Pour la dixième chronique, j'ai décidé de marquer le coup. Je ferais sans doute pareil avec la vingtième, la cinquantième et la centième (qui est déjà rédigée d'ailleurs. Mais je la garde au chaud). Donc pour l'occasion, parlons d'une
Résumé en trois mots : Armée, Traumatisme et Poésie
Ah, Manu Larcenet .... Vous en entendrez encore souvent parler, c'est certain. Il fait partie de ces auteurs qui vont apparaitre plus d'une fois sur le blog. C'est bien simple : Larcenet marque de son empreinte la bande-dessinée moderne. Plus de vingts ans de services, et encore du jus sous la pédale. Incroyable ...
Déjà, qui est Manu Larcenet ? C'est une auteur très sympathique nommée plus exactement Emmanuel Larcenet, un dessinateur né en 1969 du côté de Paris. Il démarre dans la bande-dessinée en 1995 en collaborant avec Fluide Glaciale, puis en créant Les rêveurs, une maison d'édition avec un collège : Nicolas Lebedel. C'est au sein de cette maison d'édition qu'il publiera plusieurs de ses albums, notamment Presque, Ex Abrupto, ou Dallas Cow-boy.
Il collabore avec Trondheim (un autre grand nom qu'il faut retenir) sur la série Donjon (une autre série qu'il faut retenir). Entre 2003 et 2008 il publie chez Dargaud sa fameuse série Le combat ordinaire avant de se lancer dans la série Blast en 2009, série qu'il est encore en train de rédiger à l'heure actuelle (il en est au tome 4, le 3 est sorti le 5 octobre dernier).
Cet auteur, au-delà d'une biographie classique, est un auteur ancré dans son époque et qui s'attache à en faire ressortir ce qu'il y ressent. Dans de nombreux albums il exploitera des thèmes qui lui sont chers, et il se met bien souvent lui-même en scène pour ses livres les plus intimistes.
Dans ses sujets de prédilections, nous avons notamment la relation au père et sa mort, les conflits internes autour de très nombreux sujets, ses crises d'angoisses, la photographie (il est un grand amateur de cet art), la paternité, la place de l'artiste à la fois dans la société et dans le monde, ainsi que d'autres (relation à l'autorité, retraite du monde etc ...). Ces sujets sont développés selon plusieurs points de vue, que j'aborderais plus longuement dans une chronique sur Le combat ordinaire. Pour aujourd'hui, nous nous contenterons d'un récit intimiste et personnel, sur une période de sa vie qui ne fut pas facile et qui l'a marqué profondément. L’œuvre est curieuse d'ailleurs puisqu'elle va osciller entre deux tons, mais je vous explique tout cela par la suite.
Donc, Presque est une BD qui va traiter de son passage sous les drapeaux, en clair son propre service militaire. Je précise déjà quelques petites choses en rapport avec mon ressenti vis-à-vis de l'ouvrage. Je n'ai pas connu le service militaire, étant trop jeune pour cela. Je n'ai eu droit qu'à la journée d'appel à la défense, journée chiante au possible mais qui était nécessaire. Ensuite, mon père n'a pas fait le service, et je n'ai jamais eu vraiment d'échos de la part de mes oncles (même si l'un dit que c'était une période très sympathique de sa vie). En clair, je ne connaissais pas grand-chose au système de fonctionnement du service, et c'est en toute insouciance et en toute gaité de cœur que je me suis penché sur cet ouvrage que je n'ai lu que pour avoir vu qu'il s'agissait d'un immanquable de mon site de BD préféré, BDtheque.
Déjà, regardez moi ce trait. Regardez le bien. N'est-il pas superbe en
noir et blanc, avec des jeux d'ombres uniquement, sans contour précis,
avec des taches qui semblent s'éparpiller partout sans ordre logique. Et
pourtant, le dessin est très précis, et loin d'être brouillon. Il est
sombre, torturé, propre à un récit intimiste. Mais ce dessin n'est pas
seul, il y aura une autre forme dans le livre. Regardez donc la deuxième image ci-dessous. C'est du dessin qui fait plus proche du comique que d'une œuvre noire et sombre, n'est-ce pas ? Et pourtant, je peux vous garantir qu'il parvient sans grande peine à faire rejaillir des émotions via ce dessin très simple et tout gentillet, mignon. Le décalage avec le propos plutôt noir va sacrément jouer, et le retour aux cases sombres et tordues vont rajouter encore à l'effet dramatique des passages. D'autant que des alternances vont se faire avec des passages muets, d'autres simplement imaginés, des passages de rêves, et même des passages presque psychédéliques. Le tout va faire voyager le lecteur entre différentes émotions, soulevant d'autant plus l'horreur du récit lorsqu'on retombe à pieds joints dedans. C'est une façon de mettre en scène artistiquement qui est juste parfaite. Tout va se jouer avec ces alternances, et rythmés avec la voix off qui donne le ton de l'ouvrage.
D'ailleurs, parlons en de la voix off. Car si vous avez zoomés sur la première image que je vous ai mis, vous aurez noté que Larcenet parle dans le récit à la première personne. Il nous narre directement les événements auxquels il a prit part et la façon dont il a ressenti les choses. Mais ce n'est pas tout ! Car avec plusieurs interventions, notamment au début, et ensuite dans les dialogues imaginaires avec sa mère, il nous fait comprendre de façon très simple, que nous ne pouvons pas comprendre. C'est un traumatisme personnel qui le ronge, et il nous le livre simplement sans artifice. Jusqu'au bout, avec un final qui est également le sommet de l'album, vous voyez sans pouvoir rien changer, rien faire. Il n'y a pas d'action noble à entreprendre, de pétition à signer, de manif à faire. C'est déjà passé, tout est trop tard à présent. Par contre, l'ampleur du choc est encore là, et vous pouvez seulement assister à tout ces événements sans rien faire. C'est d'ailleurs assez horrible de suivre le cours de tout sans rien faire que de ressentir. Et d'ailleurs, au final, vous n'en aurez pas beaucoup appris, vous n'aurez pas un beau récit qui fait réfléchir. Enfin, si, en un sens, mais ce n'est pas de la philosophie, c'est juste du ressenti, des émotions. Poignantes, violentes, mais elles sont là, bien ancrées dans le récit et prêt à en jaillir pour vous assaillir. Il vaut mieux être préparé, c'est du brutal, comme aurait dit Bertrant Blier.
Et donc, dans tout cela, vous suivrez Manu Larcenet dans son service militaire, depuis ses débuts lorsque son père le déposa devant la caserne, jusqu'à ce que tout soit fini, qu'il soit rentré. Mais ne vous attendez pas à un exposé de la vie à la caserne. En fait il ne l'expose quasiment pas. Vous aurez seulement quelques bribes avant d'avoir l'épreuve finale, où il était en "situation réelle". C'est le gros du livre, les quelques jours passé à attendre un ennemi qui n'en était pas un pour être ensuite relâché dans le monde civil. Une partie qui fut tout sauf de plaisir. Au sein de ces cases torturées, nous aurons même droit à des dessins de hiéroglyphes incas, des cases d'introspection mise en image et commentée. C'est un effet très particulier, mais je le trouve d'une force incroyable. C'est très dur à expliquer, mais il faut le voir pour le comprendre. Encore une fois, je suis admiratif devant la mise en scène.
Et vous, bande de petits veinards, vous avez en sus la chance de pouvoir acheter la réedition de 2010. Manu Larcenet à enrichie cette nouvelle édition de quelques planches supplémentaires, très simple, avec un personnage à lunette qui a pris Presque dans un bac de sa librairie avant d'être apostrophé par Larcenet qui explique notamment la genèse et ce qu'il pense de son ouvrage actuellement (grosso modo, il en est mécontent dirait-on). Très intéressant à lire pour comprendre mieux l’œuvre. Une façon de voir l'artiste à travers l’œuvre, tout en restant dans son cadre. Je ne sais pas si je me suis fait bien comprendre.
Au final, que penser de Presque de Larcenet ? Il y a plusieurs façons d'aborder ce livre. Tout d'abord, nous pouvons y voir simplement une des premières œuvres d'un grand maitre de la BD actuel (qu'il le veuille ou non d'ailleurs, il a ce rôle). Ensuite, nous pouvons y voir une œuvre graphique époustouflante, très en dehors de ce qu'on trouve habituellement en rayon dans les magasins (surtout si on en fouille pas beaucoup). Enfin, nous y avons également une œuvre forte et poignante, témoignage choc d'une tranche de vie très courte, riche en émotion.
Par contre, nous ne pouvons pas y trouver quelque chose d'instructif, d'humoristique ou même de distrayant. C'est profond, sans être philosophique, plus proche d'une poésie funèbre (ou macabre) que d'une BD passe-temps. C'est quelque chose qu'on lit pour en tirer des émotions, et pas pour rester indifférent. Du coup, il vaut mieux savoir à quoi s'attendre avant d'ouvrir ou d'acheter l’œuvre. C'est fort, ça pique, et du fait ça ne plaira pas à tout le monde. Et ce n'est surement pas la meilleure œuvre pour aborder Larcenet, puisqu'elle peut vous rebuter avant de lire d'autres choses. Même si j'ai personnellement commencé par celle là.
(Chronique n°10)
Et donc, dans tout cela, vous suivrez Manu Larcenet dans son service militaire, depuis ses débuts lorsque son père le déposa devant la caserne, jusqu'à ce que tout soit fini, qu'il soit rentré. Mais ne vous attendez pas à un exposé de la vie à la caserne. En fait il ne l'expose quasiment pas. Vous aurez seulement quelques bribes avant d'avoir l'épreuve finale, où il était en "situation réelle". C'est le gros du livre, les quelques jours passé à attendre un ennemi qui n'en était pas un pour être ensuite relâché dans le monde civil. Une partie qui fut tout sauf de plaisir. Au sein de ces cases torturées, nous aurons même droit à des dessins de hiéroglyphes incas, des cases d'introspection mise en image et commentée. C'est un effet très particulier, mais je le trouve d'une force incroyable. C'est très dur à expliquer, mais il faut le voir pour le comprendre. Encore une fois, je suis admiratif devant la mise en scène.
Et vous, bande de petits veinards, vous avez en sus la chance de pouvoir acheter la réedition de 2010. Manu Larcenet à enrichie cette nouvelle édition de quelques planches supplémentaires, très simple, avec un personnage à lunette qui a pris Presque dans un bac de sa librairie avant d'être apostrophé par Larcenet qui explique notamment la genèse et ce qu'il pense de son ouvrage actuellement (grosso modo, il en est mécontent dirait-on). Très intéressant à lire pour comprendre mieux l’œuvre. Une façon de voir l'artiste à travers l’œuvre, tout en restant dans son cadre. Je ne sais pas si je me suis fait bien comprendre.
Au final, que penser de Presque de Larcenet ? Il y a plusieurs façons d'aborder ce livre. Tout d'abord, nous pouvons y voir simplement une des premières œuvres d'un grand maitre de la BD actuel (qu'il le veuille ou non d'ailleurs, il a ce rôle). Ensuite, nous pouvons y voir une œuvre graphique époustouflante, très en dehors de ce qu'on trouve habituellement en rayon dans les magasins (surtout si on en fouille pas beaucoup). Enfin, nous y avons également une œuvre forte et poignante, témoignage choc d'une tranche de vie très courte, riche en émotion.
Par contre, nous ne pouvons pas y trouver quelque chose d'instructif, d'humoristique ou même de distrayant. C'est profond, sans être philosophique, plus proche d'une poésie funèbre (ou macabre) que d'une BD passe-temps. C'est quelque chose qu'on lit pour en tirer des émotions, et pas pour rester indifférent. Du coup, il vaut mieux savoir à quoi s'attendre avant d'ouvrir ou d'acheter l’œuvre. C'est fort, ça pique, et du fait ça ne plaira pas à tout le monde. Et ce n'est surement pas la meilleure œuvre pour aborder Larcenet, puisqu'elle peut vous rebuter avant de lire d'autres choses. Même si j'ai personnellement commencé par celle là.
(Chronique n°10)
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