mercredi 3 juin 2015

Le fusil de chasse (Inoué Yasushi)

L’histoire de certains lectures est singulière, et je dois avouer que celle-ci ne l’est pas moins. J’avais déjà entendu parler de Inoué Yasushi, grand auteur japonais, qui m’avait été cité plusieurs fois et dont le nom faisait écho dans ma mémoire, bien que je n’eus jamais entendu parler d’un seul de ses ouvrages. Cependant, l’admirable Bison (dont le site continue de valoir le détour) a parlé tantôt d’un ouvrage intitulé Le fusil de chasse, et la critique enthousiaste qu’il en fit m’encouragea à le lire. Tombant dessus par hasard dans les bacs d’occasions qui parsèment la place Kléber trois jours par semaine, je n’ai pu m’empêcher de m’en saisir et de le rajouter au sommet de ma PAL déjà trop garnie. Mais, heureusement pour moi, sa lecture fut faite dans l’après-midi même, et je me suis retrouvé bien vite sur le canapé, sortant d’un choc qui m’a happé bien vite, et dont je sors à peine.


Résumé en trois mots : Amour, Lettre et Mélancolie


Je ne sais si les japonais ont l’âme mélancolique et la prose facilement poétique, ou si c’est là un effet des traducteurs. Il semblerait, d’après le peu de lectures que j’ai fait des auteurs de ce pays pour le moins différent, qu’une certaine forme d’art poétique est privilégiée dans le roman, ce qui n’est pas forcément pour me déplaire, je le confesse.


Ce roman est singulier sur sa forme, qui consiste principalement en trois lettres adressés à la même personne, par trois femmes différentes, toutes les trois ayant traversées sa vie, chacune à sa manière. Des trois lettres vont se dégager un schéma d’ensemble de la vie de cet homme, qui ne se présentera jamais autrement que par le croisement de ces trois regards. Regards qu’il expose à un poète l’ayant croisé, un jour, avec son fusil de chasse.

La forme est assez étonnante, et je dois avouer que j’ai été séduit par la façon dont un homme inconnu est progressivement esquissé au milieu des relations qu’il a connu avec trois femmes. Mais au-delà même de cette idée, je crois que c’est les retournements progressifs qui parsèment l’histoire qui sont appréciables. Chacune des lettres apporte une continuité à l’histoire tout en complétant les propos de la précédente, voir en apportant une facette qu’on n’aurait pu voir précédemment. Une histoire tragique de treize années d’amour.

C’est curieux comme ce portait d’homme est présenté. Tour à tour mari salaud, menteur et absent, il est également un homme malheureux, trompé et trahi. Tout est progressivement amené pour que ce personnage passe d’antipathique à homme de malchance, qui aura eu une vie remplie mais pas épanouie. A-t-il connu le bonheur ? La réponse n’est pas présente, et seul le lecteur peut supputer ce qu’il souhaite. Car, et c’est là la force de ce roman, cet homme ne parlera jamais de lui-même. Il ne confirmera ou ne démentira rien, et ce n’est qu’une vision féminine qui sera offerte. Avec tout ce qu’elle peut comporter de lacune et de vérité.

Ce roman très court, qui m’a semblé très japonisant dans son style et sa manière d’aborder les choses, est superbe. L’histoire est simple et pourtant beaucoup de choses sont là, au delà des simples mots racontés. Je viens de le finir, et je sais pourtant qu’il fera parti de ma pile de livre que je souhaiterai relire, un jour, tranquillement, pour savourer à la fois la beauté du texte et toutes les subtilités derrière. Le genre de roman qui se savoure une nouvelle fois. Recommandé, avec mention spéciale. C’est dommage que je n’en ai pas plus de l’auteur.

(Chronique n°279)

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