vendredi 4 avril 2014

Le peuple d'en bas (Jack London)

Encore un Jack London, certes (et j'en ai encore en réserve), mais qui va explorer une autre facette du personnage. En effet, je vous parlerais cette fois-ci de l'auteur socialement engagé et qui nous a pondu un petit chef-d’œuvre de sociologie et d'Histoire (eh ou, à présent cette aspect là de la vie appartiens à l'histoire ... Tant mieux pour eux d'ailleurs). Je précise d'ailleurs au passage que ce livre est aussi appelé, selon le traducteur, Le peuple de l'abime. Dans les deux cas, le sujet est le même, et ce n'est pas beau à lire.


Résumé en trois mots : Pauvreté, Social et Londres

Livre engagé socialement, mais surtout chronique de la vie de pauvres gens, cet ouvrage de London est résolument ancré dans sa vie d'observateur du monde. Ici, les bas-fonds d'un Londres en pleine période "dorée", dans une Angleterre maitresse d'un empire énorme, au innombrables richesses et à l'activité industrielle florissante quoique ayant connu déjà un choc économique. Et dans cette Angleterre là, sortant juste de l'époque victorienne pour rentrer dans celle edouardienne, Jack London va se travestir pour explorer par lui-même ce qu'il appelle "L'Abime", l'endroit où échouent les pauvres, les déshérités, les indigents de la société anglaise. Et c'est glaçant.
A la fois portrait de la vie londonienne pour ces pauvres gens, constatations sur la misère (ce qu'il dit sur la survie au jour le jour de ces gens est valable dans nos pays aujourd'hui aussi), critique d'un système (et d'une société), critique d'un comportement, tout y est. C'est aussi le journal d'une plongée dans ce monde, un monde que London n'arrive pas à concevoir jusqu'au bout. Plus d'une fois il nous explique que cela va trop loin pour lui en montrant ce qu'il a fait au final (comme se laver après avoir du se "laver" dans un centre). C'est une triple lecture, à la fois chronique de l'auteur, chronique sociale et chronique historique. Une superbe densité qui marque.

Tout l'intérêt que l'on peut avoir, outre l'aspect historique, c'est le fameux intérêt de comprendre la pauvreté, ses mécanismes et ses tenants-aboutissants. Et de comparer avec aujourd'hui. Ce qui fait la force de ce livre traitant de la pauvreté, c'est qu'il traite de sujets toujours d'actualité. Je ne vous conseillerai que d'ouvrir les yeux en ville. L'abime n'est pas si loin de nous qu'on le pense.

Un excellent roman, tableau d'une triste réalité du début de XXème siècle, c'est également une peinture saisissante de la pauvreté en général, de ses mécanismes et de ses composants. Chronique d'un auteur s'engageant dans le processus pour essayer d'en parler (journalisme gonzo avant l'heure ...) et nous laissant face à l'horreur de ce qui est vécue. Plus d'une fois j'ai pensé qu'un sadique n'aurait pas put inventer quelque chose comme cela. Et, cerise sur le gâteau, London nous parle au final de socialisme. Et ça, croyez-moi, ça s'entend de loin quand il l'exprime à sa façon. A lire, ne serait-ce que pour être amené à réfléchir sur les situations actuelles.

(Chronique n°162)

Petit extrait pour réfléchir :

"La civilisation a rendu possible toutes les formes du confort matériel, et beaucoup de joies intellectuelles. Mais l'Anglais moyen est exclu de ces joies. S'il doit éternellement en être privé, je dis que la civilisation a failli à sa mission."

"Cela nous amène à poser une troisième et inévitable question : "Si la civilisation a augmenté le pouvoir de production de l'individu moyen, pourquoi n'a-t-elle pas amélioré le sort de l'individu ?" A cette question, une seule réponse est possible : à cause d'une mauvaise gestion."

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