samedi 23 mars 2013

Neverwhere (Neil Gaiman)


J'ai attendu un petit moment avant de faire cet avis, car je voulais avant tout pouvoir faire un parallèle avec la BD qui existe, que j'ai commandé et que j'ai lu. Je vous propose donc une chronique parallèle : d'abord une petite sur le livre et ensuite une deuxième sur la BD. J'espère ainsi vous donner envie de le lire, et surtout vous permettre de découvrir un auteur de génie qui avance dans le monde des livres, élève de Terry Pratchett (promis Trapitou, je vais en lire également !) et surtout auteur de talent incroyable.

Promenons-nous donc dans un univers assez incroyable et fantaisiste, qui va nous faire coller au siège et nous livre en plus une belle critique de la société actuelle. Et ça se passe à Londres ! (à titre purement indicatif, j'adore vraiment cette ville) Tout est fait pour que nous l'apprécions. Mais de quoi parle-je ? (ça ne se dit pas du tout, je crois ...) Et bien c'est pourtant simple, c'est noté en haut ! Ouvrez les yeux bon sang. Je ne vais pas le faire pour vous.

Roulement de tambours .... Mesdames, Mesdemoiselles (quoi, on me souffle dans l'oreillette que ça ne se dit pas ? Mais je vous merde, je dis ce que je veux encore !) et Messieurs, voici pour vous ce soir dans un numéro exceptionnel, le grand, l'unique, l’irremplaçable Neil Gaiman dans son fabuleux ..... Neverwhere !


Tiens, à ce propos, avez-vous lu Wonderful ? Si oui, l'avez-vous aimé ? Si oui, ce roman est fait pour vous. Oui, j'ai repris la même phrase que pour la chronique de Wonderful. J'ai le droit.


Donc, Neil Gaiman ! C'est un homme réel, anglais mais résidant au USA, qui a commencé en tant que scénariste pour la télévision. Sa grande gloire fut la série des Sandman en bande-dessinée (que je pense me procurer -comme tant d'autres- le plus vite possible maintenant), mais il est également connu à travers ses écrits, bien souvent adaptés également (Coraline au cinéma, Neverwhere en série et en BD). Une ironie mordante quand on sait qu'il a commencé en tant que scénariste de télévision et que son roman Neverwhere est justement tiré d'un scénario pour la télévision datant de 1996 et ensuite tiré en roman. Pour l'info, je n'ai pas vu la série et je ne veux pas la voir. J'ai tellement aimé le livre, j'aurais trop peur d'être déçu.

Alors je précise tout de suite que Neverwhere n'est pas qualifié seulement de fantasy, mais d'urban-fantasy. Un sous genre qui se rapproche de conte moderne, avec une caricature ou une dénonciation de la société. Je vous renvoie pour cela à des ouvrages spécifiques. Pour moi, je ne pense pas que les étiquettes jouent expressément un rôle important, je les mets juste pour s'y retrouver plus facilement. Pour de plus amples détails, voyez avec des spécialistes qui dissertent de la chose durant des jours complets. Je ne mettrais que des étiquettes simples afin de s'y retrouver. D'ailleurs pour les BD, je suivrais la classification de BDthèque qui est la plus adaptée à mon sens.

En parlant d'images d'ailleurs, c'est assez amusant d'avoir lu la BD ensuite, parce que je n'avais absolument pas les têtes des personnages. Par exemple, je voyais le héros avec la tête de Ewan McGregor dans Trainspotting, vous savez, quand il a emménagé à Londres. Sinon, je n'avais pas capté que Le Marquis était noir, ou pour Chasseur je voyais plutôt une autre femme. Mais je m'égare. De toute façons, c'est très visuel comme livre, on est dans une représentation assez amusante et décalée de Londres, mais très imagée.


Depuis le début, je parle de l'histoire, mais je ne vous l'ai pas expliquée. Voyons ce que c'est alors. Une petite pause s'impose pour un point "histoire en bref" :
Notre héros, Richard, est installé dans la ville de Londres et fait sa petite vie tranquille, avec ses trolls en plastique sur le bureau, des collègues sympathiques, une fiancée qui est très .... euh .... chiante me semble le mot le plus approprié, et une petite vie bien rangée dans son appartement. Une routine peinarde, une façon de vivre qui est très proche de celle de milliers d'autres.
Dans cette petite vie tranquille, il va se retrouver un soir devant un dilemme cruel : une fille en haillons et en sang est tombée devant lui, alors qu'il rejoignait un restaurant avec sa copine. Pris de pitié, il la ramène chez lui, tandis que sa copine est furieuse, puis il la soigne et attend qu'elle se réveille. Puis deux personnes débarquent chez lui, avec notamment des affiches qui indiquent qu'ils recherchent la jeune fille. Mais lorsqu'ils déboulent dans l'appart, elle a disparu. Du coup, il se pose des questions, et finalement il se rend compte que la jeune fille n'est pas totalement ordinaire. En effet, elle s'appelle Porte, et vient du Londres d'en bas. Un Londres sous le Londres que nous connaissons et qui est riche en mystère et choses nouvelles.

En fait, le roman propose quelque chose d'extrêmement original dans le propos, avec ces deux facettes de Londres qui se côtoient en permanence, liées par plusieurs choses en même temps. Et c'est d'autant plus intéressant que l'imagination déployée est superbe, avec des côtés fantastiques, notamment autour des noms de lieux.
Mais là où je crie encore plus au génie, c'est dans les idées qu'on trouve derrière. Car en fait, le roman ne se limite pas seulement à une aventure fantasy. Il va largement au-delà ! Déjà, les personnages. Superbes, tous autant qu'ils sont. Je ne reviendrais pas sur le duo Croup & Vandamer qui est superbe et qui a fait des émules, mais je dois reconnaitre qu'il possède un charisme fou, avec ce rôle de méchants sans l'être. Ce sont justes des exécutants, mais lesquels exécutants ! Ensuite Porte, qui semble sur d'elle, assez dynamique, mais qui est en faite une fille seule et affolée par moment, le Marquis, noble dans ses attitudes mais en même temps détestable et mufle, Chasseur entourée de son aura de mystère mais tout de même attachante, et bien évidemment le personnage principal qui est intéressant car il ne fait pas que se limiter au rôle du gars qui suit en pleurant sur son sort. Je ne crois pas qu'il a souvent le temps de se lamenter d'ailleurs.
Et de plus, nous avons le droit à de superbes scènes (je pense notamment à la sortie du British Museum avec la danse dans l'escalier, superbe !), beaucoup d'humour et de fantasy, du rêve qui est vendu en paquets de plusieurs kilos, des faits superbes, une intrigue qui tient la route ... Je crois bien qu'on frôle la perfection !

Alors en continuant dans la lancée, pourquoi ce roman est-il superbe ? Deux raisons : déjà, il propose une réflexion sur le monde des SDF et des clodos. Et plus généralement, sur l'ensemble des déshérités de la société qui vivent dans un reflet de la notre, avec leurs règles et leurs codes, que l'on ne voit jamais. C'est assez bien tourné, mais on se rend vite compte de la métaphore, notamment lorsqu'ils envahissent les lieux abandonnées, celui qui joue dans les couloirs du métro mais qu'on ne remarque jamais, et puis tout ces déshérités qui recherchent n'importe quel objet à troquer et échanger, en dehors de la société et de l'argent. C'est un monde qu'on ne remarque plus, à force de ne plus vouloir le voir, et c'est superbement mis en scène.
Mais en prime, nous avons le droit à une autre réflexion, qui intervient sur la fin du récit et qui est plus que superbement mise en scène. En plus je suis totalement d'accord avec cette vision. Pour ne pas trop en dévoiler, je dirais juste que Gaiman confronte les mondes fantastiques et le monde réel, avec peut-être quelques clichés, mais tourné d'une belle façon. J'ai été totalement d'accord avec sa vision, qui explique qu'on peut vouloir vivre en dehors du monde (ce qui inclue donc les livres, les films ou les jeux autour de mondes imaginaires ou fantastiques). C'est une sorte de défense qui est faite des mondes imaginaires, de la volonté qu'on peut avoir de se plonger dedans pour échapper à l'emprise du réel. Étant un grand pratiquant de cette méthode, je ne peux que être en admiration devant une démonstration si brillante. Et la fin n'est que plus éloquente à ce sujet, mais je n'en dis pas plus bien évidemment.

Par contre, il faut bien trouver des défauts. Et il y en à un ! Un gros même, mais vous allez voir que ce n'est pas tellement un défaut que ça au final. Explications. Le gros défaut, c'est bien le scénario, qui est en fait sans grandes surprises. On a une trame classique, très efficace, mais qui ne sort pas tant que ça des sentiers battus en terme de narration. On est même dans l'ultra-classique avec du manichéen primaire.
Mais là, il faut replacer les choses dans le contexte. Et je pense que c'est une bonne chose. Le roman apporte tellement de nouveauté, de décalages, de propositions farfelues et de réflexion, que je pense qu'il aurait été franchement indigeste si Gaiman avait apporté en plus une trame narrative complexe à suivre. Là c'est franchement bien mélangé, ni trop ni trop peu. Bien sur, c'est un peu regrettable à la relecture, mais on est toujours dans l'émotion dégagée par l'imagination fertile dont l'auteur à su faire preuve, donc ce n'est pas dérangeant.


Du coup, comment qualifier Neverwhere ? C'est une œuvre superbe je pense, qui mérite largement son statut tant vantée. On est dans une découverte totale, plongé dans un tourbillon du Londres d'en bas, avec ses nouveautés à la pelle qu'on récolte pour notre plus grand plaisir. Et dans tout cela, des personnages hauts en couleurs, de l'humour, de l'aventure, et plusieurs morales qui ne sont pas du tout dénuées d'intérêt. Alors pourquoi s'en priver ? Je pense qu'il faut vraiment le lire si on ne connait pas encore, c'est un grand roman de la fantasy, certains. Par contre, il faut savoir que si on n'est pas captivé par l'ambiance du récit, il est peu probable qu'il vous passionne, car elle fait 80 % du travail, l'histoire pêchant plus. Donc si vous n'êtes pas pris très vite dedans, ce n'est pas la peine d'essayer de continuer à lire. Passez à autre chose. Et laissez Porte à son destin, Richard à ses trolls et Le marquis à ses faveurs. Et au pire, lisez la BD que je vais me faire un plaisir de commenter plus haut.

(Chronique n°30)

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