samedi 31 janvier 2015

Moins que zéro (Bret Easton Ellis)

Deuxième livre de cet auteur, il va falloir que je m'accroche sérieusement pour pouvoir continuer à le lire, celui-là. Les raisons sont multiples, et je dirais même qu'il s'agit d'un des auteurs pour lequel je m'accroche le plus. Je tente encore le célèbre American Psycho, mais je pense que je vais bientôt arrêter les efforts entrepris envers cet auteur. Un génie selon une bonne partie des critiques (et même selon Frederic Beigbeder), mais que j'ai du mal à apprécier à sa juste valeur. Ou alors ne suis-je pas du tout le bon public de ce genre de littérature.


Résumé en trois mots : Los Angeles, Jeunesse et Ennui

Ennui serait le terme qui définirait le mieux le livre et mon ressenti par rapport au livre. Et en même temps, je comprends que c'est exactement le but du livre. D'où un problème, qui est pour moi un peu dur à bien décomposer.

Le principal problème de ce livre, c'est qu'il ne s'y passe rien. Mais vraiment rien du tout, c'est l'ennui total, le vide absolu. Les personnages s'emmerdent et se font chier entre deux moments où rien ne se passe. Et le lecteur s'emmerde avec. Alors certes, je vois parfaitement derrière tout ça la critique de cette jeunesse dorée et riche qui ne sait plus quoi faire de sa vie, je comprends parfaitement le principe qui est développé, du stade de rien à celui de néant, et j'ai aussi noté l'escalade progressive du roman jusqu'au pétard mouillé final. Et oui, c'est bien fait, on ressent vraiment ce qu'ils doivent vivre.

Mais voila, quand je lis un livre, même si c'est une critique d'une frange de la population d'une ville des Etats-Unis, je m'attends à lire quelque chose vraiment. Et quand je m'ennuie fermement, là ça me pose problème. Et si c'est le propos du livre, je suis face à un problème : pourquoi lire un livre que je sais ennuyeux juste pour bien me rendre compte de cette sensation de vide et d'ennui ? A mes yeux, ça ne justifie pas de passer du temps dessus.

Un livre qui ne m'a pas plu, parce que si j'ai bien compris (il me semble) ce que veut l'auteur, je dois le dire tout net : je me suis fait chier. Oui, c'est bien le propos du livre, de vous montrer ce que c'est que de s'ennuyer, et en un sens j'ai été sensible à ce propos, mais ce n'est pas ce que je recherche lorsque je lis un livre, et ce sera donc pour moi une lecture qui me laisse une mauvaise impression. L'auteur n'a pas réussi à m'accrocher en deux livres, je sens que le troisième sera celui qui me fera basculer entre un oui timide ou un non définitif.

(Chronique n°225)

mercredi 28 janvier 2015

Ubik (Philippe K. Dick)

Avant-dernier roman de Philip K. Dick que j'avais en ma possession (et je pense que je n'en rachèterais pas tout de suite), ce roman est bien souvent cité comme le chef d'oeuvre de l'auteur, à mettre sur le même pied d'égalité que Le maitre du haut-château et Blade Runner. La lecture m'a été également hautement recommandé par mon ancien colocataire, alors pouvais-je refuser de m'y plier ? Ce que j'ai fait allègrement. Et le résultat est à la hauteur d'un Philip K. Dick, mais pas vraiment de mes attentes.


Résumé en trois mots : Pouvoirs, Mort et Réalité

Voila encore un roman bien déroutant, parlant à la fois de pouvoirs psychiques, de remontée du temps, de la mort et de la réalité de nos sens. Philip K. Dick continue d'exploiter les thèmes qui l'intéressent particulièrement, tout en cherchant de nouvelles voies scénaristique.
L'auteur nous développe tout une trame centrée sur un personnage (enfin, deux, mais c'est l'un que l'on suit et l'autre qui importe), tout en apportant un personnage féminin qui n'est pas inintéressant (et particulièrement dérangeant, ou dérangée), et également un délire complet sur le sens de la réalité. Encore une fois, l'auteur fait fort, mais là c'est vraiment dérangé.

Sans vous spoiler l'histoire, à partir d'environ la moitié du roman, tout l'univers construit par Philip K. Dick (et qui semble vaste et complexe, tout les détails n'étant pas expliqués) est brutalement remplacé par un autre, avec cette fois-ci des problèmes de perception de la réalité. Et tout est à recommencer. Encore une fois, l'auteur se joue des codes classiques de la compréhension de la réalité et finit par nous faire douter de tout et de tout le monde, ne retenant au final que le héros comme point central fixe et immuable d'un univers qui peut être tout ce qu'on voudrait. A cet égard la toute fin du roman (mais vraiment, la dernière phrase) est particulièrement déstabilisante, puisqu'on ne sait plus du tout ce qu'il faut alors en tirer.

Ce qui m'a le plus perturbé, je crois bien que c'est le titre et les fausses publicités qui sont présentes dans tout le roman en utilisant le nom Ubik, ce qui m'a conduit sur une piste complètement fausse. Mais j'avoue à cet égard que je n'ai pas encore compris tout le roman et qu'une relecture sera plus que salutaire pour comprendre tout ce qu'il faut derrière ce roman qui est d'une complexité incroyable. Rien n'est simple ni ce qu'il parait être. Et en plus, l'univers derrière est plutôt riche, brouillant encore plus les pistes. C'est vraiment de la très haute intensité d'écriture.

Et c'est presque dommage que je n'ai que peu aimé au final. Car le principal problème, c'est que beaucoup de choses me semblent encore bien obscur pour que je puisse apprécier le roman. Je dois d'abord le relire et essayer de dégrossir ce qu'il y a à comprendre avant de pouvoir enfin essayer de le noter correctement dans ma mémoire. C'est déroutant comme genre de livre, qui nous perd volontairement et finit par nous perdre. Et c'est ce qui s'est passé. A un moment je me suis perdu dans le livre, et c'est vraiment dommage.

Pour moi, ce n'est pas le meilleur Philip K. Dick, et il n'atteint pas les sommets que sont Blade Runner, Le maitre du Haut-Château et Substance Mort, mais il reste très bon et c'est principalement le fait que je sois passé à côté de beaucoup de choses dans l'histoire qui m'est pénible. Je vais volontiers le relire pour tenter de comprendre ce qui m'a échappée et enfin pouvoir refermer ce livre en ayant l'esprit apaisé. Mais il reste un livre de Philip K. Dick, dérangeant et philosophique, déroutant et à part dans le monde de la science-fiction. Un tel livre est quelque chose de difficile à classer ou appréhender. Je vous recommande la lecture si vous vous sentez de taille pour l'aventure, mais ça vole haut.

(Chronique n°224)

lundi 26 janvier 2015

Days (James Lovegrove)

Encore un achat de cette collection de Bragelonne, qui est en passe de devenir la plus grande de ma collection. Et encore une fois, une découverte d'un auteur et d'un style que je ne connaissais pas, d'une histoire sur laquelle je ne sais rien et dont le seul résumé m'a attiré, ce qui est déjà un gage de ma volonté. Et cette lecture, qui remonte maintenant à loin déjà, et tout ce qu'il se fait de plus acceptable, voir même plus !


Résumé en trois mots : Magasin, Consommation et Humains

L'histoire est celle d'un magasin, un énorme et gigantesque magasin, qui contient sur six étages tout ce qu'il faut pour qu'on puisse consommer sans se préoccuper de ce qu'on achète. Tout, des femmes aux cravates, des livres à la nourriture. Et bien évidemment, tout cela à un prix. Days est le magasin dans lequel on ne rentre qu'avec une carte. Et cette carte indique votre niveau de richesse.
Dans ce temple de la consommation moderne, quatre destins se croisent. L'un est celui d'un simple employé, un fantôme. Un homme qui traque les voleurs en les repérant dans ce qui est le plus grand lieu de vol possible du monde. Une autre est cette dame qui tient le rayon de la littérature dans le magasin, et qui voit, jour après jour, son espace disponible diminuer au profit de celui de l'informatique. C'est également le destin d'un couple, qui vient inaugurer en cette brillante journée sa carte du magasin. Le premier jour pour eux dans le monde de la sur-consommation. Et enfin, c'est le destin de la famille dirigeante, des sept frères Days qui tiennent ce magasin.

J'ai beaucoup aimé ce roman, qui ne s'étale que sur une seule journée tout en nous présentant quatre points de vue différents dans un même magasin, plus grand que n'importe quel autre dans le monde. Sans même évoquer la surconsommation ou la déviance des hyper-marchés, ce livre nous offre également une belle fable sur l'homme et les dérives qu'il peut connaitre dans sa vie, entre les couples qui ne peuvent pas s'accorder ou encore les frères Days, entrepreneur du magasin, qui doivent à la fois tenir quelque chose de trop gros, s'accorder entre eux et en même temps sont prisonniers d'un joug parental. D'autant plus oppressant que le père n'est plus là.

Ce roman est assez brillant dans son genre, et j'ai énormément apprécié de le lire, avec le foisonnement de ce qui est présenté, tout en ne s'enlisant pas dans une critique massive. Le livre sait retrouver l'histoire quand il le faut, et retombe sur ses pieds d'une belle façon, en concluant de façon assez magistrale, puisque chaque arc narratif aura sa propre fin, ce qui fait qu'on ne peut y voir une fin heureuse ou malheureuse.

Un beau livre, qui est assez unique dans ce que j'ai pu lire pour l'instant, mais qui est bien typique de ces fantaisies urbaines qui dépeignent notre société sous un jour peu glorieux. Les différents personnages sont à la fois touchants et glaçants d'effroi par leur apathie face à la vie, mais ce roman sonne bien réaliste, et c'est là tout l'intérêt. Et je ne parle pas de la façon dont les histoires se croisent pour finir par avoir chacun sa propre identité, finissant dans plusieurs nuances de tons. Un bon roman, qui se lit agréablement et qui invite à réfléchir. Une belle découverte qui m'a bien fait plaisir.

(Chronique n°223)

samedi 24 janvier 2015

Deux ans que ça roule



Deux ans de roulotte ! Deux ans que ce blog à ouvert, et deux ans qu'il est alimenté plus ou moins régulièrement d'articles en tout genre. Deux ans avec une période creuses lorsque l'activité à repris intensément, mais qui redémarre maintenant en espérant que ça ne s'arrêtera plus !

Détail amusant : cette année, malgré la longue période creuse en Novembre et décembre, aura vu 138 articles mis en ligne également, bilan équivalent à l'année dernière ! On a donc maintenant atteint les 276 articles en ligne, et je pense qu'on devrait atteindre les 400 pour l'année prochaine, voir plus si je maintiens le rythme de un pour deux jours.

Vous avez été 15.000 à passer sur ce blog en deux ans, je vous remercie, passants qui venez ici ! Passons voir au bilan de l'année :

Bilan de l'année 2014

  • Beaucoup de science-fiction cette année avec les Asimov (tout le cycle des Robots et celui de Fondation qui reste à chronique), encore Arthur C. Clarke, du Bradburry, et du Philip K. Dick, auteur que j'ai vraiment découvert cette année et qui rentre dans mon top personnel.
  • Mes premiers Terry Pratchett, et sans doute pas les derniers. Je commence l'aventure de la saga du Disque Monde, et je crois que ce n'est pas près de s'arrêter.
  • Un peu de fantasy, un peu de réaliste, un peu de tout
  • Du Boris Vian (ah, quel génie, mais quel génie) et du Bernard Clavel. Dans l'ensemble j'aurais plus lu d'auteurs français cette année par rapport à la précédente.

Au niveau des lectures, il semblerait que cette année ai été un peu plus hétéroclite, bien que je sois resté tout de même bien centré sur de la science-fiction. La fantasy attends dans les placards, je finis d'abord Dune, qui s'avère être excellent. Et ensuite, j'ai tout le reste à lire (la PAL ne semble pas diminuer ...).

Bref, une année avec des petits moments de creux, mais qui est maintenant finie, et qui s'ouvre sur une belle année 2015 prête à accueillir toutes les lectures qu'il faudra. Et la roulotte continue son chemin !

Brutus (Bernard Clavel)

Eh oui, un nouveau Clavel, quand on est dans le bon mouvement, pourquoi s'arrêter en si bon chemin ? Je me rappelais bien avoir ce livre dans mon stock, alors après la saga des Royaume du Nord, je pouvais bien prolonger le style avec celui-ci, qui méritait mon attention, non ? En plus, ça me permettait de relire un peu d'auteur français, qui sont au final peu présent dans ma pile des livres lus, alors qu'il y en a tant de bon ! Et puis, je voulais voir un peu la façon dont Barjavel parlait de Lyon, ville que je vais découvrir bientôt. Pour toutes ces raisons, et parce que je devais attendre un long moment encore, je me suis penché sur ce livre et je l'ai tranquillement savouré dans un train qui filait, le long de la vallée du Rhône.


Résumé en trois mots : Romain, Chrétiens et Taureau

Ce livre nous plonge dans une période historique bien connue, celle des premiers chrétiens, tout au début de notre ère, dans la vallée du Rhône, alors sous domination romaine, avec la naissance d'un mouvement religieux inspiré par un homme qui fut crucifié, bien loin en terre de Judée, prêchant l'amour du prochain, la paix et l'acceptation de la souffrance plutôt que le chemin de la violence. Une philosophie qui a depuis bien changée de visage, certes, mais qui était alors simple, avec des préceptes tout aussi simple.
Cette histoire de montée/descente du Rhône, à la fois par les barges sur l'eau et à pied le long des berges, entre chrétiens et bateliers, avec comme personnage central ce taureau massif, Brutus, bête puissante et forte qui doit être amené à Lyon pour la gloire du cirque mais aussi pour le martyr des premiers chrétiens. Brutus occupe cette fameuse place centrale du livre, tout tournant autour d'une manière ou d'une autre, les héros se greffant à lui. D'ailleurs, les héros, parlons en. Des hommes comme aime les camper Clavel, ils m'ont rappelés des personnes de Le royaume du Nord. Un peu brut, des hommes polis par le travail, à la peau épaisse et burinée, mais dont le cœur est tendre. Notamment dans leur foi, ce christianisme naissant, qui ne prône que l'amour du prochain.
Cette histoire refait mouche, et c'est le style de Clavel qui revient encore une fois. A la fois poétique et pourtant contenant de la violence bien exprimée. Et il y a aussi, à contrario, plein de douceur qui rejaillit de ces pages. Clavel sait magnifier les bords du Rhône et la nature généreuse de certains être humain. Dans ces pages, on retrouve la beauté simple de la nature et la nature belle des simples.

Sans être un grand roman, sans être un chef-d'œuvre, Brutus sait être un beau livre qu'on lit avec plaisir jusqu'au bout, prolongeant le plaisir de se tenir sur les bords du Rhône avec les personnages. Un bon petit roman, a réserver quand le reste est déjà lu.

(Chronique n°222)

jeudi 22 janvier 2015

Night Ocean (H. P. Lovecraft)

Dernier livre de Lovecraft que j'avais entre les mains, et normalement dernier que je lis avant un long moment, puisque j'ai épluché les recueils principaux de cet auteur si fabuleusement horrifique. Mais voila, la source est en partie épuisée, il se peut qu'au cours du temps je tombe sur un livre m'ayant échappée, mais je pense avoir bien fait le tour de Lovecraft, et ce récit est la conclusion de tout ceux que j'ai lu jusqu'à présent. Et le hasard faisant bien les choses, je suis tombé sur celui que je devais, effectivement, lire en dernier.

Résumé en trois mots : HorreurCollaboration et Mélange

Ce recueil est sans aucun doute le moins bon de ceux que j'ai lu de Lovecraft, pour différentes raisons, et notamment liées à la procédure éditoriales. En effet, ce recueil contient nombre de textes de Lovecraft sans grand intérêt car non fini, à l'état de brouillon, ou même des textes qui ressemblent bien plus à des coups d'essais que de véritables textes travaillés et aboutis. L'ensemble est d'ailleurs présenté comme tel, plus une compilation de textes de l'auteur à direction des fans qu'un véritable livre d'un bout à l'autre. Il contient notamment à la fin un texte qui est appelé Livre des raisons et qui est, en gros, une compilation des notes et des idées de Lovecraft pour écrire un livre d'horreur. C'est très sympathique, mais je m'attendais à lire un livre, pas à avoir un condensé de textes pour fan.
Le second problème de ce livre, c'est qu'une bonne partie des textes sont des textes écrits à quatre mains ou plus, et que bien souvent les histoires sont largement moins intéressantes du coup. On y trouve peu d'histoire véritablement horrifique, mais certains développement sont assez intéressant, quoique ce soit peu fréquent. De manière générale, les textes sont peu développés et laissent un sentiment d'inachevé, sans compter que l'ambiance horrifique propre à Lovecraft est moins souvent fréquente.  Et au final, l'intérêt est très réduit au fil du texte.

Un recueil très peu intéressant pour moi, qui tient plus du recueil pour fan que véritablement du recueil de nouvelles. On découvre une autre facette de Lovectaft, mais que je trouve moins intéressante pour le coup. C'est moins prenant, moins horrifique que d'habitude. On y retrouve que très peu l'ambiance glaçante d'un bon récit Lovecraftien, et la plupart des choses s'oublient vite. Je viens de le finir, et je n'en retiens pas grand chose. Un livre qui mérite que très peu qu'on s'y attarde.

(Chronique n°221)

lundi 19 janvier 2015

Les enfants d'Icare (Arthur C. Clarke)

J'aime bien la façon dont les éditions Milady (branche de l'éditeur Bragelonne) font leurs livres, dans un format un poil différent avec des couvertures qui accrochent (sauf dans le cas de Sorceleur où je pense qu'ils se foutent de la gueule du client). J'ai pris ce livre pour continuer dans la voie des lectures de ces auteurs de Science-fiction cultes, indispensable, excellents et reconnus. C'est pourquoi mes lectures furent riches de Bradbury, Asimov, Clarke et Dick ces derniers temps (il me reste les Frank Herbert à explorer). Et celui-ci me faisait de l'œil via ses critiques élogieuses. Je me le suis offert et à l'occasion d'une très longue après-midi, je me le suis fini presque intégralement. Je pense que vous comprenez l'idée.


Résumé en trois mots : Extra-terrestre, Humanité et Divinités


Il me semble que je l'ai déjà dit, mais c'est assez amusant comme chacun de ces quatre auteurs cultes à sa patte. Isaac Asimov est très philosophique et carré. Philippe K. Dick est dérangeant et déroutant. Ray Bradburry est poétique et philosophique. Arthur C. Clarke est scientifique et beau.
Ce roman me confirme que Arthur C. Clarke sait écrire d'une façon belle et surprenante, avec ce qu'il faut de scientifique dedans pour que l'on en apprenne toujours un peu. Ici, c'est largement passé au second plan par rapport au reste, mais c'est tout de même présent. Ce roman est surtout centré sur la question de l'homme, de l'humanité, de sa place dans l'univers et de son but.
En le lisant, je me posais de plus en plus la question du but du roman, entre la façon dont les extra-terrestres maintenaient une présence dominatrice sur la Terre et l'évolution de la psychologie humaine à leurs propos. C'est pourquoi j'ai été surpris par le tournant que prend le livre tout à coup, avec cette explication à laquelle je ne m'attendais pas (mais qui rejoint en un sens ce qui avait déjà été mis dans 2001, l'odysséede l'espace) mais qui se paye en sus le luxe d'être extraordinairement belle, avec une touche merveilleuse qui m'a complètement surpris. C'est, progressivement, de plus en plus beau jusqu'à un final qui n'a pas été sans me rappeler la larme que j'avais presque à la fin de Chantsde la Terre lointaine. Arthur C. Clarke m'a hypnotisé d'un bout à l'autre du livre et m'a laissé un merveilleux goût en bouche, avec cette douceur et cette beauté.
Le roman en lui-même est un petit bijou, l'histoire étant intrigante, les personnages passant sans qu'on ne soit liés complètement à l'un ou l'autre, les chapitres s'enchainant sans qu'on ne puisse deviner vers où ils tendent, et cette fin en apothéose qui vient conclure le tout, c'est proprement magnifique. Le genre de roman qu'on aimerai presque relire pour retrouver ce goût en bouche, mais qui ne laissera plus la même saveur. Je le relirai avec plaisir, mais ce ne sera plus pareil, et c'est presque triste. Mais la beauté est éphémère. Ce livre sait nous le rappeler.

Du comme ça, j'en redemanderais volontiers ! Un livre très surprenant et qui m'a laissé complètement pantois, avec une beauté inhérente à l'auteur et qui m'a plu, au-delà des mots. Ce genre de science-fiction, c'est de l'or en barre. J'en redemanderais, entre les précisions scientifiques apportées par petites touches et l'histoire qui sait se dérouler de surprises en surprises jusqu'au final étonnant, c'est une réussite incontestable. Je ne sais pas si je suis face au meilleur de Clarke, mais c'est un excellent roman assurément, et que je ne peux que vous recommander chaudement. Cet auteur me plait, j'ai hâte de lire la suite.

(Chronique n°220)

vendredi 16 janvier 2015

Blade Runner (Philippe K. Dick)

S'attaquer à ce livre, c'est un peu atteindre la quintessence de Philip K. Dick. Toucher le coeur du problème, le fond de l'âme, le centre de la pensée. C'est le roman le plus connu de l'auteur (avec, il me semble Ubik et Le maitre du haut-château), de par son adaptation légendaire au cinéma (Harisson Ford dans un film de Ridley Scott, le bonheur), son adaptation en comics, sa réputation filmographie et sa réputation papier. Le titre est légendaire : Do android dream of electric sheep ?, titre qui changea dans l'adaptation cinématographique, remplacé par le désormais légendaire Blade Runner, au point que toutes les rééditions françaises l'ont intégré pour premier titre. Un livre qui a donné son nom à une maison d'édition française ! (les Moutons électriques, qui publient de bien belles choses d'ailleurs).
Bref, tout est en place pour que le roman impressionne de prime abord, mais également pour qu'on en attende beaucoup, ce qui amène souvent à être déçu de la lecture. Ici, point de tout cela. La baffe dans la gueule fut magistrale, et je peux vous dire, après plus de six mois, que je la ressent encore sur ma joue. Elle s'est bien marquée, nom de Dieu !


Résumé en trois mots : AnimauxAndroïdes et Empathie

Par quoi commencer ? Je dois avant tout, je pense, souligner un point concernant l'oeuvre cinématographique. Il faut bien le dire, quand j'ai commencé ma lecture, le film et toute son histoire étaient parfaitement présent à ma mémoire, ce qui me causait une appréhension quant à la surprise qui pourrait être éventée. Mais en fait ... Non. L'histoire du film est radicalement différente de celle du livre, même si au final la base est la même. Les détours sont entièrement différents, les questionnements et les angles d'approche sont incroyablement distants, tout est autre. A tel point que je tire encore plus mon chapeau au film pour le développement totalement original qu'il a proposé par rapport au postulat de départ proposé par le livre. Même les répliquants changent de comportement, ce qui est tout de même fort. En bref, si vous n'avez jamais voulu le lire par crainte de vous ennuyer après avoir vu le film, ne vous arrêtez pas à ça. Les deux oeuvres sont suffisamment différentes pour justifier une lecture complète de cet ouvrage-ci.

Maintenant que ce point est éclaircie, passons au livre uniquement. Et là ... Je ne sais toujours pas par quoi commencer. Ce livre regorge de tellement de choses à dire, que j'en suis presque incapable de vous donner le début d'une idée. C'est un foisonnement d'idées et de réflexions qui nous est proposé, avec bien évidemment la science-fiction par dessus, sans parler de cette fameuse limite entre l'homme et la machine (thème récurrent dans son oeuvre sans jamais lasser. C'est fort de café !), des problématiques environnementales (bien que juste évoquées) et des thématiques autour des animaux, de la richesse et de sa représentation, des débats sur la moralité du travail (qui consiste tout de même à tuer des gens), ...
C'est également une foule d'idées qui sont parfaites (et bien souvent qui n'ont pas été reprises dans le film, faute de pouvoir vraiment l'exploiter), tel que les boites à empathie (et tout ce qui tourne autour ensuite) et la question de l'humanité qui vient s'y greffer, ou les animaux électronique et l'attachement de l'humain à ceux-ci.

C'est également une histoire qui est greffé par dessus tout ça, et qui se paye le luxe de ne pas être trop simplette, même si elle ne révolutionne pas le polar. Mais cela dit, quand on voit la densité du bouquin, je pense qu'on peut se payer le luxe d'alléger l'histoire. Et ce n'est pas désagréable non plus d'avoir un peu de légèreté dans l'ensemble.
Car c'est lourd, très lourd. Une ambiance noire, des personnages sombres, des thématiques pesantes, des manifestations réflexions lourdes ... Tout est plutôt noir ici, mais ce n'est pas comme si l'auteur ne nous avait pas habitué à ça.


Un grand roman, c'est sur, qui mêle des thèmes en tout genre dans une réflexion extraordinaire et qui se paye également le luxe d'une histoire, de personnages et de développements très bons. L'ensemble est parfait, un grand roman qu'on déguste comme un bon vin, et qui est à mon avis dans les immanquables de la lecture, ne serait-ce que pour tout ce qu'il amène comme questionnement lorsque l'on referme le livre. Un livre de cet envergure, c'est rare et c'est d'autant plus plaisant. Ne passez jamais à côté de ça. Lisez-le, et vous comprendrez.

(Chronique n°219)

mercredi 14 janvier 2015

Maudits sauvages (Bernard Clavel)




Sixième et dernier tome de cette saga, mais première lecture pour ma part, ce fut le deuxième livre de l'auteur que je lu (après Malataverne) et ce fut lui qui m'encouragea à lire ensuite cette fresque extraordinaire sur le royaume du nord, sur ce pays froid et hostile, si beau pourtant, et dont l'histoire semble tragique à chaque instant. Et cette conclusion n'échappera pas à la règle générale, et c'est une porte qui se fermera définitivement. Nous quitterons alors définitivement ce grand nord, ce royaume offert aux nouveaux hommes, à ceux qui débarquaient, aux colons bienvenus. Mais il continuera à vivre ...


Résumé en trois mots : AmérindiensBarrage et Fin

Le livre est très différent des autres tomes de la saga, en ce sens qu'il apparait moins comme une suite de l'histoire qui à commencé cinq volumes plus tôt, mais tout en restant dans la lignée des autres, aussi bien temporellement, puisqu'il se situe après tout les autres, mais aussi dans le lieu, qui reste cette vallée du St-Laurent, autour de la rivière Harricana. Et qu'il en garde toute la force aussi.

Ce livre est également différent, puisque l'histoire ne semble pas tellement être inventée, on pourrait, encore plus que les autres, croire qu'il s'agit là d'une histoire réelle. C'est sans doute ce qui lui confère cette aura dramatique accrue.
L'histoire ne reprend pas les personnages vus précédemment, mais ouvre la vision avec les grands absents des autres histoires, en dehors de quelques apparitions sporadiques : les amérindiens. Ces peuples premiers vivant encore sur les terres de leurs ancêtres sont ici le centre de l'ouvrage, dans leur vie de tout les jours, dans leurs pensées, dans leur cadre naturel, toujours là malgré le temps qui ronge tout.
Ce qui est prenant, c'est que le livre nous présente le grand chef indien, le plus vieux de la tribu des Wabamahigans, le chef Mestakoshi, qui voit son peuple faire face aux blancs, encore et toujours, non plus par les armes, mais par le droit, par la politique. Dans cette terre gelée du nord, les indiens sont repoussés sans cesse dans leurs retranchements, et leur dieu, le fleuve, se meurt.
Ce roman sonne le glas déjà annoncé dans le précédent, la fin du royaume du nord. Nous n'avons ici plus aucune échappatoire, la saga se clôt sur ce tome qui voit marquer la fin des illusions et des espoirs. La mort est là, patiente, et elle marque la fin d'un monde, le dernier sursaut avant l'entrée dans le monde moderne. Il y a une complainte de l'ancien monde qui se meurt dans ses pages, de la souffrance d'un peuple qui va s'oublier lui-même et disparaitre dans la masse des villes.
Ce roman est aussi le dernier trait que Clavel envoie à cet nature, le dernier morceau de poésie qu'il peut lancer avant de devoir la quitter définitivement. C'est le moment de repartir et de dire adieu à ce monde qu'on a exploré durant six volumes, qu'on a découvert et aimé, de ce monde froid, dur, encore sauvage et hostile. Un monde fascinant et beau, que je rêve d'explorer maintenant.



Dernier volume, et en un sens, premier aussi. Ce livre est sans doute le plus indépendant de la saga, son histoire étant à la fois en dehors de celle de la saga et en même temps liée par l'espace commun. C'est un livre extraordinaire sur les amérindiens du nord et leurs basculement dans un monde nouveau, lorsque la lutte a cessée. C'est le moment fatidique, celui de la bascule, et l'auteur nous conte toute cette perte d'une identité, d'un lieu, d'une mémoire aussi. Mais c'est aussi la découverte de leur vie, de leur pensée, la façon dont ils tentaient de continuer à vivre dans leur paysage superbe. Un roman qui fait prendre conscience de ce qu'il ont perdus, mais également qui m'a donné envie de découvrir ce lieu, ces peuplades. Je voudrais pouvoir explorer maintenant le grand nord, et je le dois beaucoup à Bernard Clavel.


(Chronique n°218)

lundi 12 janvier 2015

L'angélus du soir (Bernard Clavel)



Fin des lectures avec ce cinquième tome (il y a bien un sixième, mais je l'avais lu avant), et la fin pour moi de cette plongée dans le froid mordant du nord, celui qu'affectionnait tant Jack London et que j'ai retrouvé avec tant de plaisirs ici. Un froid qui s'insinue dans les paysages, les magnifiques forêts et les grands espaces encore sauvages, où l'homme ne peut que compter sur sa propre force, morale comme physique. Un pays inhospitalier, qui tient le cœur de ceux qui l'ont habités, et de ceux à qui on le raconte aussi bien que sait le faire Bernard Clavel. Et surtout, une histoire qui sait encore une fois nous montrer toutes les facettes de l'humanité, dans ses bons et ses mauvais côtés.


Résumé en trois mots : Froid, Abandon et Modernité

Ce livre sonne comme la conclusion de la saga. Que reste-t-il pour le sixième tome alors, me direz-vous ? Et bien, l'ouverture tout simplement !
Ce qui me fait dire qu'on assiste à la conclusion, c'est que le livre reprend encore une fois les personnages des premiers tomes, mais nous montre la fin de leurs aventures. C'est à nouveau Cyrille Labreche qui occupe la place centrale de cet ouvrage, mais d'une façon bien différente cette fois-ci. La vieillesse est arrivée. L'âge a usé le personnage, et il n'est pas le seul. Nous retrouvons également la famille du premier tome, tout en constatant les évolutions. Le premier tome nous laissait sur notre imagination, avec sans doute la meilleure vie qu'ils pouvaient avoir. Mais la réalité nous rattrape, elle est bien plus dure qu'on le pense.
Ce qui frappe, dans ce roman particulièrement, c'est que ce n'est plus trop la démonstration de l'homme face à une nature hostile qu'il devra apprivoiser, soumettre, ou comprendre. C'est, cette fois-ci, la vision d'un homme seul face aux hommes, dans un lieu qu'il a appris à connaitre et à aimer. Un homme qui se bat pour sa dignité, pour la seule chose qu'il lui reste. Car le temps à pris tout ...
Ce roman m'a presque fait venir les larmes aux yeux, quand on voit ce pauvre bonhomme se démener sur ses parcelles vides, dans un village fantôme, seul avec ses bêtes qu'il chérit tant. C'est la démence d'un homme privé des autres, mais privé par sa propre volonté. Et, là dedans, se glisse toute la beauté que Clavel arrive à nous transmettre. C'est l'opéra du Nord froid et sauvage, une musique belle et puissante, mais implacable et dure. Jamais cruelle. Jamais bienveillante.
L'histoire aura sa fin, implacable, mais vraie. Et l'on refermera l'ouvrage avec dans le coin des yeux une larme sur ces pauvres personnages, si humain, si proche de nous même, des vrais hommes, qu'on pourrait croire réel. J'ai rarement eu cette sensation d'être si proche des personnages, d'avoir l'impression de vivre avec eux. Le côté rustique, ancien, ne gêne pas. On n'en est que plus proche, sans tout les artifices dont pourrait se parer l'homme moderne pour se croire loin de la nature, loin de la vie, loin de la mort. Ici, tout est dans envoyé directement, c'est au contact que tout se joue. Et tout devient beau et terrible.


Un roman qui conclue en beauté la saga, nous laissant dans l'expectative pour le dernier tome, à la fois désireux de connaitre la fin de cette saga, mais aussi triste de voir la réalité en face. Ce n'est pas une saga qui connaitra un Happy End, et nous, pauvres lecteurs, nous ne pouvons que le constater. C'est une saga d'une grande force, une série qui m'a prise au coeur et m'a laissé rêveur, désireux de connaitre ce grand nord, ce pays du grand froid, mais aussi ces terres magnifiques et désertes, là où la nature est belle et terrible, où l'humain apprend à vivre. Je ne peux pas vous la déconseiller. Ca me ferait trop mal que de vous encourager à passer votre chemin. Non, lisez-le, venez découvrir le Royaume du Nord.

(Chronique n°217)

samedi 10 janvier 2015

Amarok (Bernard Clavel)



Quatrième tome, nous repartons cette fois-ci sur les routes glacées du grand nord, jusqu'au glaces de l'hiver, celles qui recouvrent jusqu'au grand océan ... Bernard Clavel continue sa traversée du temps et de l'espace aux alentours de la rivière Harricana, là où la nature est belle, et l'homme sauvage.


Résumé en trois mots : Traineaux, Chiens et Poursuite

L'histoire nous permet de retrouver des personnages du premier tome et du deuxième, avec Raoul, le coureur des bois, mais aussi Timax, le fils d'un personnage du deuxième tome. A cause d'une bagarre et d'un coup de poing, les voila obligés de partir dans le froid, en traineau, fuyant la police militaire qui les traque. Et Raoul, âgé de 65 ans, prend avec lui Amarok, le chien qui restait de son attelage. Un chien d'une fidélité hors norme.

Ce livre nous fait voyager bien plus au nord, puisque la course qui se déroule va monter jusqu'au grand océan glacial arctique, vers lequel fuient les protagonistes. C'est une plongée dans la fameuse nature sauvage, belle et puissante, dans l'hiver également, dans le froid du nord qui gèle la peau mais pas les cœurs.
Bernard Clavel nous conte ici une fuite face à l'autorité, car ces hommes perdus dans le Nord étaient loin de tout, mais parfois le gouvernement lointain se rappelle à eux. Et là, les problèmes commencent. C'est également le problème de la guerre, lointaine mais présente, qui mobilise les jeunes gens.
Mais ce roman, c'est avant tout Raoul, l'homme coureur des bois, celui qui représente l'ancien monde, lorsque l'homme courait et trappait dans les bois, celui qui n'utilisait pas le téléphone et pour qui le temps était relatif. C'est l'homme qui aime les bêtes, qui les aime au-delà des hommes. Mais c'est aussi un homme qui est attaché aux autres, qui aime sincèrement ce jeune garçon poursuivi par la police et qui cherche refuge auprès de lui, dernier représentant des hommes insoumis dans ces lieux.

Le roman nous fait la part belle aux personnages héroïques, mais humain. C'est là une qualité que Clavel ne perd jamais de vue, tout le monde est avant tout humain dans son oeuvre. Nul n'est parfait, nul n'est grand. Tous ont la même taille, la notre, celles des hommes.
Tout au long de l'histoire, cependant, l'animal sera là, avec Amarok. Le loup, en inuit, le chien de Raoul, celui qui l'accompagnera coute que coute dans son périple, jusqu'au bout du bout, à la mer arctique. Là où les glaces se forment l'hiver. Et là où finira la course effrénée de Raoul, et de Timax. Le roman marque un tournant dans la saga, puisque les premiers nous présentaient à chaque fois différents personnages qui arrivaient dans le nord et tentaient d'y vivre. Ici, le roman ne fait que reprendre les personnages existant déjà et montre le déclin de ce royaume du nord. Le temps de la construction est finie, le monde à changée de face et les personnages vont devoir s'y faire, ou se faire engloutir dans le temps. Raoul, lui, va tenter de résister. Et c'est beau.

Ce roman indique le tournant dans la saga du nord. On entrevoit maintenant la fin, qui va se dessiner, et elle ne semble pas vouloir être heureuse. L'histoire d'un homme et de son chien pourrait être banale, comme elle l'a déjà été présenté des milliers de fois, mais elle est ici insérée dans un écrin qui la rehausse. Le paysage, les personnages, la fuite de ces deux êtres perdus, le sentiment du monde qui change, la façon dont tout conduit à une fin peu heureuse, tout contribue à faire de ce roman un suspense qu'on ne lâche pas jusqu'à la dernière ligne, avide de savoir ce qu'il adviendra de nos protagonistes, mais également de voir encore ce nord, ce grand nord, froid et beau. Je ne pourrais me lasser de cette sensation de traverser les forêts du grand nord, dans cette traque impitoyable. Un tournant dans la saga, un beau roman. A lire, comme tout le reste. Pourquoi attendez-vous encore ?

(Chronique n°216)

jeudi 8 janvier 2015

Wastburg (Cedric Ferrand)

Petite lecture que je me suis offerte pour aller avec le jeu de rôle que je me suis procuré et qui attend son tour avec impatience lui aussi. Un petit roman qui est aussi assez peu connu du grand public et dont je n'avais pas du tout entendu parler auparavant. Une occasion comme une autre de se plonger dans des arcanes méconnues de la fantasy, car après tout, c'est bien de la dark fantasy que nous avons là. Et, pour un temps, je me suis perdu dans les ruelles sombres et puantes de Wastburg, moi aussi, au côté de la garde.

Résumé en trois mots : GardesViolence et Ville

Un drôle de petit roman, qui combine à la fois qualité et quelques défauts, mais qui dans l'ensemble garde une cohérence énorme et une ambiance détonante. Avec jeu de mot.
Le propos du livre n'est pas vraiment centré sur les personnages, quoique certains reviennent à intervalles réguliers dans les différents chapitres, mais ne se concentrant jamais sur un, se contentant de laisser les récits détailler la ville et sa vie, tout en nouant une légère intrigue qui se dénouera progressivement, mais sans que ce soit vraiment très marqué. 
Ce qui m'a marqué, c'est qu'outre le côté gentiment humoristique de certaines passages, dû notamment à la stupidité monumentale des protagonistes, le livre nous pond des passages bien gores et plutôt violent, tout en gardant le côté très léger et insouciant qu'il avait de base. Un mélange très curieux et presque dérangeant par certains moments.
D'autre part, les chapitres s'enchainent sans réel lien en-dehors du lieu, toujours la même ville de Wastburg, et des personnages qui se mêlent dans tout les sens avec toujours un lien avec la garde (soit en en faisant partie soit en étant en contact avec elle). C'est dans le même ordre d'idée que Un milliard de tapis de cheveux, mais sans cette question qui se pose du début à la fin. Là, on suit gentiment la vie de tout les jours dans la garde et dans la rue. Vie trépidante et toujours bien remplie. Sans parler des fêtes, des coutumes ou des idées qui naissent dans ce lieu. Car Wastburg est un lieu vraiment à part.

Bien que sans réel lien entre elle, les nouvelles forment bien un roman au final, un peu décousu certes, mais un roman tout de même, et ce roman est globalement bon. Sans être le roman du siècle, il pose un univers de dark fantasy plutôt sympathique, tout en nous montrant un monde où la magie vient de partir et qui se débrouille sans. C'est aussi des sympathiques touches d'humour, beaucoup de noirceur et une humanité à la limite de la fange, dans une ville à la moralité et à la propreté douteuses. Une incursion dans un univers amusant, et qui m'a bien plu.

Dans le genre roman sympathique et qui apporte un dépaysement, Wastburg se pose bien et nous propose une belle petite virée en ville, entre la garde dépassée et les mages disparus, dans une ambiance noire de complots en tout sens, de trafic et de voleurs, bien coincé entre deux états, oubliés des deux. C'est une incursion dans une ville médiévale sale et puante, qui est tout sauf attrayante et qui possède une histoire bien à elle. Avec un final haut en couleur. Bref, une bonne petite trouvaille, qui donne envie de lire encore un peu de fantasy, de retourner dans d'autres mondes.

(Chronique n°215)

Annonce de la roulotte

Annonce de la roulotte


Je publie peu de chronique de BD sur ce site.
Pourtant la bande-dessinée est chez moi une seconde passion derrière les livres.
Je ne pourrais dire combien cet art m'a touché ces dernières années, combien il m'a apporté.
Je suis devenu fou des BD.

Mercredi 7 janvier, il y a eu 12 morts.
Ils sont morts pour leurs dessins.

5 dessinateurs étaient parmi eux.
Jean Cabut, dit Cabu.
Georges Wolinski.
Stephane Charbonnier, dit Charb.
Philipe Honoré.
Bernard Verlhac, dit Tignous.

Ils avaient fait des BD, mais surtout des dessins de presse.
Ils étaient connus et reconnus.
Je ne peux pas dire que j'ai aimé tout ce qu'ils ont fait.
Je ne peux pas dire que j'ai détesté tout ce qu'ils ont fait non plus.
Mais je les ai admiré plus que de raisons pour leur courage.
Ils osaient parler, et c'était bien souvent pour une bonne raison.

Ils n'ont jamais demandé de violence.
Ils voulaient faire rire.

Aujourd'hui, ils me font pleurer.
Putain de connerie humaine ...






mercredi 7 janvier 2015

Les machines à Illusions (Philippe K. Dick & Ray Nelson)

Encore un ouvrage de Philip K. Dick, mais écrit cette fois-ci en collaboration avec un confrère, et que je présente ici avant de poster la chronique sur l'ouvrage Blade Runner, qui viendra très vite. Le choix de présenter celui-ci d'abord n'est pas anodin, car après la chronique sur Substance Mort, je ne voulais pas publier d'un coup toutes les critiques des grands livres de Philip K. Dick. Quand j'encense un auteur, je me plais à lire des livres moins bon et à en faire la critique autant que possible, car nul n'est parfait, et les faiblesses soulignés dans un ouvrage ne font que renforcer les forces des autres. Quand on peut faire du moins bon, la qualité devient extraordinaire, non ?


Résumé en trois mots : NoirsIllusions et Extra-terrestre


De tout les Philip K. Dick lu jusqu'à présent, je dois bien dire que cet ouvrage est le moins bon, et cela ne demande pas un grand effort de comparaison. Et je sais exactement pourquoi.
Déjà, il faut souligner le premier gros problème : ce livre date maintenant sérieusement au niveau de la thématique. En effet, ce livre repose sur la thématiques des noirs qui se battent pour leurs droits, mais c'est quelque peu éculé comme thème (en tout cas, de la façon dont c'est présenté). D'autres part, j'ai eu du mal à m'intéresser aux personnages, que j'ai vite trouvé creux et qui me semblaient peu intéressant. Le final ne m'a pas convaincu à ce niveau là non plus, et j'ai refermé le livre avec un gros : Bof.
L'histoire en elle-même est très intéressante, avec l'idée plutôt bien trouvée des machines à illusions, qui créent des armées mais sans qu'on sache si celles-ci resteront, tout comme est plutôt excellente la façon dont sont présentés les extra-terrestre. Des bonnes idées de bases donc, même si les thématiques abordées ne sont pas les plus intemporelles.
Par contre, il faut bien le dire, le bât blesse quelque part, et c'est dans le développement. Progressivement, j'ai trouvé qu'il manquait quelque chose à l'histoire, qu'il y avait un manque, l'esprit de Philip K. Dick n'était pas vraiment là, je ne ressentais pas vraiment d'ambiance. Au final, je n'ai pas eu de grande envie de connaitre la fin, qui n'est pas transcendante non plus. Que dire de plus, que ce que j'ai déjà dit ? Peut-être l'écriture à quatre mains n'a-t-elle pas contribué, ou alors les auteurs ne se sont pas autant impliqué que dans les autres livres.
Ce n'est pas foncièrement mauvais, mais c'est plutôt un livre anecdotique, dont je n'ai rien tiré (au contraire de tant d'autres de l'auteur) et qui m'a laissé un gout fade en bouche. Je ne regrette pas de l'avoir lu, mais ce n'est pas pour autant que je le conseillerais à quelqu'un.

Un roman bien dispensable, que je ne conseillerai pas vraiment pour diverses raisons. De la part de Philip K. Dick, vous avez largement mieux qui est proposé. Et de la part de l'autre auteur, je n'ai encore rien lu, et j'espère lire mieux. Un roman qui peut se lire, quand on a vraiment plus rien d'autres, sinon je vous recommande de passer allègrement votre chemin et de vous rabattre sur d'autres livres de science-fiction bien plus intéressant.

(Chronique n°214)

dimanche 4 janvier 2015

Sunk (Fabrice Colin & David Calvo)

Ce livre est … étrange. Je l'ai eu d'un ami qui l'a lu et ne l'a pas du tout aimé. Je dois avouer, ce n'est pas le genre de livre qu'on pourrait qualifier de conventionnel. Il l'avait trouvé aux Immaginales (là où j'ai pris Atomic Bomb) et me l'a donné peu de temps après. Alors, c'est vrai, le style de David Calvo et de Fabrice Colin mélangé est détonnant, peu classique et très obscur, mélangeant plein de choses, et qui semble toujours être sorti de l'imagination d'un dément pour n'atterrir nul part en s'égarant au passage dans tout les recoins de la santé mentale déficiente. Sans même parler d'une morale (qui existerait peut-être) ou d'une leçon à en tirer, ou simplement d'un but. Bref, un gros morceau de foutraque sorti de nul part et en partance pour n'importe où avec arrêt régulier sur la case absurdité. Avouez, ce n'est pas ce qu'il y a de plus vendeur.


Résumé en trois mots : Ile, Déjanté et Absurde

Ce livre est … Inclassable n'est pas le mot. Incompréhensible non plus, même si il y a de l'idée. Foutraque s'en approche déjà plus. Peut-être : Illogique. Oui, c'est ça. Ce livre défie la logique et le bon sens même. Il s'agit là d'un livre qui se moque de tout et de tout le monde, jusqu'au lecteur qui ressort de sa lecture avec des questions plein la tête, dont une qui brille plus fort que tout : « Qu'est-ce que pourquoi de quoi ? ». Disons que le livre est dans le même ordre d'idée.
Je ne pourrais pas vraiment vous décrire ce livre, complètement égaré. Une histoire d'île qui coule (ou de mer qui monte ?), de deux frères et de gens qui tentent de se sauver de cette catastrophe. Ah oui, et aussi d'un mec immortel, de canards, de machine à laver, de picon bière, de sémaphore, de … De quoi ? Oui, j'en perdrais mon latin et mon français avec.
Faut bien l'avouer, dès le début, je présentais que je n'allais pas y comprendre grand chose, car tout est en dehors de la logique et de la raison. Je vous dirais volontiers qu'il s'agit d'un délire de la part des deux auteurs, mais le pire est qu'il ne s'agit même pas de ça ! C'est juste un livre qui est totalement inaccessible mais qui se paye le luxe d'une histoire douteuse et de propositions dignes de trips sous LSD d'un toxicomane accro à l'extasy et à la cocaïne. Avec une note de couleur, genre impressionniste vu au kaléidoscope.
Et le pire, c'est qu'il semble y avoir une cohérence ! Comme si je voyais quelque objet en cinq dimensions, moi qui suis limité par mes trois. Alors certes, il doit y avoir une façon de comprendre ce livre, mais je ne l'ai pas du tout trouvé. Et croyez-moi, je ne la trouverais sans doute jamais.

Ce livre … Je ne peux pas le déconseiller, et encore moins le conseiller. C'est … quelque chose, un OVNI littéraire tel qu'on a encore jamais vu. Cohérent dans son incohérence, incompréhensible bien que facile à lire, complètement déjanté et tragique, ce livre est tout sauf un livre qu'on arrive à comprendre. Rien de logique, rien de cohérent. Et pourtant je ne peux pas dire que je n'ai pas aimé. De façon extrêmement simple, je ne l'ai absolument pas compris. Il restera sans doute pour moi la lecture la lecture la plus mystérieuse de celles dont je me rappelle. C'est le genre que j'aimerai comprendre, mais le livre n'en laisse pas la moindre possibilité. A lire si ça vous tente. Je ne saurais vous dire ce qu'il faut en tirer, en attendre et encore moins en comprendre.

(Chronique n°213)

samedi 3 janvier 2015

Substance Mort (Philippe K. Dick)

Il est de certains livres comme de certaines drogues, on veut en reprendre toujours un peu plus, mais au final, la dose de drogue qu'on aura absorbé en premier sera toujours la plus forte et la plus intense, en s'y replongeant on n'y retrouvera jamais le trip d'origine, celui qui nous a fait planer jusqu'au delà des sphères du tangible et du réel. C'est quelque chose qu'on ne peut décrire, qu'on ne peut expliquer, ce qu'on a vécu, on ne peut que se le rappeler dans tout son corps, dans tout son esprit. Et ensuite, essayer de le décrire, c'est encore plus difficile.
Philip K. Dick est un de ces auteurs là, qui vous laisse un gout en bouche au final, qui ne vous laisse qu'une envie, celle de replonger dans un de ses livres au plus vite. Comment pourrais-je vous en parler ensuite ?


Résumé en trois mots : Drogue, Police et Réalité

Philip K. Dick est un personnage vraiment à part dans la science-fiction. Il aurait vécu au XIXème siècle, il aurait eu l'âme d'un Baudelaire opiomane, ou de ces écrivains qui dissèquent les vicissitudes de l'âme humaine. Car oui, l'âme humaine est remplie de tourments et de changements. L'âme humaine est loin de la stabilité.
Car encore une fois, c'est des interrogations métaphysiques qui viennent se greffer sur un roman de science-fiction qui n'a en soi rien de banal. Il est clair que Philip K. Dick est un auteur majestueux, qui possède des dons d'écriture et d'invention remarquable, mais qui possède en outre une capacité à glisser de la philosophie partout. Ce roman est encore une fois la démonstration magistrale de cet auteur pourri de talent.

Ce qui est fascinant, c'est qu'après plusieurs histoires de Philipe K Dick, je retrouve encore cet inventivité débordante que j'avais déjà noté dans ses autres ouvrages. Je pourrais juste lui reprocher l'absence de personnages féminins, la plupart des romans n'en contenant véritablement qu'un seul, mais dans un grand rôle, ce roman ne fait pas exception. Pour le reste, nous retrouvons des personnages torturés, qui se posent de multiples questions et qui sont toujours dans le doute quant à ce qu'ils vivent, ce qu'ils sont et quel est le vrai autour d'eux. Là encore, nous retrouvons des thématiques liées à la drogue, mais plus directement encore que celles de Le dieu venu du Centaure, puisque c'est vraiment l'infiltration des milieux de la drogue par la police qui est au coeur du livre. Et s'ajoute également la thématique autour de la double personnalité, puisque le policier infiltré commence à avoir des problèmes entre ses deux vies mêlées, tout en parlant également du moment où la drogue rend les camés flippés. Quand la drogue t'as eu, comme elle en a eu d'autre ...

Ce serait impossible de décrire tout les sujets du livre, tant il y en a, entre univers de la drogue et vies ratés, amour et haine, personnages en tout genre, ajouts de science-fiction et univers policier ... Mais le plus impressionnant à mon avis, et encore une fois, c'est la façon dont Philip K. Dick nous sort un final en beauté. Comprenez par là qu'il va non seulement vous remettre en cause ce que vous saviez auparavant, vous dévoiler quelque chose que vous ne pensiez pas, mais se permettre en sus, par une phrase presque anodine, vous glisser une réflexion morale et profonde sur la drogue, bien loin des clichés qu'on pourrait avoir. En soi, la fin m'a rappelé un autre livre (que je ne citerais pas pour ne pas vous spoiler ce magnifique twist) et j'ai été sur le cul au niveau de la réflexion, mais surtout quand j'ai compris le véritable titre du livre (qui devient, du coup, un titre sujet à de nombreuses interprétations).
Dois-je vraiment finir en disant à quel point l'histoire est impeccable, en suivant ce pauvre policier qui se perd dans sa vie et bientôt dans sa tête à devoir se poursuivre lui-même et à essayer de ne pas finir fou ? Ce serait en rajouter pour pas grand chose.


Dans les livres de cet auteur, je placerais Substance Mort dans le haut du panier, et même dans le top 3 directement. De ce que j'ai lu, on y retrouve le foisonnement d'interrogation et de sujets que j'affectionne tant, l'histoire qui tient la route d'un bout à l'autre et qui sait se jouer de nous en prenant des directions que l'on ne voudrait pas voir prises. Mais la réalité est cruelle, comme nous la rappelle la dédicace finale, et le monde de la drogue est bien plus dur qu'on ne voudrait nous le faire croire. Surtout quand on songe à ce qui est dit à la fin. Une façon de boucler la boucle qui est glaçante mais tellement ouverte aux interrogations. Un must-have à lire. Pour l'instant, je le considère dans mon coeur comme l'un des meilleurs de Philip K. Dick, et je pense bien ne pas finir là-dessus avec cet auteur. J'aborde seulement les grands ouvrages de lui, et je crois que je vais plonger le plus profond possible. Lisez-le, lisez-le, lisez-le. Ce sont les trois seuls conseils que je peux vous donner à son propos.

(Chronique n°212)