Sixième et dernier tome de cette saga, mais première lecture pour ma part, ce fut le deuxième livre de l'auteur que je lu (après Malataverne) et ce fut lui qui m'encouragea à lire ensuite cette fresque extraordinaire sur le royaume du nord, sur ce pays froid et hostile, si beau pourtant, et dont l'histoire semble tragique à chaque instant. Et cette conclusion n'échappera pas à la règle générale, et c'est une porte qui se fermera définitivement. Nous quitterons alors définitivement ce grand nord, ce royaume offert aux nouveaux hommes, à ceux qui débarquaient, aux colons bienvenus. Mais il continuera à vivre ...
Résumé en trois mots : Amérindiens, Barrage et Fin
Le livre est très différent des autres tomes de la saga, en ce sens qu'il apparait moins comme une suite de l'histoire qui à commencé cinq volumes plus tôt, mais tout en restant dans la lignée des autres, aussi bien temporellement, puisqu'il se situe après tout les autres, mais aussi dans le lieu, qui reste cette vallée du St-Laurent, autour de la rivière Harricana. Et qu'il en garde toute la force aussi.
Ce livre est également différent, puisque l'histoire ne semble pas tellement être inventée, on pourrait, encore plus que les autres, croire qu'il s'agit là d'une histoire réelle. C'est sans doute ce qui lui confère cette aura dramatique accrue.
L'histoire ne reprend pas les personnages vus précédemment, mais ouvre la vision avec les grands absents des autres histoires, en dehors de quelques apparitions sporadiques : les amérindiens. Ces peuples premiers vivant encore sur les terres de leurs ancêtres sont ici le centre de l'ouvrage, dans leur vie de tout les jours, dans leurs pensées, dans leur cadre naturel, toujours là malgré le temps qui ronge tout.
Ce qui est prenant, c'est que le livre nous présente le grand chef indien, le plus vieux de la tribu des Wabamahigans, le chef Mestakoshi, qui voit son peuple faire face aux blancs, encore et toujours, non plus par les armes, mais par le droit, par la politique. Dans cette terre gelée du nord, les indiens sont repoussés sans cesse dans leurs retranchements, et leur dieu, le fleuve, se meurt.
Ce roman sonne le glas déjà annoncé dans le précédent, la fin du royaume du nord. Nous n'avons ici plus aucune échappatoire, la saga se clôt sur ce tome qui voit marquer la fin des illusions et des espoirs. La mort est là, patiente, et elle marque la fin d'un monde, le dernier sursaut avant l'entrée dans le monde moderne. Il y a une complainte de l'ancien monde qui se meurt dans ses pages, de la souffrance d'un peuple qui va s'oublier lui-même et disparaitre dans la masse des villes.
Ce roman est aussi le dernier trait que Clavel envoie à cet nature, le dernier morceau de poésie qu'il peut lancer avant de devoir la quitter définitivement. C'est le moment de repartir et de dire adieu à ce monde qu'on a exploré durant six volumes, qu'on a découvert et aimé, de ce monde froid, dur, encore sauvage et hostile. Un monde fascinant et beau, que je rêve d'explorer maintenant.
Dernier volume, et en un sens, premier aussi. Ce livre est sans doute le plus indépendant de la saga, son histoire étant à la fois en dehors de celle de la saga et en même temps liée par l'espace commun. C'est un livre extraordinaire sur les amérindiens du nord et leurs basculement dans un monde nouveau, lorsque la lutte a cessée. C'est le moment fatidique, celui de la bascule, et l'auteur nous conte toute cette perte d'une identité, d'un lieu, d'une mémoire aussi. Mais c'est aussi la découverte de leur vie, de leur pensée, la façon dont ils tentaient de continuer à vivre dans leur paysage superbe. Un roman qui fait prendre conscience de ce qu'il ont perdus, mais également qui m'a donné envie de découvrir ce lieu, ces peuplades. Je voudrais pouvoir explorer maintenant le grand nord, et je le dois beaucoup à Bernard Clavel.
(Chronique n°218)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire