mercredi 30 janvier 2013

Etat des lieux (Antonin Gallo)


Vous ne savez peut-être pas, mais il existe une catégorie pour chaque BD existante. C'est plus pratique pour les retrouver lorsqu'on fait un classement. Mais tout n'est pas simple, et certaines par exemple ne rentre pas dans une seule catégorie, on est obligé de les mettre dans plusieurs à la fois. C'est extrêmement épineux comme sujet, un bon moyen de dispute entre bédéphiles convaincus (lancez en deux sur La nef des fous* de Turf, vous verrez, on rigole vite). Du coup certaines catégories naissent, comme Inclassable qui sert allègrement de poubelle à un peu tout et n'importe quoi. Et encore pire : la catégorie Roman Graphique.
Cette catégorie, c'est tout simplement une catégorie dans laquelle on range tout ce qu'on veut. La description laisse rêveur :
L'expression « roman graphique » désigne un genre de bande dessinée, généralement longue, sérieuse et ambitieuse, destinée à un lectorat non-enfantin
Source : Wikipédia (je sais, c'est pas le mieux).

En fait, il faut surtout retenir que le terme englobe des séries de bande-dessinée à but sérieux, qui constituent un livre à part entière ou une série (en clair, pas de division interne, pas de planches ou de strip). Mais là encore, la notion est très floue, et depuis la naissance du terme, il englobe de plus en plus de choses. Comme quoi, c'est compliqué les définitions. Pour l'histoire, le terme est une traduction de l'américan "Graphic Novel", qui s'opposait à l'époque au comics classique : super-héros, humour en strip ou planches etc ... C'est le moment où Will Eisner chamboule la donne avec ses romans, mais nous aborderons ces histoires plus tard (quand j'en saurais un peu plus sur le sujet et que j'aurais lu du Will Eisner).


Cette introduction un peu longue va nous permettre de ranger la BD qui va suivre, et qui à aussi un parcours atypique. Car nous allons aujourd'hui aborder le genre de BD qui m'a décidé à créer ce blog, étant donné qu'il est quasiment impossible de les commenter sur des sites normaux : les BD-blogs. Mélangé avec les romans graphiques, oui messieurs-dames. Rassurez-vous, je ne vais pas vous perdre. Lorsque j'aborderais les différences entre les catégories de BD, vous serez un poil plus sollicités niveau matière grise.

En attendant, voila la chose en question : applaudissez bien fort notre nouvel arrivant !


Résumé en trois mots : Passé, Amour et Acte manqué

Ce roman graphique est un peu complexe à aborder. Je vais d'abord en expliquer l'histoire, pour ceux qui veulent lire la critique, sautez directement au paragraphe sous la deuxième image.
Tout d'abord, il faut savoir que cette BD à été publiée aux éditions Amilova, une magnifique création du web. Cette plate-forme à été crée pour permettre aux auteurs de mettre leurs BD en ligne, avec une rémunération (par exemple que les 100 premières pages accessibles sans abonnements uniquement), et qui publient de temps à autres des livres vendus uniquement sur le web (pas de devantures dans les magasins malheureusement). Cette plate-forme propose d'ailleurs plusieurs perles (dont je parlerais lorsque je les aurais lu, ça attendra la prochaine paye). Pour le nom, il vient d'une des BD publiée (et celle à l'origine de la plate-forme si j'ai bien compris) nommée Amilova, mais que je n'ai pas encore lu, je le confesse.

Dans tout cela, vient se greffer l'auteur, Antonin Gallo, dit Mr To (si vous cliquez, vous arrivez sur son blog, c'est beau la magie du net), un auteur de ... euh, peu d'année, je viens de remarquer qu'on ne trouve pas forcément beaucoup d'informations sur lui. Bon, j'admets que j'ai pas poussé super loin les recherches, mais je dirais que ce n'est pas l'essentiel.
Enfin bref, cet auteur va nous pondre un petit chef-d’œuvre de roman graphique, qui décoiffe sacrément. Je vais vous en faire le commentaire tout de suite, mais je précise auparavant que la BD est en ligne sur Amilova (Cliquez-là) ou tout simplement est disponible à l'achat en cliquant ici. C'est plus sympa de le lire chez soi -comme souvent pour une BD du net- et en plus ça fait tourner le site. Et franchement, le prix pour 120 pages de roman graphique, c'est dérisoire. D'ailleurs je pense que vous entendrez souvent parler du prix des BD, parce que c'est un gros souci quand on en fait la collection. Mais là je m'égare, allons tout droit au but : la BD en elle-même.



Le roman graphique va donc nous présenter l'auteur en tant que narrateur qui va faire un état des lieux (à la manière d'un Trondheim dans Approximativement* ou Larcenet dans Presque*). Un état des lieux de quoi, me direz-vous ? D'une fille. Plus précisément d'une attitude, de souvenirs et des relations avec cette fille. Et par là même, l'auteur nous livre une bonne partie de ses années de lycée, ce qui n'est pas sans intérêt non plus.
L'histoire semble très classique, un truc déjà vu, mais ici tout l'intérêt est dans la relation qu'il va entretenir avec la fille : "Voici Julie, mon acte manqué". Je pense qu'avec cette simple phrase, la BD est bien résumée. Mais attention, ce n'est pas si simple. Car pour un acte manqué, il faut beaucoup de travail préparatoire. Et beaucoup d'occasions manqués également.
Je précise tout de suite que la BD parle sans doute plus lorsqu'on a quitté le lycée et qu'on peut se placer dans la situation de l'auteur, mais si on y est encore, on peut y lire un avis de ce qu'il ne faut pas faire. Du coup, c'est assez intéressant des deux points de vue. Grosso modo, tout le monde peut se sentir concerné.

Cette histoire va se concrétiser avec l'auteur qui retourne dans son lycée, revoit les lieux et fait rejaillir les souvenirs attachés à eux. D'autant qu'il intervient dedans, mais pas comme dans de la SF. Je vous laisse découvrir, mais c'est vraiment bien fait. Le dessin d'ailleurs se caractérise différemment selon le moment où il se passe (présent ou passé). Je ne suis pas assez expert en la matière pour le décrire, mais en employant mes mots, je dirais qu'il y a un côté plus crayonné dans le présent, et plus "peinture" (zut alors, je ne trouve pas un mot pour décrire) lorsque c'est dans le passé.

En parlant du dessin, l'ensemble est en noir et blanc, sauf la couverture, et dans l'ensemble d'une très grande beauté. D'ailleurs il est très clair, très beau, et je trouve que la lecture est très fluide. On comprend tout de suite les personnages, et on les repère vite. En clair c'est très loin de ce que produit Lauzier (même si celui-ci reste également assez clair). Et le dessin est parfaitement bien maitrisé. Je le précise parce que les productions du net ne sont pas forcément réputées pour ça, et parfois on tombe sur des choses très amateur. Mais là je m'égare à nouveau. Donc niveau dessin, aucun cliché par rapport à internet et un kéké qui dessine avec ses feutres durant le cours de maths, c'est très beau et c'est très clair. Personnellement je suis fan, et après avoir relu les Lauzier, je note également qu'on a le droit ici à un texte parfaitement clair, autant dans l'ordre de lecture que dans la taille de l'écriture. Je dois dire que ça fait plaisir de lire facilement. J'y reviendrai pour d'autres BD (plus tard ...).

Ensuite, concernant l'histoire, là c'est encore du tout bon. C'est peut-être classique et à tendance romantique, mais l'humour est présent pratiquement du début à la fin, certains passages sont vraiment très beaux, c'est dynamiques, bref on a pas le temps de s'ennuyer. Par contre, il faut aimer les récits introspectifs, avec de la réflexion, de la poésie et du romantisme (quand même un peu). Je noterais un détail : l'ordre des scènes est fait selon la remontée des souvenirs, pas selon leurs ordres chronologiques, et j'avoue ne pas avoir clairement différencié l'ordre par rapport aux deux années de Terminales, si une scène s'était passé lors de la première ou de la deuxième année. C'est un détail, étant donné que même sans ça j'ai tout suivi, mais il convient de le noter. Sinon en terme de critique j'avoue que je ne trouve pas grand chose à reprocher. Peut-être qu'on peut critiquer le fait de ne pas aller à fond tout le temps à chaque souvenir, mais j'ai trouvé que c'était juste bien dosé, avec le choix pour le lecteur d'en tirer les conclusions. C'est juste un état des lieux, pas une analyse poussée. Faudra une fois que je note les livres dont les titres sont remarquablement bien choisi.

J'ajouterais également que la BD livre une belle réflexion autour de l'acte manqué, mais pas seulement autour du reproche qu'on peut faire envers son passé, mais également de la continuité de cet acte dans le présent. Pour ça, je vous laisse lire. Mais en plus, quand l'histoire est belle, c'est parfait. Et quand une histoire d'amour est raconté intelligemment, je craque facilement. Du coup je suis tombé très vite sous le charme de État des lieux.

Par contre, le livre se finit sur un retournement qui donne juste envie : savoir la suite. Pour l'instant elle est commencée, et s'intitule La fille aux cheveux châtains (qu'on trouve également sur le net : clic-clic) mais qui n'est pas terminé. Bon, l'auteur à beaucoup d'autres projets, alors on lui pardonne. La patience est une vertu en BD : pour le tome 2 se Sasmira, il a fallu 14 ans (et la série est pas encore finie ..), on attends encore le tome 4 de Les feux d'Askell (17 ans d'attente celui-là) et Candélabres tom 5 est promis depuis 6 ans. Donc on ne va pas trop reprocher l'attente.


En résumé, voici un excellent exemple de roman graphique : le dessin est très réussi, et très beau, le propos est très clair et parfaitement réussi. L'auteur livre une histoire avec morale et réflexion (je dirais que c'est sans doute la caractéristique d'un roman graphique, mais ce n'est que mon avis), ouvrant pas mal de portes. Le récit est très bien construit et prenant, on ne s'ennuie pas et il y a une belle inventivité. En clair, c'est un opus qui s'installe très facilement sur les étagères de votre bibliothèque. Le prix est modique pour une fois (disons qu'on ne doit pas faire un emprunt à la banque) et le format de poche tient bien sur l'étagère. Toutes les bonnes raisons de l'acheter, ou à défaut de le lire.

* Une chronique bientôt, promis (en disant ça, j'ai encore 150 BD à chroniquer, et au moins autant de livres ....). Lorsqu'elle seront faite, je mettrais un renvoi vers celles-ci.

PS : les illustrations sont publiées avec l'aimable autorisation de leur auteur, merci de ne pas en faire n'importe quoi

(Chronique n°4)

1 commentaire:

  1. Mes pauvres chevilles :)

    Merci beaucoup encore une fois, ça fait plaisir de savoir que son travail touche :)

    RépondreSupprimer