lundi 29 juin 2015

La voie martienne (Isaac Asimov)

J'avais complètement oublié cette chronique que je me devais de faire sur l'auteur que j'ai le plus lu pour l'instant depuis l'ouverture de la roulotte, l'excellent, l'admirable, l'extraordinaire Isaac Asimov, génie reconnu et admirable de la science-fiction. Je répare donc cette erreur, avec ce nouveau tome qui présente encore une fois des nouvelles de ce géant de la littérature.


Résumé en trois mots : Autres mondes, Espace et Enquête

Le recueil est très court, et ne comporte en tout que quatre nouvelles différentes, assez longues. Bien que ce soit plusieurs styles différents, on retrouve totalement le Asimov que nous connaissons bien, avec un côté polar très marqué, une minutie dans ses enquêtes et des précisions scientifiques, mais également avec les préoccupations habituelles, notamment le devenir de l’humanité, la transformation de l’humain au contact de la technologie et d’autres mondes, tout en suivant l’habituel humour dont il sait nous régaler à chaque fois.

La première, qui donne son nom au recueil, est sans doute la plus intéressante, avec une narration qui change un peu de ce que j’avais l’habitude de lire de sa part, tout en proposant une image très forte autour de l’humanité, pas forcément à son avantage d’ailleurs. Par contre, la façon d’envisager la nouvelle laisse songeur sur des possibles développements extra-terrestre. Encore une fois, un avenir qui laisse songeur, et qui m’interpelle sur notre conduite en tant que société humaine. En lisant ce genre de nouvelles, je me dis que si plus de gens acceptaient de lire de la science-fiction de ce style, le monde pourrait être bien plus agréable à vivre.

Dans l’ensemble, les autres nouvelles sont bonnes sans être remarquablement notables. Une enquête, une nouvelle humoristique dont la chute m’a surpris, et pour le reste c’est de la forme tel qu’Asimov nous a déjà présenté. Ni meilleur, ni moins bon. Le désavantage, c’est qu’après tant de lecture de ses nouvelles, ça ne renouvelle pas fondamentalement le genre, et j’ai parfois un peu l’impression de moins me laisser porter que d’habitude. Le renouvellement manque un peu, mais en même temps je rattrape toutes ses nouvelles de jeunesse, et je dois bien dire que c’est dans les écrits plus tardifs que j’ai noté tout le potentiel d’Asimov.


Un recueil de nouvelles très bon, comme d’habitude avec cet auteur, mais qui ne propose pas de renouvellement important de la part de l’auteur. Si vous n’avez pas encore lu de Asimov, c’est peut-être un bon moyen pour découvrir le style et l’auteur, en picorant un peu de ses différents styles, mais si vous êtes un fervent lecteur déjà bien accro à ses nouvelles, le recueil ne semble pas indispensable comme peuvent l’être d’autres. A lire, certes, mais pas un indispensable.

(Chronique n°287)

vendredi 26 juin 2015

Fantômes et farfouilles (Fredric Brown)

J’avais déjà eu l’occasion de lire deux livres de Frédéric Brown, et cet auteur m’avait beaucoup plu par sa patte très subtile dans la science-fiction, usant de codes ultra-classique du genre pour mieux les détourner au profit d’un humour détonnant et rudement efficace. Ce recueil m’intéressait donc, comme tant d’autres livres, mais c’est une amie qui m’a donné envie de le lire en me le conseillant très fortement. Suite à quoi je suis tombé dessus dans les bacs d’occasions (stand maudit, tu auras ma peau !), et l’achat s’est fait juste avant la lecture, qui fut d’une rapidité étonnante.


Résumé en trois mots : Nouvelles, Humour et Tragique

Cet auteur n’est pas seulement un champion de l’humour et de la 
nouvelle, c’est également un auteur incroyable dans l’art de la micro-nouvelle, genre de nouvelles n’excédant jamais une page et demi, voir deux maximum (format de poche). Un genre de texte qui s’apparente presque à la blague à chute, tant la concision est de mise pour obtenir un effet percutant. Et, curieusement, ça marche du tonnerre !

L’auteur est excellent, car ses micro-nouvelles s’enchainent par dizaines sans qu’on ne lâche un seul instant de ces petites histoires rapides dont la chute et mordante, et bien souvent très drôle. Mais pas que. Là où l’auteur fait encore plus fort (et l’éditeur en les compilant de cette manière), c’est que lorsque vous lisez le texte, les nouvelles humoristiques sont espacés de temps à autre par des nouvelles au ton bien plus tragiques. Cependant, alors que le style ne change pas, on ne se rend pas compte de la différence tant que la nouvelle ne parvient pas à son terme. Et c’est là un art subtil et délicat  qui est exécuté d’une main de maitre. L’auteur nous entraine à chaque fois dans un petit moment de vie, sans qu’on ne se doute d’une fin amusante ou tragique, la chute seulement pouvant nous éclairer. Et c’est sublime, car lorsque l’on tombe dans le piège, on croit avoir compris le truc. Mais rien n’y fait, l’auteur nous surprend à nouveau au détour d’une nouvelle.

J’ai adoré cette forme de nouvelle, très très courte, mais appétissante, comme une petite sucrerie entre deux repas de livres. La lecture fut plaisante et d’une vitesse hallucinante, le style aidant beaucoup. C’est toujours agréable de lire ce genre de choses, de temps en temps, pour se poser gentiment, déguster deux trois pages et repartir sur un livre plus conséquent ensuite. Une pause agréable, dans un univers d’une drôlerie implacable, avec un auteur que je commence à apprécier de plus en plus. Sans aller jusqu’a chercher de nouveaux ouvrages de sa part, je serais ravi de tomber à nouveau sur lui au détour d’un rayon d’occasion !



Excellent livre, excellent style, excellent humour. C’est un recueil parfait, comme j’aimerai pouvoir en lire plus, bourré de talent et d’inventivité, où l’auteur laisse libre cours à son imagination fertile pour nous pondre humour et policier dans un style vif et incisif. Pas un bout de gras jusqu’au final tranchant, et c’est si bon à déguster. Je recommande à tout le monde, car Frederic Brown est un auteur à découvrir, et ce recueil est vraiment excellent.

(Chronique n°286)

lundi 22 juin 2015

Blanche Neige Rouge Sang (Collectif)

J’ai acheté ce livre pour diverses raisons, mais notamment parce que le nom de Terri Windling sur la couverture me faisait des oeillades très franches, elle qui avait su m’émerveiller avec son superbe L’épouse de bois, pour lequel j’ai toujours un gros coup de coeur dans le thème de la fantasy contemporaine. Du coup, je voulais découvrir cet ouvrage qu’elle avait contribué à écrire, bien qu’elle ne soit auteur d’aucune des nouvelles présentées ici. Mais bon, cela n’empêchait pas de le ire. D’autre part, j’apprécie énormément les contes (et les légendes, et les histoires qu’on se raconte autour d’un feu ou d’un verre, le soir, entre personnes de bon gout), et je voulais découvrir ces contes repris pour adultes de nos jours. L’idée me paraissait excellente, et je savais en outre que le sujet intéressait une amie. Donc je me suis laissé aller, et j’ai eu le livre en main bien vite.


Résumé en trois mots : Contes, Adultes et Trash

Il n’y a pas à dire, l’univers des contes, c’est bien violent. De base, la plupart des contes que nous connaissons ont été édulcorés par rapport à leurs versions d’origine, qui est plus rude, violente et impitoyable. Mais les contes contiennent beaucoup de choses, tout, pour ainsi dire, et c’est agréable de lire ici des adultes écrivant leurs propres versions des contes à destination d’autres adultes. Qu’on se le dise une fois pour toute : le conte est fait pour les enfants, le conte est fait pour les adultes. Et chacun y trouve ce qu’il veut. Alors arrêtons avec ces contes roses et sucrés à la Disney.

Ceci étant dit, je n’ai pas été subjugué par ma lecture. Si celle-ci fut très intéressante et ne m’a foncièrement pas déplue, je n’ai pas été autant émerveillé que je m’y attendais. Les reprises de contes proposées sont efficaces, mais sur l’ensemble, aucun ne m’a paru transcendant, et la plupart se contentent de reprendre le conte de manière efficace et adulte, sans ajouter de grain de sel qui fasse toute l’alchimie. J’ai d’ailleurs été étonné de lire le nom de Neil Gaiman sur la couverture, mais la nouvelle présente ici était déjà dans le recueil Miroirs et fumée, ce qui m’a gâché le plaisir de retrouver cet auteur.

Dans l’ensemble, si les contes sont très bien repris (notamment une reprise de Rapunzel et une autre du Petit Chaperon Rouge qui m’ont bien plu), rien n’est foncièrement neuf, et les préfaces me laissaient envisager d’autres contes, des reprises qui proposeraient des contes nouveaux utilisant les archétypes qu’on retrouve dans cette fameuse marmite bouillonnante des contes. C’est dommage, car j’aurai bien aimé lire quelque chose de neuf.

En tant que tel, je crois que j’ai été déçu de ne pas relire des coups de génie comme a su le faire Gaiman dans son recueil Miroirs et fumée, qui proposait une relecture d’un conte où le sens se trouvait inversé, ce que j’appréciais beaucoup plus. Là, j’ai l’impression que les auteurs ont voulu trop bien faire, et le résultat me semble assez lisse au final. C’est propre, presque trop gentil malgré des reprises parfois trash des contes d’origine. Mais rien qui ne secoue véritablement, et c’est dommage.


Un recueil dont j’attendais trop, sans doute, et qui n’a pas su combler toutes mes attentes. Je ne regrette pas ma lecture, et plusieurs contes ont retenus mon attention, mais aucun ne m’a véritablement plu au point que le recueil me marque. C’est dommage, même si cela n’empêche pas le recueil d’être bon. C’est d’ailleurs toujours sympathique de pouvoir lire des nouvelles d’auteur qu’on ne connait pas forcément, mais je reste sur ma faim, et le sentiment final est un peu trop marqué pour que je puisse vraiment le conseiller. Tout au plus ne vous le déconseillerais-je pas, sans aller jusqu’à dire que sa lecture est très fortement conseillée. Bref, à vous de vous faire votre propre avis sur l’intérêt ou non de lire ce genre de livres, mais ne fondez pas trop d’espoir, de peur d’être déçu vous aussi.

(Chronique n°285)

mercredi 17 juin 2015

Angels in America (Tony Kushner)

Avant de commencer sa lecture, ce livre avait déjà un passé pour moi. Ca a commencé quand un professeur m’en a parlé. Puis lorsque je me suis retrouvé à jouer une scène du premier acte. Puis lorsqu’on me parla de la série télé (plusieurs fois). Ensuite lorsque l’une de mes amies l’a acheté pour le lire et rejouer la scène. Enfin lorsque je l’ai moi-même acheté pour le lire. Plusieurs mois avant sa lecture, j’avais déjà quelque chose qui m’attirais vers ce livre, un petit je-ne-sais-quoi. Un truc à découvrir dedans. Et enfin je l’ai lu.



Résumé en trois mots : Gays, Amérique et Amour

Cette pièce est incroyable, et je serais bien en peine de tenter de vous la résumer, de vous la décrire, ou même d’essayer de vous expliquer ce qu’il y aurait à en comprendre. Trop de choses peuvent être dites dessus. J’en ai surement laissé échapper plus de la moitié, et pourtant je vais essayer d’en parler. Mais je sais déjà que je relirais cette pièce pour essayer d’en tirer encore plus.

C’est une pièce sur les amours, de plusieurs personnes qui se connaissent ou se croisent dans New-York, à la fin de l’année 1985 et au début de l’année 1986. Une Amérique qui n’est palus innocente, tout comme les personnages qui y vivent, entre Reagan, juristes sans honneur et SIDA. Avec, par dessus le tout, des Anges. Qui viennent chercher le Prophète, et qui expliquent la vérité  : Dieu a déserté.


Cette pièce pourrait être l’exemple type du genre que je déteste. Avec une flopée de thèmes qui ne me concernent pas ou que je ne suis pas à même de comprendre, et de très nombreuses allusions religieuses que je pourrais trouver inintéressante. Mais c’est exactement le contraire qui est arrivé. Car l’auteur sait jongler entre tout ces thèmes pour qu’on s’attache à ces personnages perdus, à ces souffrances pour tous et à ces questionnements existentiels permanents. Et les croyances vont bon train en tout sens. En dieu, en un parti politique, en l’amour ou en l’autre, tout le monde croit dans quelque chose et tente de s’y accrocher, alors que les illusions se perdent toutes. Comme une Amérique qui arrête de s’abuser.

Cette pièce est émouvante, vraiment belle, et contient en elle beaucoup de réflexions. C’est une peinture acide de l’homme, de la femme et de la société, particulièrement celle des USA, mais ce n’est pas pour autant que l’espoir n’est pas permis. Rien n’es définitif, et tout va évoluer, en bien ou en mal, selon ce qu’on aura préparé avant. Et à  ce niveau là, la pièce se conclue d’une très belle façon.

J’ai vraiment adoré ma lecture, émouvante et prenante (malgré sa taille la pièce se lit très vite), avec de si beaux passages, entre rêve et visions, tout en amenant des réflexions et des questionnements plus qu’intéressant. Le tout enrobé d’un style magnifique (la traduction est d’ailleurs très belle, bravo au traducteur !) qui envoute dès les premières scènes.


Une pièce toute en beauté et qui éclate à la gueule sans qu’on ne voie rien venir. Entre beauté et douleur, c’est un portrait des personnages magnifiques, qu’on aime suivre dans leurs souffrances, leurs vies et leurs morts. Jusqu’au bout, je n’ai pas pu lâcher, et je suis maintenant ravi de cette lecture que j’attendais avec beaucoup d’impatience. De tels morceaux de littérature, ça doit se lire, se dévorer sans attendre. Et je serais ravi de pouvoir découvrir à présent la série qui en a découlée. Pour peu que vous soyez facilement touché par une pièce, lisez-là, elle en vaut la peine.

(Chronique n°284)

lundi 15 juin 2015

Le siècle (Ken Follet)

5 h 10 du matin, je repose le dernier tome, je viens de le finir d’une traite.



Et ce soir, je viens de le finir, et de conclure la trilogie du siècle.
Cette saga est extraordinaire. J’adorais déjà l’auteur, mais j’ai été subjugué ici par son talent. Un rien transforme l’oeuvre en un chef-d’oeuvre, avec tant de belles choses, de belles histoires, un talent pour nous compter la vie dans l’Histoire, celle qu’on croit connaitre et qui se révèle toujours plus complexe.


1.200 pages, une semaine de lecture étalée, et j’ai décoré les 400 dernières comme un rien.
Il le fallait.
Je lis rarement des séries sur le vif, et souvent j’attends que de nombreux tomes soient sortis pour commencer à lire.
Pas cette fois-ci. Le nom de Ken Follet m’a suffit, et j’ai acheté le premier tome lors de sa sortie, en 2010, sans même me poser de question. Après ma lecture, je me suis rué sur le second tome l’année suivante sans réfléchir plus avant.

Et le troisième tome, sorti en 2014. Mais la situation n’était pas propice, je l’ai gardé pendant près de neuf mois. La gestation humaine, au final.

Je ne saurais que trop vous en dire, et je reconnais beaucoup de défauts à cette oeuvre.

Je peux même en citer immédiatement : des histoires d’amour très -trop- romantique, des hasards parfois trop artificiels, beaucoup de passages à vide, beaucoup de sélections de moments, ….

Mais putain, ce que j’ai aimé. Et cela faisait vraiment un long moment que je n’avais pas eu cette sensation au sortir d’un livre. Cette émotion qui m’a transporté et qui m’a arraché des larmes sans que je le veuille. Car ce livre m’a ému comme rarement.

C’est l’histoire du siècle dernier, de ce fameux XXème siècle, celui de toutes les guerres, et c’est l’histoire de cette trilogie. La première guerre mondiale, la deuxième guerre mondiale, la guerre froide. Mais du point de vue de plusieurs familles, américaines, anglaises, russes, allemandes.

C’est aussi des histoires de familles qui s’entremêlent, des histoire de conflit et de politique, la naissance de nations et d’idéologies, l’apparition de tant de choses que ce ne sera jamais possible de le faire tenir en trois volumes.

Ken Follet a essayé de nous transmettre ce qu’est véritablement ce siècle. Par trois génération successives, trois générations qui bâtissent progressivement le siècle qui m’a vu naitre.

C’est la première fois en lisant un récit de ce genre que je ressens vraiment le déroulement de ce siècle. C’est une histoire tellement proche, et qui parait tellement lointaine pourtant, une histoire qui est celle qui a conduit jusqu’à nous. C’était hier, c’était récent. Dans le dernier tome, les enfants qui naissent sont mes parents. C’était si proche !

Et pourtant, je ressens une telle frustration au sortir de ce troisième tome ! J’aurais tant voulu plus ! Plus sur le Vietnam, sur les années quatre-vingt, sur les années soixante-dix aussi ! J’aurais voulu connaitre la suite, ce qu’il advient ensuite de toutes ces personnes, de leurs vies et de leurs amours, de leurs peurs, de leurs deuils ! Je voudrais ne pas les quitter, moi qui les ai suivi sur plus de 80 ans racontés, 5 ans vécus, plus de 2.000 pages lues ! Et pourtant ce n’est pas assez, j’aurais tant voulu plus.

Mais l’auteur à su s’arrêter. Il a su adapter son rythme, et le temps file, les années prennent de moins en moins de place, le monde devient plus complexe et les gens le traversent sans s’en rendre compte. Lorsque le livre se finit, c’est comme s’arrêter brutalement dans une course qu’on a démarré doucement pour finir sur un sprint. Et là, il faut souffler, s’étirer, et petit à petit revenir à notre présent. C’est douloureux, mais j’ai aimé cette course.

Je m’attendais à quelque chose de grandiose pour le final, j’attendais beaucoup de cette série, et je n’ai pas été déçu. La forme et le fond s’harmonise, les liens se tissent et s’emmêlent, les histoires se font et se défont, tout finit par aboutir au présent, sans trêve ni repos. C’est le genre de livre sans happy end, qui nous demande de prendre tout sans réfléchir. Faites-en ce que vous voulez, tirez-en vos conclusions, l’auteur à dit ce qu’il avait à dire. Et je l’ai entendu.


Une saga dans ce genre, je ne pense pas en lire régulièrement. Si bon, si beau, si puissant, c’est du génie. Ken Follet m’a époustouflé, au point que j’en suis encore sous le choc. Les mots me manqueraient pour vous dire combien j’ai aimé cette saga qui est loin d’être parfaite, qui contient de nombreuses erreurs, des facilités qui arrangent tout le monde, des manque, mais qui m’a pris au tripes et que j’ai suivi avec un intérêt énorme tout au long de ces années. C’est le genre de saga qui me marque, et que j’adore lire. J’en voudrais tellement plus, juste un peu, encore un morceau ….

(Chronique n°283)

jeudi 11 juin 2015

Hamlet - Othello - MacBeth (Shakespeare)

Enfin, enfin, enfin j'ai lu ces trois pièces de Shakespeare ! Enfin j'ai lu ces fameuses pièces légendaires qui sont la base même de cet auteur grandiose, adulé et encore joué tout les jours, cet homme qui a défini la littérature anglaise auquel il a désormais donné son nom. Aujourd'hui, à l'instar de la langue de Molière, la langue anglaise est devenue la langue de Shakespeare. Alors en tant que grand lecteur, je me devais de lire au moins une fois dans ma vie des pièces de cet auteur, et ajouter ce glorieux nom à la longue liste qui parsème les étagères de la fière et vaillante roulotte.
Aujourd'hui, camarade, Shakespeare entre dans la roulotte aux livres !


Résumé en trois mots : Tragédies, Familles et Vengeance

Je crois qu'on ne peut pas mieux résumer ces trois pièces qu'en disant qu'il s'agit de trois tragédies de familles, et que la vengeance est le thème centrale des trois oeuvres. Si j'avais déjà eu l'occasion de lire Hamlet dans une autre anthologie, les autres étaient pour moi complètement inconnus et je ne connaissais que de nom avec quelques petites informations sur leurs déroulement. En fait, je dois dire que la plus grosse source d'information que j'ai eu sur MacBeth venait de Trois soeurcières, qui m'a permis de prendre conscience du potentiel que je ratais.

Le point que je retrouve dans ces deux pièces et qui m'avait déjà percuté dans les trois autres pièces que j'ai lu de l'auteur, c'est la propension aux histoires fortes. MacBeth tout comme Othello proposent des thèmes fort et des histoires qui sont dramatiques, aux enjeux colossaux. Entre la destruction d'un couple et de la vie d'une personne dans Othello à la vie que va s'imposer MacBeth pour donner raison à une prophétie entendue, ce sont toutes les vies des protagonistes qui sont remises en cause dans des périodes de trouble, et puisque le drame et là, il y aura des morts.

Ces deux pièces sont passionnantes à lire, à la fois pour leurs procédés dramatiques qui sont fatalistes, là fin nous étant courue d'avance, mais surtout parce que les personnages sont sublimes. Othello doit tout, à mes yeux, au personnage de Iago qui donne tout le sel à la pièce, éclipsant même le personnage principal qui donne son nom à la pièce ! De même, MacBeth et sa femme sont passionnant à découvrir, parce qu'il sont conduits par un oracle sans se reposer une seule seconde sur leur bon sens, conduisant tout un peuple à la ruine. C'est beau et puissant, mais également pathétique et parfois même ridicule, mais de celui qui tue au final.

Deux pièces extraordinaires, que j'ai pris un grand plaisir à lire. Shakespeare m'a étonné encore une fois, et je serais ravi de pouvoir lire à présent ses fameuses comédie qui m'ont l'air du même acabit. C'est toujours enrichissant, autant sur les personnages que les situations, les dialogues et les dénouements. Tragique, certes, mais grandiose et épique également. La traduction n'enlève rien au charme et je comprend maintenant l'accueil qui est réservé aux oeuvres de Shakespeare en temps normal. C'est effectivement un genre de littérature qu'il faut avoir lu un jour dans sa vie, car elle marque et l'on se rend compte à la lecture la dimension de l'auteur. Un géant, qui compte de si passionnantes histoires.

(Chronique n°282)

mardi 9 juin 2015

Les enfants de Dune (Frank Herbert)

Ce tome fut plus dur à lire que le précédent, mais lors de celle-ci je fus gagné par la certitude que Frank Herbert est véritablement un génie, et je pèse mes mots. Ce livre est ardu à lire, c'est d'une difficulté supérieur à la moyenne, mais pour autant on peut parfaitement suivre si l'on s'accroche un tout petit peu. Et c'est ça qui est fabuleux, car la saga de Dune se poursuit sans trêve ni repos avec ses personnages changeants, ses situations imprévisibles et tout le génie de Frank Herbert planant sur les pages qu'il a rédigé.


Résumé en trois mots : Intrigues, Ecologie et Pouvoir

Ce tome continue le précédent, en se promettant dix ans plus tard, avec les personnages que nous connaissions déjà mais qui ont évolués par rapport aux derniers événement. Et la situation a encore évolué, bien évidemment. Et c'est là que se situe déjà le talent de l'auteur.

Ce tome s'ouvre sur des changements radicaux entre les personnages, qui doivent maintenant faire face aux anciens alliés. Les vainqueurs se déchirent autour de l'empire, de l'épice et de tout ce qu'ils contrôlent. Mais c'est également le pont névralgique habituel, le centre de tout, Arrakis, appelé Dune, unique planète productrice d'épice, qui est en jeu. Car les changements climatiques de cette planète affectent l'épice, et par là-même tout l'empire.

Ce qui est fascinant, c'est la façon dont Frank Herbert nous tisse des liens entre tout ce qui se passe, l'intérieur de chacun tout comme le destin d'un empire, les tensions et les alliances politiques, les bouleversement de chacun, les métamorphoses qui s'opèrent. Frank Herbert se paye en sus le luxe de nous farcir le livre de considération sur la religion, le pouvoir, la politique, la famille, l'avenir et le destin, l'écologie, le commerce, et quelques petites considérations sur l'humanité par dessus tout ça. Le tout sans se perdre dans le roman, en conservant des fils directeurs parfaitement logiques et bien souvent surprenants, mais très dense.

Je conçois la critique la plus fréquemment entendue par rapport à ce roman : la difficulté de lecture. J'en suis au tome 3, je suis maintenant bien habitué au style de l'auteur, au monde et aux concepts, et pourtant j'ai encore un mal fou à comprendre certaines implications dans les conversations entre les différents protagonistes. Comme si l'auteur faisait des dialogues trop intelligents pour moi. Je crois bien que c'est la première fois de ma vie où je lis un livre pour lequel je suis certain que l'auteur soit plus intelligent que moi, sans conteste. Et c'est bien en cela que réside la difficulté de lire cet ouvrage. 

Un livre d'une intelligence rare pour une saga qui ne l'est pas moins, malgré sa difficulté toujours présente dans la lecture. Mais si vous faites l'effort de vous accrocher, si vous prenez le temps de vous plonger dans la saga en intégralité, si vous ne baissez pas les bras devants les mots nouveaux et les discours emplis de sens cachés, alors vous trouverez une pépite merveilleuse qui continue de m'éblouir sans que j'y prenne garde. Un tel livre se mérite, mais quelle puissance en lui. J'en reste émerveillé. Cette saga est en passe de devenir ma favorite, mais son auteur est ajouté dans mon panthéon personnel sans aucune condition à présent.

(Chronique n°281)

dimanche 7 juin 2015

Lorenzaccio, On ne badine pas avec l'amour et autre pièces (Alfred de Musset)

J'ai remarqué récemment que je n'avais pas lu ce petit pavé qui faisait de l'oeil dans ma PAL, et pour me dire que je lis du théâtre (enfin !) tout en ajoutant un auteur dit "classique" à mon répertoire, ce qui n'est pas non plus pour me déplaire. Et puis, j'avais envie de découvrir Musset, que je ne connaissais véritablement que de nom, alors même que j'avais souvent entendu parler de son style littéraire et de cet auteur complet. C'est donc joyeusement que j'ai découvert un des plus grands auteurs français romantique du XIXème siècle.


Résumé en trois mots : Amour, Passions et Tragédies

Ce recueil contient : On ne badine pas avec l'amour, Lorenzaccio, Les caprices de Marianne, Le chandelier et Il ne faut jurer de rien. Curieusement, alors que l'estampille de comédie est présente sur quasiment toutes les pièces, seules les deux dernières sont réellement des comédies, les trois autres ayant plus l'aspect d'un drame. Et d'un drame bien cruel.

Pour mon premier contact avec Musset, je ressors avec des étoiles plein les yeux ! Et pour une première raison qui est suffisante à elle seule : le style. Quelle beauté dans la langue, la verve est magnifique et le texte résonne bien souvent comme une poésie. Un texte comme celui-ci vaut plus qu'on ne pourrait l'imaginer pour comprendre la beauté de la langue française, et c'est tout l'intérêt.

En dehors du simple aspect littéraire, ces textes tournent tous autour d'un même thème repris en tout sens : l'amour, ou la passion. Mais de façon subtile parfois, notamment dans Lorenzaccio, qui traite presque plus de politique que du reste, tout en contenant quelques petites perles de réflexion.
Ce qui est saisissant, c'est que Musset croque des portraits d'amours dans tout les sens : heureux, contrariés, violent, tendre, c'est toutes les formes qui sont présentés, et se finissant bien souvent de manière tragique pour l'un ou l'autre des protagonistes, parfois pour tous.

De manière globale, j'ai adoré ces pièces, qui contiennent des réflexions excellentes, et des pitchs bien différents mais tous étonnants dans leurs tournures, jusqu'au dénouement final qui est souvent marquant, notamment On ne badine pas avec l'amour, qui m'a rappelé La mouette dans sa dernière réplique. D'ailleurs, cet aspect est aussi bien présent, la cruauté dans les actions. Le jeu de l'amour est d'une cruauté sans pareil ici. Et quels personnages ! C'est presque indécent parfois.

Pour un premier contact avec l'auteur, j'ai largement été bluffé, il faut l'admettre. Sur les cinq pièces présentes dans le recueil, trois m'ont éblouies, et les deux autres m'ont émerveillés. Et surtout, la surprise fut au rendez-vous à chaque fois, mais également la beauté du langage et la poésie des tirades. Pour du théâtre, c'est en outre extrêmement bien lisible, et j'ai fini par me laisser bercer par le style sans même y prendre garde. Pour un peu, je dirais que je prend gout à lire du théâtre. Alors si vous avez l'occasion, tentez le coup, ça vaut la peine de faire l'effort. Et puis, quelle fierté ensuite d'avoir lu du Musset ! Un classique, mesdames et messieurs.

(Chronique n°280)

mercredi 3 juin 2015

Le fusil de chasse (Inoué Yasushi)

L’histoire de certains lectures est singulière, et je dois avouer que celle-ci ne l’est pas moins. J’avais déjà entendu parler de Inoué Yasushi, grand auteur japonais, qui m’avait été cité plusieurs fois et dont le nom faisait écho dans ma mémoire, bien que je n’eus jamais entendu parler d’un seul de ses ouvrages. Cependant, l’admirable Bison (dont le site continue de valoir le détour) a parlé tantôt d’un ouvrage intitulé Le fusil de chasse, et la critique enthousiaste qu’il en fit m’encouragea à le lire. Tombant dessus par hasard dans les bacs d’occasions qui parsèment la place Kléber trois jours par semaine, je n’ai pu m’empêcher de m’en saisir et de le rajouter au sommet de ma PAL déjà trop garnie. Mais, heureusement pour moi, sa lecture fut faite dans l’après-midi même, et je me suis retrouvé bien vite sur le canapé, sortant d’un choc qui m’a happé bien vite, et dont je sors à peine.


Résumé en trois mots : Amour, Lettre et Mélancolie


Je ne sais si les japonais ont l’âme mélancolique et la prose facilement poétique, ou si c’est là un effet des traducteurs. Il semblerait, d’après le peu de lectures que j’ai fait des auteurs de ce pays pour le moins différent, qu’une certaine forme d’art poétique est privilégiée dans le roman, ce qui n’est pas forcément pour me déplaire, je le confesse.


Ce roman est singulier sur sa forme, qui consiste principalement en trois lettres adressés à la même personne, par trois femmes différentes, toutes les trois ayant traversées sa vie, chacune à sa manière. Des trois lettres vont se dégager un schéma d’ensemble de la vie de cet homme, qui ne se présentera jamais autrement que par le croisement de ces trois regards. Regards qu’il expose à un poète l’ayant croisé, un jour, avec son fusil de chasse.

La forme est assez étonnante, et je dois avouer que j’ai été séduit par la façon dont un homme inconnu est progressivement esquissé au milieu des relations qu’il a connu avec trois femmes. Mais au-delà même de cette idée, je crois que c’est les retournements progressifs qui parsèment l’histoire qui sont appréciables. Chacune des lettres apporte une continuité à l’histoire tout en complétant les propos de la précédente, voir en apportant une facette qu’on n’aurait pu voir précédemment. Une histoire tragique de treize années d’amour.

C’est curieux comme ce portait d’homme est présenté. Tour à tour mari salaud, menteur et absent, il est également un homme malheureux, trompé et trahi. Tout est progressivement amené pour que ce personnage passe d’antipathique à homme de malchance, qui aura eu une vie remplie mais pas épanouie. A-t-il connu le bonheur ? La réponse n’est pas présente, et seul le lecteur peut supputer ce qu’il souhaite. Car, et c’est là la force de ce roman, cet homme ne parlera jamais de lui-même. Il ne confirmera ou ne démentira rien, et ce n’est qu’une vision féminine qui sera offerte. Avec tout ce qu’elle peut comporter de lacune et de vérité.

Ce roman très court, qui m’a semblé très japonisant dans son style et sa manière d’aborder les choses, est superbe. L’histoire est simple et pourtant beaucoup de choses sont là, au delà des simples mots racontés. Je viens de le finir, et je sais pourtant qu’il fera parti de ma pile de livre que je souhaiterai relire, un jour, tranquillement, pour savourer à la fois la beauté du texte et toutes les subtilités derrière. Le genre de roman qui se savoure une nouvelle fois. Recommandé, avec mention spéciale. C’est dommage que je n’en ai pas plus de l’auteur.

(Chronique n°279)

lundi 1 juin 2015

Un tramway nommé Désir (Tennessee Williams)


J'ai commencé cette pièce parce qu'elle est légendaire, et qu'en six mois j'ai été bassiné pendant des semaines avec ce Tennessee Williams, auteur adulé dans le milieu théâtral, tout comme Shakespeare et Tchekhov, tout deux légendaire dans leurs genres. Alors je me suis jeté à l'eau, j'ai décidé de lire un peu, pour me faire mon propre avis, une pièce de l'auteur. Et quoi de mieux que de commencer par la plus célèbre, la plus jouée et la plus vue ?


Résumé en trois mots : Couple, Amour et Violence

A la lecture de cette pièce, je crois comprendre son succès non démenti depuis des années maintenant. Et je ne sais trop ce qu’il faut en tirer. Car c’est des personnages étranges, des situations dérangeantes, une fin qui dénote et une morale douteuse. Rien n’est simple et évident, tout semble toujours nous échapper. Qui est bon, qui est honnête, qui est vrai dans cette situation qui nous est toujours étrange. Un couple heureux (?) qui voit venir une soeur dérangée (?), ruinée et malheureuse (?), une tension entre les protagonistes (?), des amours contrariés (?), tout est sujet au doute et aux remises en question.

J’ai adoré cette pièce, même si je n’ai fait que la lire, et je rêverais de la voir jouée. Car cette pièce dégage une atmosphère, une ambiance lourde et pesante, chaude et moite comme ces journées d’été dans la Louisiane, là où l’air semble pesant et les moustiques omniprésent. Dans ces quartiers où les hommes travaillent dur et les femmes vivent de peu, dans une ambiance parfois malsaine, où tout peut exploser à chaque instant. C’est une atmosphère de tension, de défi, et rien n’est clair jusqu’au couperet final qui tombera implacablement sur la scène.


Ce trio amoureux est décidément inoubliable. Entre Kowalski, homme brut et brutal, excessif jusqu’à être violent, et sa femme douce et précieuse, fille d’une ancienne lignée noble, et sa soeur, toute en extravagance et en futilités, c’est une drôle de famille qui vit sous le même toit. Car qu’est-ce qui s’est joué au final dans cette tragédie ? De l’amour ? Du désir ? De la haine ? Du ressentiment ? Des choses refoulées ? Je ne sais pas. Je pense que l’interprétation est libre maintenant. Chacun sera juge, lecteur ou metteur en scène. La messe est dite, que chacun garde ce qu’il veut.


Une pièce détonnante, qui m’a fait grande impression. C’est jouissif comme texte, à la fois brut de décoffrage et en même temps parfaitement clair. Mais que de choses derrière ce qui se dit. Une pièce qui en dit bien plus qu’elle ne laisse voir, et je vais la relire, encore une fois, pour trouver ce qu’il faut dedans. Quelque chose en est sorti et m’a heurté. Qu’est-ce que ça m’a plu !


D’autres pièces courtes sont présentes en fin de volumes, mais outre qu’elles n’ont pas le même impact, elles me semblent surtout être des brouillons ou des essais de cette pièce principal, et j’avoue qu’elles sont plus négligeables.


(Chronique n°278)