jeudi 28 mars 2013

L'an 01 (Gébé)


Vous aimez Mai 68, la contestation sociale, les mouvements étudiants, la volonté d'aller à contre-sens de la société ? Oui ? Alors c'est le genre de livre que vous devriez aimer (j'ai adoré et je le revendique). C'est l'esprit de la contestation sociale (celle qui à ratée) des années 70, le moment où l'on dit merde à tout et qu'on recommence à zéro, partant vivre dans le Larzac. On fait table rase, on repart à neuf, c'est la remise en route de tout le bazar, c'est l'an 01 !


Résumé en trois mots : Révolution, Hippies et Pacifique

L'an 01, c'est avant tout une BD, mais qui fut également adapté en film, un vieux film en noir et blanc avec plein de vieux acteurs (genre Gotlib, Coluche, l'équipe du splendide encore non connue, Depardieu jeune et beau gosse ...), qui fut apparemment un petit succès (je n'en ai pas les chiffres officiels donc je ne m’avancerais pas plus que ça). Actuellement la BD est très dur à trouver, on ne l'imprime plus depuis des années, malgré les rééditions de l'Association (ce qui est fort dommage d'ailleurs) mais ce petit tracas peut être remplacé par ce site : celui là ! qui propose toute les pages scannées, et en cherchant un peu on trouve le film également. Donc ce n'est pas impossible, pas d'excuses !


Pour ne pas faire trop durer la chose, je vous propose de commencer rapidement par les défauts : c'est moche, désordonnée et brouillon. Bon, là le cadre est campé. C'est du dessin qui n'est pas beau. Mais alors vraiment. On ne distingue pas toujours tout. Ensuite, c'est une belle saloperie à lire, avec des cases dans tout les sens, du texte écrit en spirale parfois, des pavés énormes à lire (du genre une page énorme) et des sens de lectures qui sont aléatoires. Parfois il faut relire plusieurs fois pour s'assurer d'avoir bien compris. Et vu les pavés, la lecture est tout sauf fluide. Mais en même temps, l'histoire est très déconstruite, on a droit à une succession de petit sketch, des idées en vrac, des planches sans grand rapport entre les deux. Justement d'ailleurs, le mélange entre avant et après l'an 01 est très peu construit et du coup il faut un peu réfléchir en le lisant. C'est un gros défaut, mais en même temps, il faut comprendre que cette BD sort pas mal des cadres conventionnels puisqu'elle est faite avant tout pour un journal. Son passage en BD n'est pas prévu exactement, et du coup la forme s'en ressent.

Pas besoin de beaucoup pour qu'on
comprenne, non ?
Par contre le fond est nickel. Une idée de génie à germée dans l'esprit de Gébé : la révolution de mai 68 fait avec des moyens différents. Pas de révolution armée, pas de mobilisation. Juste un appel à la démobilisation générale. Et tout le monde se démobilise. Cette idée, c'est les fameux trois personnages sur la couverture : "On arrête tout, on réfléchit, et c'est pas triste". L'idée est exploitée sous plusieurs formes, en faisant le bilan des années 70, en montrant le fameux An 01 et ensuite en continuant avec ses fameuses nouvelles façons de vivre. C'est un avant-pendant-après la démobilisation générale.

Et c'est là tout le sel de la BD, une idée utopiste que j'aurais quasiment qualifiée de géniale, mais malheureusement elle est un peu trop utopiste sur certains points. Mais par contre, je ne peux que applaudir des deux mains lorsque je vois cette sublime idée de l'abolition de la propriété, cet ouvrier sur le trottoir en train de lire Platon et disant "On en fait tout un foin, mais finalement ça se laisse lire". Et tant d'autres petites perles à la fois d'humour mais également d'inventivité, ces louanges de la vie au grand air et à la culture pour tous, à l'arrêt de l'abrutisation des masses etc ... C'est également un appel à la révolution simple. On s'arrête, et on réfléchit. C'est bateau, mais c'est simple. Et au final, c'est superbe. Génial.

Le seul défaut dans cette utopie de "sale hippies", comme on dirait aujourd'hui, c'est qu'il ne va pas à fond dans certains aspects, notamment autour de la bouffe ou des vêtements. Mais c'est bien représenté, et l'envie m'a pris d'arriver dans l'an 01, de partager la folie de ces "doux dingues", qui vivent comme ils l'entendent et sans attaches, détachés de tout. C'est assez remarquable quand on le lit, cette façon de mettre en scène une société qui semble parfaite. Le tout à beau dater d'il y a maintenant plus de trente ans, il reste une excellente utopie, toujours autant intéressante.

En résumé, cet ouvrage difficile d'accès est avant tout une utopie, sacrément bien décrite, qui nous fait rêver et voyager. C'est une excellente BD, compliqué à lire, mais très bien campée, aux idées qui fusent en tout sens et dont plus d'une mériterait qu'on s'y attarde vraiment. L'ensemble est assez indigeste pris en gros, mais en lisant tranquillement, petit à petit, la douce folie et l'espoir qui sont contenus dans les pages ressortent et ne peuvent que nous toucher également. Une belle mise en scène, et je pense vraiment qu'elle vaut les utopies de tant de grand maitres (comme Thomas More par exemple). En clair, c'est le genre de BD à lire.

(Chronique n°33)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire