samedi 3 janvier 2015

Substance Mort (Philippe K. Dick)

Il est de certains livres comme de certaines drogues, on veut en reprendre toujours un peu plus, mais au final, la dose de drogue qu'on aura absorbé en premier sera toujours la plus forte et la plus intense, en s'y replongeant on n'y retrouvera jamais le trip d'origine, celui qui nous a fait planer jusqu'au delà des sphères du tangible et du réel. C'est quelque chose qu'on ne peut décrire, qu'on ne peut expliquer, ce qu'on a vécu, on ne peut que se le rappeler dans tout son corps, dans tout son esprit. Et ensuite, essayer de le décrire, c'est encore plus difficile.
Philip K. Dick est un de ces auteurs là, qui vous laisse un gout en bouche au final, qui ne vous laisse qu'une envie, celle de replonger dans un de ses livres au plus vite. Comment pourrais-je vous en parler ensuite ?


Résumé en trois mots : Drogue, Police et Réalité

Philip K. Dick est un personnage vraiment à part dans la science-fiction. Il aurait vécu au XIXème siècle, il aurait eu l'âme d'un Baudelaire opiomane, ou de ces écrivains qui dissèquent les vicissitudes de l'âme humaine. Car oui, l'âme humaine est remplie de tourments et de changements. L'âme humaine est loin de la stabilité.
Car encore une fois, c'est des interrogations métaphysiques qui viennent se greffer sur un roman de science-fiction qui n'a en soi rien de banal. Il est clair que Philip K. Dick est un auteur majestueux, qui possède des dons d'écriture et d'invention remarquable, mais qui possède en outre une capacité à glisser de la philosophie partout. Ce roman est encore une fois la démonstration magistrale de cet auteur pourri de talent.

Ce qui est fascinant, c'est qu'après plusieurs histoires de Philipe K Dick, je retrouve encore cet inventivité débordante que j'avais déjà noté dans ses autres ouvrages. Je pourrais juste lui reprocher l'absence de personnages féminins, la plupart des romans n'en contenant véritablement qu'un seul, mais dans un grand rôle, ce roman ne fait pas exception. Pour le reste, nous retrouvons des personnages torturés, qui se posent de multiples questions et qui sont toujours dans le doute quant à ce qu'ils vivent, ce qu'ils sont et quel est le vrai autour d'eux. Là encore, nous retrouvons des thématiques liées à la drogue, mais plus directement encore que celles de Le dieu venu du Centaure, puisque c'est vraiment l'infiltration des milieux de la drogue par la police qui est au coeur du livre. Et s'ajoute également la thématique autour de la double personnalité, puisque le policier infiltré commence à avoir des problèmes entre ses deux vies mêlées, tout en parlant également du moment où la drogue rend les camés flippés. Quand la drogue t'as eu, comme elle en a eu d'autre ...

Ce serait impossible de décrire tout les sujets du livre, tant il y en a, entre univers de la drogue et vies ratés, amour et haine, personnages en tout genre, ajouts de science-fiction et univers policier ... Mais le plus impressionnant à mon avis, et encore une fois, c'est la façon dont Philip K. Dick nous sort un final en beauté. Comprenez par là qu'il va non seulement vous remettre en cause ce que vous saviez auparavant, vous dévoiler quelque chose que vous ne pensiez pas, mais se permettre en sus, par une phrase presque anodine, vous glisser une réflexion morale et profonde sur la drogue, bien loin des clichés qu'on pourrait avoir. En soi, la fin m'a rappelé un autre livre (que je ne citerais pas pour ne pas vous spoiler ce magnifique twist) et j'ai été sur le cul au niveau de la réflexion, mais surtout quand j'ai compris le véritable titre du livre (qui devient, du coup, un titre sujet à de nombreuses interprétations).
Dois-je vraiment finir en disant à quel point l'histoire est impeccable, en suivant ce pauvre policier qui se perd dans sa vie et bientôt dans sa tête à devoir se poursuivre lui-même et à essayer de ne pas finir fou ? Ce serait en rajouter pour pas grand chose.


Dans les livres de cet auteur, je placerais Substance Mort dans le haut du panier, et même dans le top 3 directement. De ce que j'ai lu, on y retrouve le foisonnement d'interrogation et de sujets que j'affectionne tant, l'histoire qui tient la route d'un bout à l'autre et qui sait se jouer de nous en prenant des directions que l'on ne voudrait pas voir prises. Mais la réalité est cruelle, comme nous la rappelle la dédicace finale, et le monde de la drogue est bien plus dur qu'on ne voudrait nous le faire croire. Surtout quand on songe à ce qui est dit à la fin. Une façon de boucler la boucle qui est glaçante mais tellement ouverte aux interrogations. Un must-have à lire. Pour l'instant, je le considère dans mon coeur comme l'un des meilleurs de Philip K. Dick, et je pense bien ne pas finir là-dessus avec cet auteur. J'aborde seulement les grands ouvrages de lui, et je crois que je vais plonger le plus profond possible. Lisez-le, lisez-le, lisez-le. Ce sont les trois seuls conseils que je peux vous donner à son propos.

(Chronique n°212)

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