lundi 24 juin 2013

Les 40ème délirants (Raymond Devos)

Une chose assez courante en littérature, c'est la catégorisation d'un livre dans un style bien défini et que l'on cherche à distinguer du reste. Ce qui souvent absurde, car un livre reste avant tout un message, comme n'importe quelle expression artistique. On veut dire quelque chose, on le dit via un moyen qui parlera plus que la simple parole normale. On peut broder des textes, ou les simplifier, écrire,  chanter, jouer, peindre, sculpter, bâtir ...
Et parfois, on ne sait pas trop dans quelle catégorie il faut ranger ce que l'on a à dire. Alors c'est le moment du mélange de plusieurs choses. On mélange des styles, des effets, des arts, et le final est alors plus déroutant que l'on pourrait croire. C'est, mesdames et messieurs, un roman de ce genre que je vous propose aujourd'hui, rapidement. Un beau roman. Les 40ème délirants de Devos.


Résumé en trois mots : Absurde, Poétique et Jeux de mots

Devos, je pense que c'est mon comique préféré. Il sait manier à merveille le mot et le verbe, accommoder la langue, l'humour, la poésie et la grande tradition du mime, du clown et simplement de la musique. Ses spectacles sont un régals car un peu fourre-tout, sans que l'on puisse deviner la suite, sans que l'on sache ce qu'il va encore trouver pour nous émerveiller. Je suis toujours plié de rire à chacun de ses sketchs, et je suis aussi émerveillé, étonné, sidéré, fasciné par cet homme qui sait combiner tant de talents dans divers domaines au même moment au même endroit pour juste nous faire rire, sourire, ou simplement passer un moment agréable. Je crois que dans le genre, il excelle. Il prenait plaisir à faire rire son public, et cela se ressent. Un artiste que j'adore.

Quand je vois un livre d'un homme génial et qui sait marier les mots, je ne réfléchis pas trop longtemps et je me jette dessus. Lorsqu'on me dit que Devos à écrit des livres (j'ai découvert cela très récemment), je me jette dessus sans le moindre temps de réflexion. Et me voila possesseur d'un petit livre en format de poche, au titre rêveur, à la couverture qui attire l'oeil et me donne envie de le lire. Que me faut-il de plus pour ouvrir ? Je me précipite dessus et le dévore en moins de une heure. Encore dans le livre, je m'assois pour écrire cette chronique.

Ce livre est très court. Mais d'une certaine façon, il est très lent. L'histoire est tellement absurde de base. Un homme, mime-parlant, est entrainé par un autre homme pour aller dans les contrées de l'imaginaire. Ce mime, appelé Max, va rentrer dans un désert par son imagination, mais se retrouve coincé lorsqu'une tempête se déclenche. Et le voila prisonnier d'un monde au-delà de l'imaginaire ! Coincé sur une île, peuplée de fous, ou de personnes ayant dépassés les limites de l'imagination, et qui vont essayer de retourner dans le monde réel.

Ce spitch peut laisser songeur, mais il est un prétexte à une successions de petits chapitres qui vont découper le livre en autant de petits sketchs, chacun à sa manière amusant. Ils sont tous originaux, ils sont tous drôles, chacun à au moins un jeu de mots et tous ont du rêve, de la poésie et de l'imagination à revendre. En un roman, Devos nous livre assez d'idées pour faire deux milles romans. Dans le genre, il me rappelle fortement Boris Vian et son univers décalé. Sauf que Boris Vian faisait une satyre de la société, alors que Devos s'évade dans des contrées complètement lointaines, sans plus aucun liens avec la terre (alors qu'elle s'en attache à chaque paragraphe), dans un monde où l'imaginaire lui-même est dépassé. Nous voila dans une île, près du 40ème délirant, proche du 40ème rugissant. Avec des fous.

Si j'ai adoré ce roman (et je l'ai vraiment adoré), c'est pour son style. La patte de Devos se ressent très fortement, au point qu'on pourrait l'entendre nous le lire. Je suis sur qu'en lecture orale, ce livre aurait un succès incroyable. Il est drôle d'un bout à l'autre, inventif, sans perdre pour autant une structure narrative, il contient des milliers d'idées qui bouillonnent en tout sens sans jamais se perdre ni s'arrêter, il vous fait passer par tout ce qu'on peut imaginer. Et voila que nous avons aussi le droit à des grands personnages, un air de Duke Ellington et bien d'autres choses qui nous font voyager agréablement. Ce roman pose une ambiance qu'on ne lâche plus et dans laquelle toutes les folies sont permises. Ne cherchons pas à comprendre, allons de l'avant simplement. Et sans attaches ! L'introduction est en ce sens parlante. Je vais la mettre ensuite.


Devos signe un superbe livre, totalement en accord avec ce qu'on connait de lui sur scène. Il nous livre un ouvrage décalé, sans que l'on puisse le catégoriser dans un genre précis. C'est drôle, c'est frais, c'est neuf, c'est décalé, c'est inventif. Je pourrais le couvrir d'éloge des heures durant. C'est court et vite lu, c'est très facile à relire, on retrouvera beaucoup de détails qui nous ont échappés lors de la première lecture. Les perles sont légions, tout est bon. Je suis charmé, au-delà de ce que je pensais. A lire ? Oui, si vous aimez Devos. Sinon, passez votre chemin, imperméable à ce style unique au monde. Il nous faut aimer la belle langue, la fantaisie d'esprit et l'imagination. C'est du Boris Vian sans critique sociale mais avec encore plus d'humour et de bon mots. J'aime les deux. J'ai aimé Devos. Je vous le recommande.

(Chronique n°54)


Lisez-moi cette introduction :


Au-delà de l'imaginaire

Ceci n'est pas un roman.
C'est un récit .... rocambolesque.
Le récit d'un voyage dans l'imaginaire,
c'est-à-dire qui ne répond pas aux lois du réel.
Pas d'horaires .... ni d'avance, ni de retard !
On part quand on veut.
On ne revient pas à l'heure dite.
Personne ne vous attend au pied
de la grande horloge.
Aucun décalage horaire.
Aucun train ne vous siffle.
L'esprit suit son chemin, vagabonde ...
sans carte ni boussole,
ce qui n'empêche (n'exclut)
ni les sentiments, ni les drames ...
ni ... d'en rire ...
si l'envie vous en prend.

                                 Max.

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