement crédible quand on ne cherche pas trop trop loin.

Ensuite, je dois avouer que je n'ai pas été d'accord avec une grande partie du discours du narrateur, un défaut mineur certes, puisque je n'adhère pas à tout les livres que je lis, mais ce qui est un peu embêtant c'est que l'auteur fait plus d'une fois des exposés un peu longuet -notamment sur la fin- en expliquant bien son point de vue. Mais j'avoue que ce n'est pas une catastrophe, de loin pas.
Par contre, le fond du livre est vraiment douteux et je n'y ai pas du tout adhéré. Pour ainsi dire, il me rebute plus, avec une sacrée misanthropie et une bonne dose de mauvaise foi également. Le genre à voir tout en noir. Et j'aime pas. C'est con, mais j'aime pas. Désolé.

Du coup, je dois dire que j'ai un avis particulier : j'ai bien aimé le livre, la lecture fut très plaisante et j'ai vraiment rit dans plus d'une occasion. Et la lecture se fait vite, c'est fluide, aucun souci. Par contre, le fond m'a laissé franchement dubitatif, le personnage principal m'a semblé bien insipide et parfois les discours un peu longuet m'ont semblé bien rébarbatifs.
De ce fait, je ne peux pas vous déconseiller de le lire, il est vraiment sympathique, mais je sais que je ne le relirais pas, sans aucun doute, et que je ne le recommanderais pas comme un immanquable. C'est un livre sympathique, drôle, mais loin d'être immanquable et inoubliable. La révolution n'est pas encore là, loin de là, mais pour un premier roman l'auteur montre une belle plume humoristique. Je vous recommande seulement la lecture. 

(Chronique n°29)

jeudi 21 mars 2013

Différentes saisons (Stephen King)


Bien, j'ai déjà abordé deux romans de Stephen King sans rentrer dans ses fameux romans tellement connus de l'horreur. Et bien continuons sur la lancée, et allons fouiller du côté d'un domaine où il est particulièrement doué également : les nouvelles. En fait, Stephen King est particulièrement doué pour cet exercice, qu'il a exercé durant de nombreuses années puisqu'il était payé plus facilement qu'avec ses romans (c'était la période avant qu'il ne soit célèbre). Il a fait plusieurs recueils avec (de mémoire : Différentes saisons, Tout est fatal, Minuit 2 et 4 ou encore Brume), ce qui est une excellente chose. L'un des gros avantages des recueils de nouvelles -et qui fait que je les affectionne particulièrement- c'est la capacité à picorer. On pioche une nouvelle, puis une autre, et on repose. On s'en ressert une le mois suivant, puis on lit tout d'affilé. Et en relisant, c'est très sympathique. Maintenant, le désavantage de ce genre d'ouvrage : on trouve à boire et à manger dedans. C'est bon et mauvais mélangé, et malheureusement on ne le sait pas avant d'ouvrir le livre. Une bonne chose par contre, c'est que rarement tout est mauvais. La preuve avec cet ouvrage-ci !


Résumé en trois mots : Nouvelles, Réalisme et Noirceur

Donc ces nouvelles ont toutes une particularité : elles ont été écrite après un livre. L'auteur explique dans une potface qu'il avait l'impression d'avoir encore assez d'essence dans le réservoir pour faire un petit trajet en plus : une nouvelle. Cependant, ces nouvelles sont problématiques : elles ne sont pas assez longues pour un roman, et trop courte pour être une nouvelle a part entière. Du coup, il en a tiré un livre complet plutôt, regroupant pour cela quatre nouvelles. Le tout arrosé bien évidemment des habitudes de Stephen King pour le suspens et l'horreur. Pour parler efficacement de ces nouvelles, je vais les voir dans l'ordre, afin de vous donner un meilleur aperçu. Retenez bien que toutes ces nouvelles ne sont pas forcément fantastiques avant de commencer. D'ailleurs très peu le sont en fait. Mais parlons en en détail.
Le titre, comme vous l'aurez compris, fait références aux quatre saisons et du coup chaque nouvelle représente une saison. D'ailleurs, ce découpage est pas mal.

Espoir, éternel printemps : Rita Hayworth ou la rédemption de Shawshank

Il se peut que cette histoire vous rappelle quelque chose. Non, rien du tout ? Et si je vous dit Morgan Freeman, Tim Robbins, Andy Dufresne, Red, la prison ... Toujours rien ? Mais enfin ! Les Évadés bien sur ! Le film sorti en 1994 et qui est tellement célèbre.

Pourquoi je vous parle de ce film ? Et bien, parce que cette nouvelle est celle dont s'est inspiré le film. Je dois dire que j'ai eu la chance/malchance de lire la nouvelle avant le film (celui que vous connaissez en premier vous spoil l'autre). Du coup j'ai été très agréablement surpris en voyant le film, car pour une fois, l'adaptation est vraiment fidèle au livre. Je vous parle par là d'un suivi fidèle de la trame narrative, d'une mise en image du propos et surtout de rajouts intéressants.
L'histoire donc, est celle d'un employé de banque, nommé Andy Dufresne, qui se retrouve en prison lorsqu'il est accusé du meurtre de sa femme et de son amant. Malheureusement pour lui, il est innocent, et est enfermé pour la vie. En prison, il va rencontrer Red, un homme qui sert de convoyeur à toutes les marchandises qu'on peut trouver en prison. Et ce Red va commenter le passage que fera Dufresne en prison. Un passage mouvementé d'ailleurs.

Cette nouvelle, je dois dire qu'elle est vraiment parfaite pour l'adaptation à l'écran. Il y a une bonne intrigue, un suspens incroyable, une idée très bien développé et plusieurs autres intérêts, notamment sur la vie en milieu carcérale (maintenant, la nouvelle date un peu, mais elle est bien aussi). Le tout étant commenté en voix off par cet homme désabusé qui est en prison à vie également (il a envoyé sa femme s'écraser contre un pilier pour toucher l'assurance) et qui apporte un regard assez pessimiste sur la société. Cependant, le titre donne le ton. Le message d'espoir est présent dans tout le roman et franchement l'histoire est prenante.
En fait, je ne pense pas que ce soit une histoire sublime, immanquable et rivalisant d'ingéniosité, mais elle est très lisible, prenante (une des spécialité de Stephen King) et au final d'une très bonne qualité. Et surtout, contrairement à un polar de Agatha Christie, on peut la relire, vu que tout n'est pas seulement centré sur une enquête. Le fait de savoir la fin ne gâche pas la relecture.

Été de corruption : Un élève doué

Là, nous atteignons allègrement les sommets en terme de récits. Je vais essayer de ne pas trop m'étendre, mais cette nouvelle là est à mon avis la meilleure de toutes celles du recueil.
L'histoire, c'est celle d'un petit garçon aux États-Unis dans les années 70, qui se rend compte qu'une personne qui vit dans sa ville est un ancien nazi qui à dirigé des camps de concentration. A présent c'est un vieil homme, ruiné et vieux, qui picole et qui fume comme un pompier. Cet homme, le garçon va le rencontrer. Il va lui parler, expliquer qu'il sait, et commencer un jeu de chantage avec ce vieux bonhomme. Pas un chantage d'argent, oh non ! Un chantage d'une autre forme, très sombre pour un enfant si jeune ...

Le récit est ici très réaliste. Pas de vampires, pas magie, pas de trucs qui jaillissent de n'importe quoi. Non, juste un homme vieux qui à fait de vilaines choses, et un enfant jeune qui est un vilain. Car dans ce récit, le pire n'est sans doute pas le vieil homme, mais le jeune Tod. Un monstre, mais un élève doué. Très doué d'ailleurs. Je peux vous dire que ce récit à de quoi vous faire dresser les poils sur la nuque, et en plus il est sacrément glauque mais du début à la fin. Car le récit s'étale sur une longue période. Plusieurs années vont passer. Et surtout, ce qui est sans doute le pire, aucune explication ne sera donnée. Vous n'aurez absolument rien pour comprendre ce qui se passe. Vous êtes simple spectateur, juste regardant les événements découler les uns des autres. Et ce garçon, flippant ! De quoi vous donner des cauchemars. Il n'est absolument pas une incarnation du mal, mais juste une personne qui fait peur. Vraiment peur, surtout que ce petit garçon pourrait être celui que vous croisez dans la rue tout les jours.

Vous aurez compris, cette nouvelle à de quoi faire peur et donner des insomnies. En fait, je pense que Stephen King touche un point particulièrement sensible dans l'âme humaine, celle de la proportion à faire le mal. Dit comme ça, c'est très manichéen, mais en lisant je peux vous garantir que vous aurez une vision très curieuse de l'affaire. D'autant plus sur le vieil homme, qui est très dérangeant, mais en même temps juste un vieil homme faible qui à enterré son passé et voudrait bien ne plus jamais le voir ressortir. Là dessus, la fin est plus qu'éloquente. Mais je n'en dirais pas plus.

A mon sens, cette nouvelle est la plus réussie de l'ensemble, avec une dimension angoissante et oppressante qui domine largement, et plein de noirceur qui ressort. Je ne sais pas trop ce qu'il faut en tirer, mais je vous garanti qu'elle ne laisse pas de marbre.

L'automne de l'innocence : le corps

Là par contre, on touche une nouvelle qui est moins intéressante. L'idée de base est vraiment bien, et je la trouve bien exploitée. Le souci vient du fait que je ne suis pas du tout sensible à ces thèmes.
L'histoire va se concentrer sur un gamin, dont le frère est décédé et les parents évanescent depuis, qui à trois excellents amis. Ces trois amis et lui vont organiser une promenade, car un de leur camarade, disparu depuis plusieurs jours, à été retrouvé par des grands près de la voie ferré, mort. Les trois gamins décident alors d'aller voir de leur propres yeux ce cadavre. Ils vont longer les rails et avancer seuls.
Là encore, vous ne trouverez pas la moindre once de fantastique dans tout le récit. Il y a seulement quatre amis très jeunes qui vont devenir adulte, comprendre certaines choses de la vie et grandir considérablement dans une sorte de métaphore du fait de grandir.

Le souci à mes yeux dans le récit, c'est justement l'enfance. C'est un des thème qui me touche le moins. L'innocence de ce monde qu'on vante est déjà faux, et heureusement que Stephen King le représente dans toute sa brutale réalité, mais le thème reste tout de même très lointain pour moi. Etant petit, je voulais surtout devenir adulte, et je n'ai pas vraiment de nostalgie de cette époque. Du coup, la lecture était intéressante, mais ne m'a fait ni chaud ni froid.
Cependant, si elle ne m'a pas touchée, elle reste néanmoins très bonne. Tout est bien fait, et comme dit, le récit est très violent. Entre les enfants eux mêmes, avec leurs relations aux adultes, et surtout dans leurs relations avec les plus grands qu'eux (les grands frères qui sont plus fort). Un monde de violence et de conflit qui sera en dehors le temps d'une marche tranquille le long des rails. Là encore, la fin est vraiment très bien faite, et le tout est superbement mis en scène. C'est dommage, j'aurais vraiment voulu aimer. Mais je n'y ai pas été sensible. Je regrette, mais c'est comme ça.

Un conte d'hiver : La méthode respiratoire

Pour cette dernière nouvelle, nous avons le droit à une histoire à tiroir. Mais si, vous ne voyez pas ? Le principe des Milles et une nuits, l'histoire dans l'histoire ! C'est pourtant évident !
Le personnage principal est un vieil homme, qui va rentrer dans un club particulier dans New-York. Il va voir du monde, trouver plein de salles, et surtout entendre des histoires. Car ce club est un club où des histoires se racontent. D'ailleurs, la cheminée du salon principal est gravé d'une devise : C'est l'histoire, pas celui qui la raconte. Et, vous l'aurez deviné, le récit va nous proposer d'écouter une histoire qui se raconta dans ce club, un soir de Noël. Une histoire dingue, car elle parle d'accouchements et de médecine au début du siècle. Cette fois-ci par contre, nous aurons le droit à un peu de fantastique. Mais seulement un petit peu, comme SK nous à habitué dans bien d'autres romans.
Le récit va d'ailleurs nous emmener dans une vision de la société ancienne, où être enceinte sans être mariée est proscrit, où l'accouchement est prévu avec des règles absurdes. Le personnage racontant cette histoire est un ancien médecin qui a eu une patiente un peu particulière. Je vous laisse découvrir la teneur du récit, qui touche plus au fantastique cette fois-ci, mais celui-ci est encore une fois très bon. Le récit est toujours prenant, révoltant aussi, et la fin digne de SK. Le principe de l'histoire à tiroir est bien mis en scène, et finalement nous ne saurons pas laquelle des deux SK voulait nous raconter en priorité. C'est assez amusant comme petit jeu.


En conclusion, nous avons là quatre excellentes nouvelles, très longues pour des nouvelles mais plus courtes que des petits romans, et d'une qualité remarquable. Chacune est dans un genre particulier mais tout aussi bien, et surtout l'ensemble se lit et relit vite, facilement, et avec envie. L'écriture est toujours aussi prenante, les récits ont une belle force, et tout l'ensemble est vraiment bon. Je pense que les nouvelles de ce recueil sont les meilleures qu'il ait jamais écrites, ce qui nous donne un excellent prétexte pour commencer la lecture sans plus attendre.

(Chronique n°28)

mercredi 20 mars 2013

La part de l'autre (Eric-Emmanuel Schmitt)


Là, je dois dire que j'ai été impressionné. Vraiment. Vous avez déjà lu sans doute ce genre d’œuvre, qui vous laisse ensuite rempli de questions, qui vous rempli encore la tête pendant un long moment après ? Et bien là, c'est typiquement ce genre d’œuvre. A la fois belle et prenante, elle est également très philosophique et nous laisse bien en suspens. Une réflexion énorme en découle, et je crois bien qu'il peut également beaucoup choquer. C'est le genre de livre qui me plait énormément, vous l'aurez bien compris.
Ce livre, j'ai eu vraiment de la chance de le lire, c'est une amie qui me l'a passé en me disant qu'il était bien, et effectivement il est très très bien. Même excellent, je dois dire. Ce livre, c'est La part de l'autre de Eric-Emmanuel Schmitt.


Résumé en trois mots : Hitler, Vies et Dystopie

Je ne vais pas en dire beaucoup sur ce livre. Déjà parce que je l'ai adoré et qu'en parler serait difficile. Ensuite parce qu'il est beaucoup plus simple pour vous de l'acheter et de le lire. En fait, il y a tout dans le livre.

Le résumé est simple : EES (l'auteur), part d'un fait simple. Supposons que un certain A. Hitler parvienne à passer le concours des Beaux-Arts à Vienne en 1908. Que devient-il alors ? Nous allons le découvrir en visionnant, dans une mise en scène extraordinaire, les vies parallèles d'Adolphe Hitler. Dans un cas, au fur et à mesure du temps qui passe, un Hitler (malheureusement) bien connu apparait. Dans un autre cas, un certain Adolphe H. continue dans la peinture, s'ouvre à la vie et connait joies et peines bien différentes de son autre vie. Le monde s'en trouve changé.

De ce résumé à moitié uchronie (vous savez, le principe de changer un fait du passé pour construire un présent différent) nous allons explorer la part de l'autre, un nom décidément très bien choisi encore une fois, avec tout les bons et les mauvais côtés des personnes.
Avant de continuer, je dois dire que j'ai adoré le postulat de base et la réflexion qui est faite autour. Hitler n'est pas né Hitler, il l'est devenu. Et pour cela, il a connu bien des choses.

Important ! Avant d'être bombardé de propos du genre "Raciste, néonazis" et tout le tintouin, merci de comprendre ce que je veux dire ! Je n'approuve pas Hitler, je ne le considère pas comme un mec bien, je ne cherche pas à l'excuser. Je cherche à comprendre. Ce n'est pas pareil (les mots ont été empruntés à Eric-Emmanuel Schmitt).

Donc, nous allons voir de quelle manière un Autrichien qui erre dans les rues d'une ville peut osciller entre le connard de l'histoire ou le peintre surréaliste au succès modeste. Et comment finalement un être ne peut pas être réduit à son plus simple appareil. C'est ce que j'aime dans ce livre. Il remet en cause cette idée stupide d'un Hitler démon de l'enfer, d'un personnage qui ne serait que le mal incarné. C'est faux. C'était un être humain, tout ce qu'il y a de plus haïssable, mais un être humain. C'était une part d'humanité, une part que nous avons tous en chacun de nous. Et là encore, j'ai adoré le fait qu'il ne fasse pas peser une culpabilité. Personne n'a a se reprocher sa mauvaise part, nous l'avons tous, mais il faut y faire attention.

Tout l'intérêt du livre va être donné lorsque nous pouvons nous identifier à Hitler. A ce Adolf H., jeune homme qui est, sous bien des atours, charmant. Un homme qui apprend à connaitre les femmes, qui doit apprendre également à composer avec son œuvre, qui se découvre, et surtout qui nous aide à comprendre. A comprendre ce que nous sommes tous, ce que nous pouvons devenir.

L'ouvrage est en plus complété d'une superbe façon : un cahier présentant le "Journal de La part de l'autre", une façon superbe de conclure le récit, et qui à mon avis donne toute les clés de compréhension du récit.

Ce récit, c'est avant tout de la philosophie. Illustrer la théorie du chaos, c'est une excellente chose. Mais là, c'est du génie ! La façon de faire est admirable, le rendu est parfait ! Tout est savamment orchestré, les personnages sont attachants au possible (Adolf H. est attachant, et surtout Onze-heures-trente dont on tomberait amoureux). Et puis lorsqu'on le repose, l'esprit est en ébullition. Autant que pour un Farenheit 451. J'ai été pensif un long moment encore après ça. C'est le signe évident que ça m'a plu. Il ne faut pas grand chose.

En conclusion, pour ne pas étaler des éloges durant dix pages, je dirais que ce livre est superbe. Sublime, merveilleux. Une histoire magistrale, un principe de base superbement bien exploité et mis en scène de façon très réaliste. Des personnages attachants aux possible (oui, je le répète, avec Adolf Hitler il a crée des personnages attachants), des situations qui donnent à réfléchir. Une mise en parallèle excellente. Une postface idéale pour comprendre encore mieux l'ouvrage et l'écriture. Tout est bon là-dedans. C'est de la philosophie, mais de la haute philosophie. Une belle œuvre, pour laquelle je ne remercierais jamais assez Laura. Merci encore de me l'avoir fait découvrir ! Et vous, foncez l'acheter. Tout de suite !

(Chronique n°27)

lundi 18 mars 2013

Quai d'Orsay (Christopher Blain & Abel Lanzac)


Je profite de cette chronique pour préciser que je vais sans doute abandonner sous peu le principe de l'alternance entre BD et livres, afin de conserver un meilleur rythme d'écriture. Les commentaires sur les BD sont plus dur à faire dans une période où je ne lis quasiment plus de nouvelles BD (c'est une passion qui revient vite chère quand on prend le temps de lire et d'acheter).
Ensuite, je dois avouer que écrire des chroniques plutôt longue c'est plaisant, mais je vais vraiment essayer de faire plus court. En ce moment j'arrive à me maitriser, du coup je vais tenter de continuer dans cette voie là. Il ne fait pas tellement en dire quand on aime bien et quand on aime pas, pourquoi en dire trop de mal ? Donc pour bien faire, je vais raccourcir un brin mes textes. J'espère que je gagnerais en lisibilité comme ceci, j'ai l'impression que mes textes sont souvent trop long.
Sans plus attendre, voici la BD du jour : Quai d'Orsay de Blain et Lanzac !


Résumé en trois mots : Politique, Absurde et Humour

Connaissez-vous un de nos anciens dirigeants politique qui connu quelques déboires avec quelque chose nommé le CPE ? Non, pas le Conseiller Principal d'Education, je ne suis pas sur qu'ils aient jamais connu un lycée normal avec des vrais CPE (oui, je vais sans doute faire des blagues sur les politiciens), je parlais du CPE, Contrat Première Embauche, qui déboucha sur des manifestations dans toute la France (ah, la belle époque des grèves au lycée ...).

Enfin bref, nous avons donc ici une BD qui est semi-autobiographique (voir  totalement) sur un personnage, qui est le représentant de l'auteur, Lanzac, lequel utilise un pseudonyme (on peut le comprendre). Il est embauché par le ministre des affaires étrangères, Alexandre Taillard de Vorms, une représentation  très réaliste de Dominique de Villepin (oui, celui de Clearstream), en tant que chargé de communication (en clair il écrit les discours). Et avec tout cela, il va nous présenter de façon très claire ce qui se passe dans le monde de la politique française. Et c'est loin d'être morne.

Cette BD, c'est avant tout de l'humour. Je dis bien de l'humour, même si on pouvait penser à de la politique et un roman graphique. Ici, c'est une BD qui va vous faire rire et sourire de toute les façons, avec des gueules du siècle. Si le narrateur ici est bien le conseiller technique, Mr Arthur Vlaminck, le vrai héros de cette histoire est avant tout Alexandre Taillard de Vorms, personnage hautain, ambitieux, avec une tête enflée et des chevilles qui gonflent de même, une personne qui est certes cultivée mais qui en même temps est beaucoup trop sûr de celle qu'il possède. Et qui en plus possède un égo démesuré. C'est, selon lui, le capitaine qui sauvera la planète et la laissera dans la paix. La façon dont il se voit est d'autant hilarant.

Mais en plus, le personnage est cerné par des cons des personnages ambitieux qui évoluent autour de lui de manière diplomatique, se faisant des coups de putes les uns aux autres et essayant par tout les moyens de s'attirer des bonnes faveurs. C'est très rigolo, d'autant plus que les personnages vont évoluer.
Le contexte est celui d'une crise au Lousdem, une caricature des débuts de la guerre en Irak, avec les pays à l'ONU qui font des interventions et débats en tout sens. On aura également l'aperçu de personnages américains, et d'autres acteurs, tels des philosophes, poètes et tout ce genre de choses. Et bien évidemment, tous avec un égo surdimensionné.
En sus, nous aurons également le principe autour de la vie privée du narrateur, et la façon dont son job influe dessus de manière catastrophique. Notamment lorsqu'on le mobilise de façon soudaine et brusque alors qu'il se trouve en voyage avec sa copine. Et qu'il doit rentrer urgemment.

En plus de toute les qualités autour de l'histoire et de l'humour extraordinaire, j'ai apprécié qu'on ai un aperçu très cynique de la façon dont le pays gère ses affaires extérieures. C'est une politique de malade, avec des rond de jambes et des fausses modesties, des flatteries et des discussions sur l'utilisation d'un terme ou d'un autre dans un discours (véridique, plus de dix pages de débats sur un terme).

Ajouté à cela, nous avons le droit à un dessin très efficace, une belle mise en scène, au trait dynamique et la colorisation est très bonne également. Le dessinateur fait des excellentes choses (dixit mon professeur de géo) et il vaut le coup d'être suivi. En plus, les gueules qu'il fait sont juste énorme, surtout pour Alexandre. Au final, le rendu est superbe, dans toute la BD, et promet des grands éclats de rire jusqu'à la fin de chaque tome.

En définitive, c'est une excellente histoire, avec un scénario intéressant sur plus d'un aspect mais également terriblement drôle. Le dessin est superbe, simple mais terriblement efficace, l'humour est pour tout les gouts jusqu'au bout, et l'ensemble est excellent. La série est finie en deux tomes pour l'instant, avec plusieurs pistes qui peuvent encore être exploitée mais l'auteur ne semble pas vouloir continuer. Enfin, pour l'instant. Dans tout les cas, ruez-vous dessus sans hésiter. C'est le genre de BD qu'on peut également offrir, ça plaira à tout le monde (ou presque).

(Chronique n°26)

samedi 16 mars 2013

Le meilleur des mondes (Aldous Huxley)

Je pense que vous aussi connaissez un sentiment d'angoisse à la vue de ces lectures dont tout le monde vous parle. Vous savez, comme pour les films, où tout le monde vous en parle, vous conseille de le voir, vous dit que c'est le top du mieux et qu'il faut foncer sans excuses. Vous connaissez ce sentiment, non ? Et souvent, nait du coup une appréhension de ce rabâchage constant. La peur d'être déçu et une sorte de résistance au mouvement de masses. C'est souvent visible pour les films, et ça existe totalement pour les livres. J'ai vécu ça plus d'une fois, et ce livre-ci est également à ranger dans cette catégorie, puisque j'entendais parler du Meilleur des mondes comme d'un chef-d’œuvre de la science-fiction, un roman culte et inégalé dénonçant tout le système et l'endormissement de la société.
Et bien là,  ..... je vais en faire la chronique, vous verrez par vous même le résultat.


 Résumé en trois mots : futur, science et castes
Donc, pour faire court, Aldous Huxley est né en Angleterre en 1894 et à écrit ce roman en 1931. C'est assez remarquable et très novateur pour l'époque, un roman d'une maturité assez grande mine de rien par rapport à l'époque.
Sinon j'ai adoré le fait que le titre soit emprunté à Voltaire dans Candide, alors que dans la version originale c'est tiré de Shakespeare. Une façon de transposer très fine. D'ailleurs le pauvre traducteur, avec du Shakespeare cité à tout bout de champ, obligeant à une traduction et à des compromis lorsque les phrases reprises sont intraduisibles. Mais j'ai bien apprécié la traduction.

Bon, cela dit, passons directement aux critiques, et je pense que vous avez compris, ça va saigner. En effet, j'ai eu du mal à lire ce livre. Non pas qu'il soit dur à lire, mais je ne l'ai vraiment pas trouvé extraordinaire. Même très plat. Il ne se passe pas grand chose, aucun personnage ne m'a paru spécialement charismatique d'un bout à l'autre, la dénonciation pas assez poussé à mon gout, la forme barbante .... Je suis assez critique, bien que je lui reconnaisse des qualités, mais j'ai grandement été déçu par ce livre, je dois le dire clairement comme c'est.

Déjà; attardons-nous sur la forme un instant. Je ne remet pas en cause les effets de traduction, qui sont très bon comme je l'ai dit plus haut, mais sur le style. C'est vieillot, et contrairement à d'autres romans plus vieux, j'ai trouvé qu'il a bien mal vieilli. C'est peu prenant à lire, on décroche assez vite, le narrateur nous ballade un peu partout en suivant divers personnages sans jamais suivre exactement un. La forme pourrait être excellente, mais j'ai vraiment eu du mal. Surtout que les personnages m'ont paru chiant. Peu intéressant, avec des attitudes énervantes (mais volontairement énervante) et des actions au compte-goutte. Lorsque enfin les réflexions arrivent, c'est quasiment la fin du roman et celles-ci ne se feront que dans le cadre d'une seule et unique discussion. J'ai trouvé l'ensemble un peu mou du genou. Les dialogue avec Bernard et Helmholtz m'auraient beaucoup intéressé, mais on n'en a presque jamais.
Ensuite, la dénonciation est peu efficace je trouve. On frissonne dans les premières pages à l'idée du conditionnement, mais contrairement à George Orwell dans 1984, le monde ne parait pas si horrible que ça à la fin. Il est désagréable et je n'aimerais pas y vivre, mais il n'est pas foncièrement mauvais. Et du coup je n'ai pas vraiment vu une dénonciation. Tout au plus une critique d'un système mais sans le rendre obsolète. C'est un grand tort du livre à mon avis que de ne pas arriver à nous dégouter complètement de ce système.
Un des aspects qui nous échappe également plus concerne la sexualité, où j'ai l'impression que le contexte d'écriture est sacrément présent. Aujourd'hui avec la libéralisation des mœurs, certaines attitudes semblent moins choquantes (ne me faite pas dire n'importe quoi, je ne dis pas que nous en sommes au stade du roman, mais à mon avis les lecteurs de 1931 étaient largement plus scandalisés que nous).

Ensuite, j'ai eu du mal à trouver un fil conducteur. On se balade un peu partout, avec tout les personnages. L'univers est très riche, et il y aurait eu matière à beaucoup plus d'exploitation (notamment un point de vue des classes inférieurs aurait ajouté du piment je pense), et l'auteur passe finalement beaucoup de temps à décrire un monde que l'on n'explore pas tellement. Les actions sont vraiment peu nombreuses, et la réflexion non plus. Plus d'une morale sont simplistes. Ce n'est pas ennuyeux, mais en refermant le livre j'ai eu une sorte de questionnement du style : "Déjà fini ? Mais .... Et le reste ?"


Par contre, je reconnais beaucoup de qualités. Les descriptions scientifiques au début ont de quoi glacer jusqu'au sang, des choses dérangent particulièrement, et plusieurs passages sont vraiment prenants (notamment le dialogue philosophique entre John et l'Administrateur, très bien tourné). Le souci c'est qu'ils sont bien noyés dans la masse. Une impression de beaucoup de bruits pour pas grand chose m'est resté à la fin. C'est vraiment dommage, il y aurait eu matière à faire beaucoup plus je pense.

Du coup, je dois bien dire que je trouve ce livre décevant par rapport aux qualités tant vantés. Le monde décrit n'est pas enviable, mais il n'a rien de la majesté d'un Farenheit 451 ou d'un 1984, bien plus riches au niveau du contenu et de la critique. Les héros manquent cruellement de charisme, ce qui est un peu obligatoire dans le contexte, mais qui me dérange pas mal à la lecture. Et puis le récit est franchement trop court. On a à peine le temps de s'habituer au monde que voila déjà que le livre se clôt. D'une fin que je sentais d'ailleurs arriver à plusieurs kilomètres, du coup j'ai été vraiment déçu. Pas de belle surprise finale qui donne à réfléchir. John perd en charisme à la fin, et finalement rien n'a avancé dans le meilleur des mondes. C'est un peu trop plat je pense.
Du coup, c'est un livre intéressant sur la science-fiction, un vieux classique, mais qui se fait à mon avis bien dépasser par ce qu'on peut trouver actuellement. A lire pour l'avoir lu, mais il est vraiment dispensable à mon avis. 

(Chronique n°25)

Deuxième participation !
Deux challenges d'un coup ! C'est beau, hein ?

jeudi 14 mars 2013

Le combat ordinaire (Manu Larcenet)


Parfois, dans le monde de la BD, il sort des personnages qui marquent leur époque de leur œuvres, bien qu'elle ne soit pas forcément fournie. Art Spiegelman n'a sorti que Maus comme BD (ou presque) et pourtant il est indéniablement un des grands auteurs du XXème siècle. Parfois, des auteurs ont une production arrêté et sont encore vivant, reconnu comme des dieux par les contemporains, tel Gotlib. Et parfois ils sont sans arrêt en mouvement, continuant à travailler dans la BD et proposer des nouveautés, des secteurs inexploités, comme Trondheim. Ces grands de la BD, ce sont des incontournables, qu'on ne peut pas rater lorsqu'on se plonge dans ce monde.
Et parfois, il y a des auteurs qui ne révolutionnent pas la BD, qui sont productifs, et qui pourtant n'ont pas inventés des genres particuliers de BD ou de dessin. Je classerait Larcenet là-dedans. C'est un auteur à la patte reconnaissable, au style faisant école, certes, mais qui n'a pas révolutionné le dessin, ni la narration. Et pourtant, je dois bien dire que ce personnage est un des artistes les plus doué que je n'ai jamais croisé. Sur les œuvres que j'ai lu actuellement, j'ai adoré toutes celles que j'ai lu, et je continuerais de les lire autant que possible, même si je sais que j'ai commencé par le haut du pavé et que je risque des déconfitures.

Maintenant que cela est dit, je vais vous présenter l’œuvre phare de ce personnage, une des plus belles séries qui n'a jamais été écrite et qui à été récompensé partout à juste titre. Une série qui est juste superbe, et dans laquelle j'aime me replonger lorsque des questionnements me viennent. Car elle arrive à poser les bonnes questions, et je suis alors mieux car j'ai la question. La réponse, on s'en fiche. Ce n'est pas important. Les questions, les bonnes, bien formulées, c'est ça qui compte seulement. C'est d'ailleurs une BD dans laquelle je tire des citations assez extraordinaires et que souvent on croit sorti d'un livre de philosophie. Mais à nouveau, pas de la grande philosophie. De la philosophie simple, poétique, que tout le monde comprend, que tout le monde perçoit. On la garde facilement en tête, et on la ressort bien facilement.

Cette BD, c'est la série superbe Le combat ordinaire de Manu Larcenet !


Résumé en trois mots : Quotidien, Philosophie et Vie

Vous connaissez le riz complet ? Et ces céréales complètent qui apportent les trois quarts des ressources différentes dont nous avons besoin dans un seul élément. Et bien ici, nous avons de la BD complète. Ce que vous cherchez, elle le propose. De l'humour ? Il y en a, et du très bon. De la poésie ? Il y en a. De la réflexion ? Il y en a. De la noirceur ? Il y en a. Du déjanté ? Il y en a. De la détente ? Il y en a.
En fait, cette BD c'est vraiment pour tout les gouts. Ça plait à tout le monde (ou presque). Et ça peut aisément se comprendre.

Pour ne pas faire trop long, car je sens déjà que je vais en faire un pâté indigeste, relisez ce que j'avais marqué sur Larcenet dans l'article sur Presque. Pour faire simple, nous aurons ici droit aux thèmes "classiques" de l'auteur déclinés sous une nouvelle forme : La paternité, les relations avec les parents, l'amour, la vie, le sens de la vie, le travail, etc ... Ces thèmes, Larcenet les repasse en boucle dans plus d'une de ses BD, mais il ne lasse jamais, explorant toujours d'une façon qui n'était pas visible auparavant.
Larcenet est un génie pour moi, mais il n'aime pas qu'on en parle en ce sens, du coup je ne le dirais pas, mais je continuerais de le penser. C'est un homme très curieux, qui semble avoir une bien piètre opinion de lui-même. C'est curieux. Mais je ne le connais pas, alors je ne ferais pas de supposition erronée à son égard.

Alors pour commencer, parlons de son trait, à Larcenet. Oui, parce qu'il possède un coup de crayon remarquable, mais en même temps évolutif. La BD est sortie entre 2003 et 2008, chez Dargaud (on s'en fout mais je le dis quand même). Le trait à pas mal évolué du fait entre le premier et le dernier tome. Notamment aux niveau des détails et de la maturité du trait. Le premier tome à un dessin plus facilement humoristique, en accord avec le propos qui contient pas mal d'humour, tandis que les tomes suivants ont des traits plus matures, plus apte à des réflexions et de la philosophie. D'autre part la colorisation est superbe (totalement subjectif comme avis) et les planches sont plus d'une fois très belles.
Alors celle-là, c'est l'une des plus
belle déclaration d'amour que j'ai
jamais lu. Simple mais tellement beau
Tiens, en parlant des planches, vous aurez droit à un procédé extraordinaire que j'ai trouvé superbe. Le personnage principal est photographe de métier. Dans le roman, il prend souvent des photos. Et certaines planches présentent ces photos, comme si il les avait réellement prises, accompagnés d'un discours du héros sur un sujet précis (et avec un rapport plus ou moins direct aux photos). Dis comme ça c'est peut-être dur de se l'imaginer, mais dans la lecture, c'est fluide et parfaitement lisible. Je n'ai malheureusement pas trouvé d'exemples sur le net, mais vous pourrez voir par vous même dans la BD. Et pour vous régaler, j'ai mis quelques planches trouvées qui, j'espère, suffiront pour vous donner l'eau à la bouche et vous inciterons à la lire. J'aimerais vraiment vous donner le gout de cette BD.

Alors, en continuant sur la lancée, maintenant que j'ai parlé brièvement du trait (oui, j'aurais pu détailler les cases, expliquer les différences avec Presque, comparer autour des façons de représenter, expliquer les cadrages, les têtes des personnages ...), je vais essayer de parler de l'histoire.
C'est celle d'un petit photographe, Marco, qui est dans un petit creux de sa vie. Il n'a pas envie de recommencer tout de suite à travailler et se pose pendant une petite période. Il sent qu'il lui manque quelque chose, qu'il n'est pas dans les bons rails de la vie. Il ressent un vide, qu'il cherche à comprendre. L'envie de faire des photos ne lui revient pas. Et durant cette période, il reste dans sa petite maison de campagne, retirée d'un peu tout, seul avec son chat. Et là, ça commence. Il rencontre ses voisins, des gens bien ou pas bien, une fille, vétérinaire, et puis la vie continue. Ce n'est pas la grande vie, la grande aventure, c'est simplement la vie de tout les jours, le combat ordinaire de la vie. On se bat, sans trêve ni repos, continuant à avancer sur le chemin.
Dis comme ça, je sens que vous vous attendez à une BD chiante et introspective. Et bien pas du tout. Les personnages sont incroyablement attachants, les situations s'enchainent sans temps mort, donnant des passages humoristiques à côté de réflexions. C'est déroutant au début, on ne rigole pas tout le temps, mais ce n'est jamais dramatique non plus. C'est comme la vie, on rit, on pleure, et on avance encore et toujours.
Ce qui est intéressant également, c'est l'évolution des personnages, puisque la série va s'étaler sur une période assez longue de plusieurs années, avec les relations à sa famille qui évoluent (notamment avec le petit frère), sa propre famille qui se constitue, son travail qu'il va reprendre petit à petit. Et puis plein de petits moments, bon ou mauvais. Notamment plus d'un très beau, mais je vous les laisse découvrir. L'ensemble est au niveau d'une BD philosophique, toujours simple, sur plein de sujets. Mais je le répète : ne cherchez pas de réponses là dedans ! Ce ne sont que des questions qui vous attendent, des questions que vous ne vous posiez pas, et plein d'autres que vous vous posiez sans trop le savoir.
Par contre je dois avouer que je n'ai aucune idée de l'impact de cette BD sur les filles, puisque le personnage principal, un garçon, fait pas mal de réflexion en rapport avec les garçons. Pour une fille, je ne sais pas l'impact qui en ressortirait. Sans doute qu'il y en aurait également un, mais très différent. Je ne sais pas trop. C'est une expérience qui se prête bien à l'essai, je vais tenter de voir si je peux motiver quelqu'un à le faire.

J'ajouterais également que le récit contient beaucoup de tendresse, les personnages étant tout ce qu'il y a de plus humain. Et surtout, ils sont normaux. Pas de gros looser qui n'arrive jamais à rien dans la vie, pas de gars qui saute par dessus une voiture en flamme en continuant à se raser sans se couper. Rien que des choses de la vie courante, pas d'extra. Des discussions politiques simples sur les positions qu'ont eux les français (la BD se déroule durant le premier mandat Chirac, sa réélection et une partie lors de l'élection de Sarkozy), mais également des avis sur la France actuelle avec une vision des banlieues que j'ai trouvé sublime (c'est dans le tome 4). D'ailleurs, la BD contient énormément de phrases superbes, de beaux discours de toute sortes et des appréciations que j'ai trouvé totalement juste. Plus d'un passage semblent avoir été écrits dans un roman et qu'on aurait mis en image. Mais non, tout n'est sorti que de la BD.

En prime, je dois dire que l'auteur nous gratifie de petits détails superbes, tels ces fameuses pages de photographies, mais également de résumés qui mériteraient à eux seuls des éloges. Le résumé au dos du premier tome est rédigé en ces termes :
"C'est l'histoire
d'un photographe fatigué,
d'une fille patiente, 
d'horreurs banales,
et d'un chat pénible"
Là vous avez le résumé complet de tout le premier tome. Je ne sais pas pour vous, mais je trouve ça admirable ! Et tout les tomes ont leurs résumé ainsi. Je les trouve beau.


Et puis, tout est bon dans la BD. Les cadrages, les mises en pages, les dessins, les dialogues, la balance entre les sujets, les questions, la fin. Tout quoi. Dans le genre parfait, j'ai rarement vu mieux. C'est un roman graphique, mais avant tout c'est une BD de philosophie simple et accessible à tous. Les questions et les réflexions peuvent parler à tout âge, bien que le personnage soit déjà dans la trentaine. Marco est également une belle figure. Ce n'est pas forcément un héros auquel on s'identifie. C'est un personnage complet, qui est simplement attachant. Pour un peu on souhaiterait presque qu'il sorte de la BD, qu'on puisse parler avec lui. Et il semble également un reflet déformé de l'auteur, qui aime beaucoup la photographie et à connu bien des situations semblables à celles du livre. C'est assez net lorsqu'on compare avec d'autres ouvrages, surtout Ex Abrupto (que je chroniquerais plus tard). Il nous livre un personnage sans concession, qu'on découvrira sur tout les plans sans secret et sans faux fuyants. Il est comme un livre ouvert, et c'est un des héros que j'ai le plus apprécié dans les œuvres de BD, rempli de failles et de doutes, mais aussi de défauts et de qualités, c'est un personnage trop bien campé pour ne pas être réel.

En conclusion, avant que l'article ne fasse milles pages, je dirais simplement que Le combat ordinaire est une œuvre majeure dans le monde de la BD, malgré son apparition très récente. Il est pour moi dans le Panthéon de la BD, aux côtés d'immortels d'une autre époque, et de contemporains tout aussi légendaires. Le récit est simple, attachant, mêlant poésie et philosophie, humour et quotidien. Les personnages sont attachant, tout est réuni pour que la BD soit lisible et belle. Tout est en place, le lever de rideau peut commencer.
Si vous ne connaissez pas Larcenet et que vous voulez en lire quelque chose, commencez par celle-ci. C'est celle qui plait à tout le monde et avec laquelle Larcenet à frappé le plus juste. Il donne matière à réfléchir à tout le monde, quelque soit l'humeur. Pouvoir le relire n'importe quand et dans n'importe quel état, c'est ça la vrai force d'une grande BD. Et celle-ci en fait largement parti.

(Chronique n°24)