mercredi 13 février 2013

Les rameaux de Salicorne (Pierre-Yves Gabrion)


Là, je pense sincèrement que je vous ai tous perdu avec cette BD. Je n'ai pas tort ? Eh ! J'en veux pour preuve que le gros site de bande-dessinée du net, manga-sanctuary (si, vous savez, celui où vous allez consulter la prochaine sortie du Naruto qui sera de toute façon en vitrine le jour même) ne connaissait pas la BD avant cette année ! (j'en sais quelque chose, c'est moi qui lui ai dit de le rajouter). Le site Bédéthèque n'a qu'une seule critique dessus ! Et pourtant .... Je vais vous en parler, vous comprendre. Ah oui, je précise que j'ai eu huit heures se sommeil sur trois jours. Il se peut que des coquilles se glissent dans la chronique. Je vous rassure, je ferais une relecture lorsque j'aurais hiberné les seize heures de rattrapages nécessaire.


Résumé en trois mots : Légendes, Enfance et Fées

Donc, la BD est très peu connue, c'est parfaitement certain, et a été écrite en 1998 par Pierre-Yves Gabriel. Ce type peut sembler très louche : il n'a pas de page Wikipédia. Par contre il a un Facebook ! Nous voila sauvé !
Ceci dit, je vous dirais juste que c'est un homme, dessinateur de bande-dessinée, qui n'est est pas là à sa première BD. C'est plus exactement sa troisième. Mais de quelle BD parlons-nous donc ? Je vais vous l'expliquer immédiatement (je sais, c'est de la transition de dingue. Mon cerveau crie grâce).

Donc nous avons là une BD qui va traiter de ... De quoi au fait ? De la Bretagne. Un petit village perdu, éloigné de tout. Dans ce village, nous sommes au début du XXème, ou fin XIXème. La différence importe peu. C'était le temps où tout était encore sans machine, sans rien. Mais ce n'est pas un beau monde, un monde pur. Cela, nous le découvrirons progressivement.
Dans ce village, vit un petit être nommée La Mouche. Son père a disparu à sa naissance, sans qu'il ne l'ai jamais connu, et sa mère est une truie acariâtre qui traine dans la maison, malade et aigrie. Il est aimé et aime la petite Julie. Elle est belle et douce, de son âge également. Et il est rejeté par tout le village, sans trop savoir pourquoi. Il aimerait que son père revienne.
Dans ce village également, une cérémonie bien particulière existe encore. La cérémonie des cadets. Durant la nuit des Rameaux, tout les hommes du village de plus de quatorze ans partent à travers la lande et durant toute la nuit cherchent la fée. Celle-ci, dit-on, à le pouvoir d'exaucer le vœu de l'homme au cœur le plus pur qui traversera la lande. Celui qui la voit devient un héros. Cependant, il n'y a pas eu de héros dans le village depuis quatorze ans. Depuis la disparition du père de La Mouche ...
Et cette année, La Mouche à quatorze ans. Il est prêt à aller avec les hommes à la recherche de la fée, son béret près de lui. Car il est sur d'une chose : la fée, il la verra. C'est lui le seul homme au cœur pur du village, ce ne peut pas être ces personnes qui le rejettent continuellement. Et avec Julie, ils ont déjà tout préparés. La nuit va arriver.
Mais la nuit des Rameaux est remplie de mystères. Le village est mystérieux, très mystérieux. Et beaucoup de choses ne sont pas dites. Rien ne sort de la nuit des Rameaux, et les secrets sont peut-être très cruels ...

Après la lecture de ce résumé, je suis sur que vous voyez le déroulement de l'histoire. Hein ? Ne niez pas, vous aussi vous vous attendez à une histoire classique de fantastique, de quelques secrets et de méchants manichéens, n'est-ce-pas ? Et pourtant, je dois dire que cette BD fait très fort. Elle est très courte, faisant au total à peine 64 pages. Et dans ces pages là, l'histoire va vous sidérer. En fait, contrairement à ce qu'on peut penser, il y a une réflexion et une surprise de taille qui nous attends, et le sujet de la BD au final est très différent de ce à quoi je m'attendais au départ.
En fait, la BD est très déroutante, car la trame qui commence tellement classique dévie progressivement, jusqu'à atteindre la planche qui vous cloue sur place, sans que vous compreniez vraiment. Et là, c'est le temps des explications. De quoi ouvrir des grands yeux tellement c'est bien fait. Et puis, une conclusion. Très brève. Deux ou trois pages. Plus une fin qui vous laisse rempli de questions.
En fait, lorsque j'ai lu la BD la première fois, j'avais une interprétation. Puis en la relisant, j'en ai trouvé une autre qui changeait complètement l'idée. Tout à coup la fin était heureuse. Et puis je l'ai fait lire à mon petit frère. Il a aussi pensé à une fin triste en premier. Mais lui pense que c'est la vraie. Moi j'avoue ne pas savoir. La fin est suffisamment ambiguë pour nous laisser à loisir de quoi méditer. Je ne vous dévoilerais bien évidemment rien (si vous voulez le savoir, demandez là moi et je vous la prête), mais c'est un sujet de controverse.

Ensuite, que rajouter à la BD ? Un très bon dessin. Il est direct, clair, efficace. La colorisation par-dessus est très belle également, et l'auteur nous a d'ailleurs pondu des "gueules", une belle palette de bretons début du siècle. C'est assez amusant de voir ces gens qui sont pour la plupart assez moche, mais en même temps ils sont très réalistes.
Et puis le découpage est fluide, la narration également. Très peu de texte, tout est dans les attitudes, les mots. Beaucoup de non dit également. Et l'auteur à glissé une très belle typographie de lettres pour le texte-off. Je sais, c'est franchement un détail, mais j'ai vraiment beaucoup aimé. Le coup des cartes de tarot au début rajoute un petit charme mais je n'ai pas trouvé le coup extraordinaire. Ca reste toutefois une belle idée.
Ensuite, je dois dire que la BD arrive à éviter très brillamment le piège du manichéisme primaire, en faisant des personnages de A à Z qui ne sont pas très beau intérieurement. Les secrets de la nuit des Rameaux ne sont pas beau. En fait, le seul personnage candide reste jusqu'à la fin Julie, qui à d'ailleurs une belle valeur symbolique. Mais là encore, je ne vous en dis pas plus.

En terme de critique, j'avoue que je ne trouve pas grand chose. L'un des reproche récurrents est l'impression que l'auteur aurait pu allonger le récit facilement de dix pages. La contrainte des 64 pages n'altère pas la qualité de l’œuvre (ce qui est très bien également), mais j'ai eu l'impression parfois qu'il y aurait eu manière à étaler un peu plus. Bon, quand la viande est sans graisse, on ne va pas le reprocher, pas vrai ? Là nous avons du dégraissé complet, pas une case de trop, tout est juste au bon endroit au bon moment. Après le dessin n'est pas d'égal qualité pour toute les cases, mais il faut s'attarder dessus pour le remarquer, et on ne s'attarde pas vraiment. Ce n'est pas du Patrick Prugne. Même s'il reste bien fait.

En conclusion, nous avons une œuvre qui se classe difficilement, laissant le choix au lecteur d’interpréter le tout et avec une idée qui est franchement géniale. La surprise sera au rendez-vous, mais de façon intelligente, avec des passages très émouvants en même temps. On croirait de la BD commerciale classique, et on se retrouve hors des sentiers battus. C'est un vrai plaisir à lire, et en plus c'est un tome unique qui nous est proposé, avec une belle conclusion. Tout les ingrédients pour un excellent moment de BD. Le seul gros inconvénient est que l’œuvre n'est que très peu disponible (occasion et Internet) mais elle mérite d'être lue. Et en soirée BD, ça fait son petit effet de sortir qu'on l'a lu.

(Chronique n°12)

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