jeudi 14 février 2013

Running Man (Stephen King)


A présent, passons au deuxième Stephen King ! Le maitre est de retour ....

A titre purement personnel, j'adore Stephen King. Je trouve que ce type à une façon d'écrire juste extraordinaire, avec une belle plume, des histoires prenantes, haletantes, plusieurs fois des réflexions pas dénudées d'intérêt et en plus des croisements entre histoires qui sont tout à fait remarquables. Et pourtant, Stephen King n'est pas la meilleure partie de lui même. Car en chacun de nous sommeille un être différents et qui ne demande qu'à s'exprimer. Lui l'a fait, il l'a laissé sortir. Et c'est un être incroyablement cruel, pervers, et retords qui en sortir. Encore pire que l'original. Sa production littéraire compta quelques romans seulement, le temps qu'il meure. Mais le mal était en route. Et voici ce qui en sortit.


Contemplez cette couverture. Admirez la mise en scène, la façon de présenter le tout. Un personnage anonyme de dos. Il regarde des écrans. Plein d'écrans, qui sont tous alignés devant lui. Et sur ceux-ci, rien de spécial. Des gens, des rues, des passages. La vie normale. Et quelqu'un qui surveille tout cela. Une horreur, n'est-ce pas ?

Stephen King ne fut pas le seul écrivain à exploiter son corps. Durant quelques années, un être nommée Richard Bachman fut crée. Il était écrivain, mais dans des genres auquels Stephen King n'était pas habitué. On le voyait notamment faire de la science-fiction, des critiques de société, ou encore pire ..... des romans juste noirs. Sans fantastique. De quoi défriser un habitué du maitre de l'horreur.

Et pourtant, cet être (qui vécu entre 1977 et 1985, officiellement décédé d'un cancer du pseudonyme ....) écrivit parmi les pires ouvrages de Stephen King. Les plus sombres, les plus torturés, mais également les meilleurs émanant du génie du mal américain. En voici pour preuve l'un des meilleurs exemples. L'un des meilleurs romans d'anticipation qui soit, une claque incroyable dans la gueule. Un de ceux qui vous plongent dans une lecture tellement angoissante et prenante que vous ne ressortirez de là que sur les genoux, vidés, le livre dévoré d'une traite. Ne le commencez pas avant de dormir, vous ferez une nuit blanche. Ne le lisez pas en étant déprimé, vous en feriez un suicide. Durant la lecture, bannissez le téléphone portable, débranchez la sonnette et assurez-vous que votre frère/sœur/conjoint ne vous fera pas une surprise en traitre dans le dos. Vous pourriez faire un arrêt cardiaque qui serait sans doute néfaste pour votre santé. Je certifie que dans cette lecture, vous ne pouvez pas décoller. Il faut suivre le tempo, le compteur n'est pas arrêté un seul instant. Vous êtes bien installé ? Attachez vos ceintures, la descente sera brutale, l'arrivée mortelle. Vous êtes prévenus. Maintenant, osez tourner la page.

Voila comment je qualifierais ce livre : une torture. Non pas qu'il est difficile à lire. Au contraire, il est d'une simplicité déconcertante en rapport avec le propos. On ne se creuse pas la cervelle, pas d'énigme à résoudre, pas de grand secret à protéger, de société secrète à découvrir. Ici, tout est au grand jour. Et c'est peut-être le pire .....
L'anticipation, vous vous en rappelez ? Et bien, ici c'est curieusement proche. En fait, une bonne part des excellents romans d'anticipation ont été écrits dans les années 50 et jusqu'au années 80. Du coup, lorsque nous arrivons à la période 2013, nous sommes dans ces années qu'ils qualifiaient déjà de futur pour eux. Une sorte d'aperçu de ce que notre monde aurait pu devenir. De ce que notre monde est devenu, peut-être. Après tout, comment en être sur ? Plongeons dans le roman pour le savoir.

Le livre est découpé en 101 chapitres, et l'ensemble de l'ouvrage fait exactement 310 pages. Les chapitres commencent tous par le même titre : "Compte à rebours ...". Le premier est noté 100, le dernier 000. Je vous assure une chose : lorsque vous commencez, vous n'imaginez pas à quel point la lecture sera de plus en plus rapide. Je vous assure. Vous décollez comme au cinéma, rivé sur votre siège. Impossible de descendre, l'appareil est en marche. La télé crache ses pubs de merde, ses jeux à la con, et vous a aspiré dans ses cathodes. Alors, on n'aime plus ?
Le futur. Premier quart des années 2000. C'est loin lorsqu'on est dans les années 80. C'est près lorsqu'on est en 2013. Et pour l'instant, il ne semble pas avoir tort. Nous sommes dans une ville. Une grande ville de la côte est américaine. Co-Op City. Bienvenue dans le monde de demain. Vous n'avez pas le temps de visiter, il faut avancer, tout va très vite.
Voici le héros. Ou tout au moins l'homme que vous suivrez durant votre séjour. Ben Richard. Un nom très ordinaire pour un type banal. Un de ces hommes comme il en existe des milliers dans toute la ville. Ouvrier, marié, un enfant, une situation à peu près stable. Un Libertel, la télé de demain, comme c'est obligatoire dans tout les foyers. Que peut-on rêver de plus ?
Il est pauvre, sa femme aussi. Ils ont une fille. Elle est jeune. Elle est tombé malade. Il faut la soigner. Mais les moyens manquent. Alors Ben Richard va aller là où se trouve l'argent qu'on distribue aux gens pauvres. Là où se passe tout ce qui intéresse ces masses pauvres des HLM de demain : la tour de jeu. Là où sont filmés ces jeux qui peuvent tuer les concurrents lorsqu'il le faut. Ça fait de l'audimat, c'est bon pour le chiffre. C'est ça l'avenir. Et Ben Richard y va. Attention, c'est parti. Vous avez fini le premier chapitre.

Et le voila qui est dans la tour. La sélection, tout se passe bien. Il est dans le grand jeu, le best-of, là où les risques et les gains sont les meilleurs. Le pire du pire, le nec plus ultra. La grand traque. Durant 30 jours, toutes les polices du monde, touts les habitants de la planète le pourchasseront. Il n'a nul échappatoire. Et s'il résiste, si il a tenu durant le mois complet, alors c'est le jackpot. Un milliard de nouveaux dollars. Sinon, la mort. On ne réchappe pas aux Chasseurs. Le compte à rebours continue.


Si je vous présente les choses de cette manière, c'est pour que vous compreniez la situation. Tout va aller vite. Les phrases raccourcissent, pas de descriptions, peu de dialogues. L'action avant tout, c'est ce qui fait l'audimat. Et bien malgré nous, nous allons suivre le jeu sur l'écran des pages. Cours Ben Richard, cours ! Tu peux échapper aux Chasseurs, tu peux échapper au monde, mais tu n'échapperas pas à notre regard. Nous suivons ta course. Tu es traqué par le lecteur avant tout le reste.
Et durant la traque, la fuite change de visage. Les dessous du monde sont révélés. Les cartes s'abattent, l'ennemi à un carré d'as. Comment le battre ? En connaissant les dessous du jeu, en sortant une suite royale à cœur ou à pique. En comprenant l'envers du monde. Et c'est ce que fera le lecteur. Avec Ben Richard, il comprendra ce qui se joue derrière. Tout n'est pas clair, et les points obscurs le sont pour une bonne raison. Des choses horribles se déroulent derrière, attention à la chute en découvrant le précipice. Car l'avenir est sombre, des injustices, des horreurs sociales, des déshérités et des riches à en crever. Oui, le monde est moche. Mais est-ce l'avenir, est-ce le présent ? Tout ressemble à ce que nous connaissons déjà. Qui nous dit que tout n'est pas arrivé ? Il semblerait qu'effectivement le jeu ai commencé dans la vraie vie également. Comment s'en sortir ?

Et dans un final éclatant, dans une apothéose grandiose qui fait retentir du Carmena Burana dans vos oreilles,  vous sentez que vous avez compris toute l'horreur d'un tel monde, qui semble pourtant si proche. Il est lointain dans le début, mais au fur et à mesure que vous continuez, vous vous rendez compte que vous êtes dedans, vous êtes représenté à un moment ou à un autre. La société d'aujourd'hui est déjà passé au vitriol, elle est présentée sous son jour le plus affreux. On voudrait que ça cesse, mais le bouton pause n'existe pas dans ce livre. Vous irez de l'avant, que vous le vouliez ou non. Jusqu'à la fin du compte à rebours. Là, vous aurez véritablement fini. Et tout s'arrêtera.

Lorsque vous avez ce livre en main, considérez que vous tenez un tube de nitroglycérine. En le laissant intact, sans le toucher, au fond du tiroir, il n'y aura aucun dommage. En l'agitant dans sa main, les conséquences sont néfastes pour la santé. Mais en l'utilisant avec prudence, au bon endroit, il peut servir à creuser un passage dans la roche, à relier plusieurs points qu'on ne pensait pas existants. Il faut le lire, mais attention à son rythme. Pas de temps mort, on ne respire plus. C'est une apnée de quelques heures, qui vous laisse pantois sur le rebord. Vous avez mal au cœur, vous saignez en dedans. La violence dégagé fait mouche, mais elle sait frapper juste. Elle réveille. Et ce n'est pas un mal que d'ouvrir les yeux sur certaines choses de la vie.

(Chronique n°13)

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