Essayons de redémarrer les chroniques en partant d'un livre qui m'a plu. J'avoue avoir eu du mal à refaire des vrais textes de critiques récemment, et je sentais qu'il fallait quelque chose qui déclenche tout ça. Je pense pouvoir dire que ce livre à contribué à rallumer ma flamme de critique, qui s'était un peu étouffé depuis un petit moment (33 critiques en attentes). En même temps, il y a de quoi, et plus que largement.
Résumé en trois mots : Shakespeare, Onirisme et Art
Avouons-le tout net et sans détour : je ne m'attendais largement pas à ça. En tant que tel, je ne connaissais Fabrice Colin que de nom et un peu de réputation, plus deux livres écrits à deux mains, ce qui est donc assez peu comme départ d'un auteur. Sans compter que l'auteur ne fait pas tellement parler de lui, j'entends au final assez peu de critiques ou même de personnes en parler. Mais en creusant un peu, on se rend compte que l'auteur n'en est largement pas à son coup d'essai, qu'il a déjà bien confirmé son talent et qu'il est une valeur montante et sure de la littérature française actuelle. J'ai eu l'occasion d'aller le voir en dédicace, et même si ce fut bref, je fus enchanté de pouvoir toucher du doigt sa production qui semblait assez intense. Et qui donne envie de se plonger encore dedans.
Ce roman est étrange, intriguant, attirant, envoutant. Il est décousu et totalement linéaire. C'est un roman expérimental reposant sur des bases anciennes. Je ne saurais vraiment où le ranger, mais c'est dans mon top du panier qu'il va assurément. Dans le genre, je n'avais pas ressenti de tel "choc" à la sortie de ma lecture depuis celle de Martin Eden, de Neverwhere ou de Wonderful. Ici, tout est superbe mais en même temps rien n'est clair. Et pourtant si. Essayons de l'expliquer.
Déjà, le propos est centré sur Shakespeare sans que celui-ci n'apparaisse une seule fois. Bien évidemment, son œuvre et sa biographie lacunaire suffiraient à représenter le personnage, mais Fabrice Colin se paye le luxe de nous en donner plus, en inventant le reste, en reprenant la légende faite autour du personnage mais aussi en nous faisant explorer d'autres domaines.
Ce livre traite de folie, d'amour, de femmes et de mère, de l'art et de la vie, de la nature et de mythologie grecque sans que tout cela ne soit un seul instant incohérent. C'est un mélange de diverses choses qui forme un ensemble d'une grande richesse et que je n'ai pas fini de comprendre, j'en suis certain. Rien n'est totalement limpide, mais tout semble clair. Brillant.
La forme est aussi déroutante que le fond, puisque nous nous retrouvons avec des passages de la vie d'un personnage, avec des références internes au livre, puisque le personnage brule à un moment son journal, que nous lisons ensuite dans l'intégralité. Le tout se finissant sur une pièce de théâtre en cinq actes. C'est une façon tellement originale de faire qu'on ne peut résister, tout en comprenant à quel point l'ensemble est parfaitement cohérent à la structure interne du récit et au récit lui-même.
Le tout avec un style ... Excellent serait le mot exact. Parfaitement approprié, avec des passages proche du théâtre, de la poésie, du film, des morceaux d'onirisme et de folie parfaitement orchestré, des superbes passages entre réalité et monde de fée. Et des références qui rehaussent l'ensemble. Comment résister à cela ?
Pourtant, et je dois bien le dire, je ne sais pas si je conseillerai ce livre à tout le monde. En fait, ce livre est très expérimental et risque de rebuter plus d'une personne qui s'accrocherait au récit pour en comprendre le sens. C'est un livre qui nécessite un lâcher-prise mental, qui nous demande de nous asseoir sans se poser de question et de vagabonder dans cet univers étrange et poétique sans nous arrêter. Si vous arrivez à faire ce détachement, le livre commencera doucement à vous envouter pour vous promener dans une Angleterre qu'on rêverait de visiter, un sonnet de Shakespeare en tête, dans une forêt brumeuse, à la recherche de Puck ou d'Obéron. C'est un charme extraordinaire, qui nous tient d'un bout à l'autre pour nous relacher haletant avec en tête, comme unique pensée : "Oh merde. Encore".
Car oui, il faudrait se replonger au cœur de ce livre pour en extraire encore les détails qui ne semblent pas clair, les passages légèrement flous, tout ce qui est encore à découvrir. C'est un livre qui se déguste bien après sa lecture, qui reste en bouche et en tête, qui nous transporte pour nous lâcher après la dernière page, et la chute est belle et longue. C'est le genre de livre qui nous a accroché le cœur et qui nous laisse des petites cicatrices dessus, qui marque vraiment. Car oui, ce livre marque. C'est de la sensibilité, de l'émotion, et, pauvres de nous, simples mortels, nous restons sensibles à cela. Puisse cette sensibilité rester éternelle.
Si je vous conseille ce livre ? La question ne se pose même pas. Oui. Et je vous envie, futur lecteur de cette œuvre, de pouvoir gouter au délice nouveau de ce livre. Bonne lecture à vous, et rendez-vous ensuite, dans un théâtre ou à la bibliothèque. Avec Shakespeare. Et avec Fabrice Colin.
(Chronique n°204)
(Chronique n°204)
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